La pollution de l’air détériore les façades des bâtiments. Plus fragiles, les monuments du patrimoine sont les plus touchés. Les particules engendrent principalement des dégradations esthétiques, par encrassement ou dépôts noirâtres. Des suies noires peuvent recouvrir tous les matériaux : la pierre, le ciment, le béton, la brique, la céramique ou encore le bois. L’acide nitrique (NO2), le dioxyde de soufre (SO2), le dioxyde d’azote (NO2) et le dioxyde de carbone (CO2) érodent principalement les matériaux, par sulfatation ou carbonation.
Selon l’association de surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France, Airparif, plusieurs mécanismes entrent en jeu : la perte de masse des calcaires exposés à une pluie acide, et un air contenant du SO2 et du NO2 ; la perte de transparence du verre en fonction de la teneur de l’air en suies, en SO2 et en NO2 et la perte superficielle des vitraux anciens en potassium et calcium suivant l’humidité relative de l’air et sa teneur en SO2 et NO2. L’impact d’autres types de polluants comme ceux émis par les transports routiers, notamment les oxydes d’azote et les particules fines demeure mal évalué. Notons que selon ce rapport, d’ici la fin du siècle, l’augmentation des concentrations atmosphériques en CO2 deviendra certainement le facteur principal d’érosion des façades des bâtiments en calcaire.
Comment estimer les coûts de la pollution de l’air sur les bâtiments ?
Concernant les coûts associés à l’impact de la pollution de l’air sur les bâtiments, il y a un coût facile à évaluer (dit « coût tangible ») : il s’agit de celui lié à la rénovation périodique des façades du fait de leur encrassement et de leur érosion. Mais il existe également un coût beaucoup plus difficile à estimer (dit « coût non tangible »), c’est celui lié à la dégradation esthétique des bâtiments, en particulier des bâtiments patrimoniaux. Peu d’études portent sur ce dernier, mais quelques chiffrages laissent supposer qu’ils est « loin d’être négligeable », selon les enquêteurs.
Pour chiffrer les coûts liés à la rénovation des façades, la commission d’enquête sénatoriale s’est appuyée sur deux études européennes. La première, l’étude Cafe, « relève tout d’abord un certain nombre d’effets néfastes, comme la corrosion des pierres, de métaux et des peintures, la corrosion du patrimoine culturel, les dommages provoqués par l’ozone sur les matériaux polymères ou encore la salissure des bâtiments », rappelle le rapport d’enquête. Elle estime le coût total de ces dégradations à 1,1 milliard d’euros pour l’ensemble des 25 pays européens étudiés.
La deuxième étude a été menée en 2000 et réactualisée en 2014 par l’Institut de recherche et de conseil Infras et l’Institut für Witschaftspolitik und Wirtschaftsforschung (IWW). Elle a évalué le coût représenté par la dégradation des bâtiments dus aux transports, pour la Suisse à 337 millions d’euros par an. En extrapolant ces résultats sur les autres pays européens, elle a conclu qu’ « environ 18 % des coûts associés à la pollution de l’air due aux transports était lié aux dommages des bâtiments (contre 81 % pour les coûts sanitaires et 1 % du fait des pertes de rendement agricole) », rapporte la Commission d’enquête. « Pour la France, l’étude retient un coût global associé à la pollution de l’air due aux transports de 19 milliards d’euros par an, et donc un coût lié aux dommages des bâtiments d’environ 3,4 milliards d’euros en 2000 », précise-t-elle.
Enfin, le Plan régional de la qualité de l’air d’Ile-de-France élaboré en 2000 évaluait pour sa part le coût de rénovation des bâtiments publics d’Ile-de-France entre 1,5 et 7 milliards de francs. Si l’on retient l’estimation haute, cela revient à plus d’1 milliard d’euros par an.
La pollution passée, un lourd héritage
Si la pollution de l’air actuelle continue d’agresser les bâtiments, la pollution incrustée par le passé sur les façades des bâtiments a également un coût. C’est notamment le cas de la pollution due aux particules de plomb, issue d’années d’utilisation de ce métal dans l’essence. « Des particules de plomb piégées dans les bâtiments anciens sont libérées lors des travaux de rénovation et provoquent une pollution importante, qui met en danger la santé des travailleurs qui y sont directement exposés, précise le rapport. Des mesures de protection des travailleurs doivent ainsi être mises en place lors des réfections, avec un coût élevé ». C’est ainsi que, par exemple, coût de la rénovation du Panthéon est passé d’un budget initial de 89 000 euros à environ 890 000 euros.
Le 15 juillet dernier, la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal a promis d’annoncer « la semaine prochaine » des « mesures extrêtement fermes » pour lutter contre la pollution de l’air. Lors du dernier conseil des ministres du 31 juillet avant la trêve estivale, ce plan n’avait toujours pas été annoncé. Il faudra donc attendre la rentrée pour voir comment la ministre compte réagir à ces nouvelles données.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
Et aussi dans les ressources documentaires :
Cet article se trouve dans le dossier :
Durabilité des matériaux : quels enjeux pour les industriels ?
- Des sédiments comme source alternative à l'argile des carrières
- Micro-algues : toujours dans la course aux biocarburants ?
- Voitures électriques : une nouvelle batterie au lithium atteint 200 000 cycles
- PHBOTTLE : du jus devient bouteille !
- Agroalimentaire : la peau de tomate transformée en bioplastique
- Textiles: Econyl, des déchets transformés en nylon
Dans l'actualité
- Des quotas d’émissions en plein bouleversements!
- Réchauffement climatique: une bombe pour la santé publique
- Plus de 90% de la population mondiale respire un air pollué
- Pollution : de nouvelles sources d’ammoniac détectées depuis l’espace
- La pollution de l’air baisse nos capacités cognitives
- Coup dur pour les constructeurs automobiles : les nouvelles normes des émissions pour les véhicules diesel sont jugées trop élevées
- La France, premier émetteur de particules fines PM2,5 en Europe