L'Europe impose à chaque pays membre de surveiller certains polluants gazeux réglementés dans l'air. Les principes de mesure des instruments utilisés doivent être conformes à des normes et nécessitent la mise en place d'une chaîne de traçabilité métrologique. Face à l'arrivée de nouveaux capteurs, de nouvelles spécifications techniques apparaissent et une certification est proposée.
La mesure des polluants gazeux réglementés, dont la surveillance est obligatoire, obéit à un cadre réglementaire bien précis. Les principes de mesure des instruments utilisés doivent être conformes aux normes désignées comme « méthode de référence » dans la directive européenne 2008/50/CE. Il est possible d’en utiliser d’autres, mais à condition de démontrer l’équivalence du nouveau matériel par rapport à la méthode de référence. Dans les faits, les techniques de mesure des appareils dont se servent les AASQA (Associations Agréées de Surveillance de la Qualité de l’Air) sont celles développées il y a une quarantaine d’années.
Chaque polluant a sa propre technique d’analyse de référence. Ainsi, la chimiluminescence est employée pour la mesure des oxydes d’azote (NO/NOx/NO2), la fluorescence UV pour le dioxyde de soufre (SO2), la spectroscopie à rayonnement infrarouge non dispersif pour le monoxyde de carbone (CO), la photométrie UV pour l’ozone (O3) et la chromatographie en phase gazeuse pour les BTEX (Benzène, Toluène, Éthylbenzène et Xylènes).
Mais ce prérequis ne suffit pas. Pour garantir l’exactitude et la fiabilité des analyses réalisées dans les stations de mesure en tout point du territoire, une chaîne nationale de traçabilité métrologique des mesures est mise en place. Son objectif : raccorder tous les appareils de mesure à un même étalon national de référence, lui-même raccordé au système de mesure international. Le LNE (Laboratoire national de métrologie et d’essais), dans le cadre du LCSQA (Laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air), et sous l’égide du ministère en charge de l’Écologie, a développé des étalons spécifiques pour les polluants atmosphériques gazeux cités précédemment.
Des audits pour s’assurer du respect du référentiel technique national
Pour mettre en place ce dispositif, des laboratoires de métrologie intermédiaires ont été créés en région afin de faire face à plus de 1 400 appareils de mesure à étalonner régulièrement et répartis sur toute la France. Pour schématiser, la chaîne nationale de traçabilité métrologique repose sur la circulation périodique d’étalons de transfert entre ces laboratoires appelés aussi « niveau 2 » et le LNE (niveau 1), ainsi qu’entre ces mêmes laboratoires et les AASQA, qui représentent le « niveau 3 ».
Pour compléter ce dispositif, des comparaisons interlaboratoires sont organisées périodiquement à tous les niveaux de la chaîne nationale de traçabilité métrologique. Elles sont un moyen fiable et performant pour attester du bon fonctionnement du dispositif de surveillance. Des audits techniques sont aussi réalisés par le LCSQA pour s’assurer que les AASQA respectent les exigences du référentiel technique national établi par le dispositif national. Le LCSQA vérifie également que les appareils utilisés pour les mesures réglementaires sont conformes à la méthode de référence.
Depuis plusieurs années, les AASQA utilisent de plus en plus des systèmes capteurs pour compléter leurs études. Plus légers et moins coûteux que les analyseurs de référence, ces appareillages peuvent être déployés en plus grand nombre afin d’avoir un maillage plus complet sur un territoire donné. Actuellement, un groupe de travail de normalisation européen élabore des spécifications techniques visant à fournir des lignes directrices pour l’évaluation des performances des systèmes capteurs utilisés pour la mesure indicative de polluants gazeux et particulaires dans l’air ambiant. Et en janvier dernier, une première spécification technique relative aux polluants gazeux a été publiée.
Parallèlement, le LNE et l’Ineris se sont associés pour créer une certification volontaire appelée « Air quality sensor ». « Nous avons développé une plateforme instrumentée qui permet de tester les performances de ces systèmes capteurs, explique Tatiana Macé, responsable du département “Métrologie des gaz” au LNE. Elle peut servir en appui technique aux fabricants lorsqu’ils développent leurs capteurs, ou dans le cadre de la certification avec l’Ineris. » Le référentiel de certification s’appuie sur des protocoles d’essais en laboratoire et en conditions réelles basés sur les documents du groupe de travail de normalisation européen. Dans un premier temps, cette certification volontaire vise les particules fines PM2,5 (inférieures ou égales à 2,5 micromètres) et le dioxyde d’azote (NO2), et devrait s’étendre à d’autres polluants tels que l’ozone (O3) et les particules PM10 (inférieures ou égales à 10 micromètres).
Fournir un résultat dont l’incertitude est inférieure ou égale à 15 %
Ces systèmes capteurs peuvent être ajustés en utilisant les données des stations de mesure. Des comparaisons sont d’ailleurs organisées chaque année afin de comparer leurs performances avec celles des instruments de référence. Ils embarquent différentes technologies : certains fonctionnent à l’aide de détecteurs à infrarouge, d’autres par électrochimie (NO2, Ozone, SO2), tandis que les méthodes optiques sont souvent utilisées pour les particules. Ils mesurent un ou plusieurs polluants à la fois.
« Ces systèmes capteurs pourraient encore évoluer, mais il y a encore beaucoup de travail à mener pour les rendre aussi fiables que les analyseurs de référence, confie Tatiana Macé. Ils ne sont pas toujours spécifiques, cela signifie qu’un polluant peut parfois venir créer des interférences et perturber la mesure. Ils peuvent aussi être sensibles aux températures ou à l’humidité. » Cependant, certains d’entre eux pourraient être utilisés pour des mesures réglementaires dites « indicatives », présentant une incertitude dans la mesure plus large.
En matière de mesure des polluants gazeux réglementés, les instruments de mesure ont l’obligation de fournir un résultat dont l’incertitude est inférieure ou égale à 15 %. En sachant que celle-ci est à respecter lorsque les seuils d’information et d’alertes sont atteints. Dans le cas du dioxyde de soufre (SO2) par exemple, ce seuil est fixé par la réglementation à 500 µg/m³. « L’obligation de ne pas dépasser 15 % d’incertitude ne vaut que pour des concentrations dans l’air élevées, complète Tatiana Macé. S’agissant du dioxyde de soufre, mais aussi du monoxyde de carbone, les concentrations dans l’air ont beaucoup baissé ces dernières années, mais les instruments restent encore adaptés à la mesure de ces faibles concentrations. »
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