60 milliards d’euros. C’est le montant récolté par la France en 2021 au titre de sa fiscalité énergétique, TVA incluse. Un puissant outil fiscal, mais qui n’est pas envisagé comme « un ensemble cohérent par les pouvoirs publics », dénonce un rapport récemment publié par la Cour des comptes. Les sages de la rue Cambon jugent que « sa fonction d’outil de la politique énergétique et climatique n’est toujours pas clairement définie dans les documents stratégiques (stratégie nationale bas carbone, programmation pluriannuelle de l’énergie) visant à placer la France sur la trajectoire de la neutralité carbone d’ici 2050. »
Dans son rapport sur l’avenir de la compétitivité de l’UE, Mario Draghi formule lui aussi plusieurs critiques sur la fiscalité énergétique dans l’Union européenne (UE), lui reprochant notamment le fait qu’elle a pour effet de renchérir le coût de l’énergie. Or, il estime que la réduction du prix de l’énergie est le premier levier sur lequel agir pour réduire l’écart de compétitivité de l’Europe. Si « l’écart de prix par rapport aux États-Unis est principalement dû au manque de ressources naturelles de l’Europe, ainsi qu’à son pouvoir de négociation collective limité », il ajoute que « la taxation de l’énergie plus élevée que dans d’autres parties du monde ajoute un volet fiscal aux prix. » Et de rappeler que les États-Unis ne prélèvent aucune taxe fédérale sur la consommation d’électricité ou de gaz naturel, même s’ils appliquent des frais de réseau plus élevés.
Depuis 2003, la DTE (Directive taxation de l’énergie) fixe des règles structurelles et des taux minimaux dans l’UE pour la taxation des produits énergétiques. Elle s’applique à l’électricité, aux carburants, au gaz naturel, au charbon et au fioul ; cependant, chaque État membre peut librement fixer sa propre taxation, tant que ces taux minimaux sont respectés. Et dans les faits, un grand nombre de pays taxent la plupart des produits énergétiques à un niveau nettement supérieur aux taux minimaux de la DTE.
Fixer un niveau maximal de taxe sur les énergies dans l’UE
Face à cette situation, Mario Draghi préconise de réduire et d’uniformiser les règles du jeu en matière de fiscalité énergétique, en utilisant de manière stratégique les mesures fiscales pour réduire le coût de l’énergie. Il conseille de fixer un niveau maximal commun de surtaxes, incluant les différentes taxes, prélèvements et frais de réseau, dans l’ensemble de l’UE. « La réforme législative dans ce domaine est soumise à l’unanimité, mais une coopération entre un sous-ensemble d’États membres ou des orientations sur la fiscalité de l’énergie peuvent également être envisagées », écrit-il.
Depuis 2020, dans le cadre du Pacte vert, l’UE cherche à réviser la DTE pour aligner la fiscalité des produits énergétiques et de l’électricité sur les politiques de l’UE dans le domaine du climat et de l’énergie. Ceci, dans le but de contribuer aux objectifs de l’Europe en matière d’énergie à l’horizon 2030 et à la neutralité climatique d’ici à 2050. La réforme a aussi pour finalité de préserver le marché unique de l’UE en mettant à jour le champ d’application et la structure des taux d’imposition et en rationalisant l’utilisation des exonérations et réductions fiscales facultatives. Mais pour l’heure, aucun compromis n’a été trouvé et il n’est nullement envisagé un taux maximal de taxes.
De son côté, la Cour des comptes propose trois orientations possibles afin de donner à la fiscalité une plus grande lisibilité au regard des objectifs poursuivis par la France. Elle estime qu’une « réflexion structurante sur la fiscalité de l’énergie est nécessaire, tant pour garantir l’atteinte de nos objectifs de politique énergétique et climatique, que pour préserver les grands équilibres budgétaires de l’État. Les bouleversements récents et l’introduction de nouveaux outils de politique publique européens constituent un contexte favorable à la prise de décision sur le sujet. »
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