La France qui bénéficie d’une recherche de pointe, manque aujourd’hui de filières industrielles dédiées aux nanotechnologies, capables d’assurer le transfert et la diffusion de ces technologies dans le tissu industriel national. Tout l’enjeu va se situer dans la capacité qu’auront nos PME à s’approprier ces nouvelles technologies.
Les nanotechnologies apparaissent de plus en plus comme une véritable source d’innovation sur les marchés industriels. Longtemps cantonnées dans les laboratoires de recherche, les nanotechnologies arrivent aujourd’hui sur les marchés d’applications. Jusqu’à présent, la France a toujours su jouer les premiers rôles sur l’échiquier international dans ce domaine grâce à des laboratoires de recherche de premier rang. Mais aujourd’hui où « transfert technologique » est le maître mot, saura-t-elle prendre ce premier virage décisif dans la course à l’industrialisation des nanotechnologies ?
La France, et plus largement l’Europe, ont su très tôt identifier les potentiels d’innovation associés aux nanotechnologies. A tel point qu’à la fin des années 1990, les investissements publics européens dans le domaine des nanotechnologies étaient plus importants que les financements américains. Depuis, les Etats-Unis ont repris la tête au niveau des investissements publics. Malgré tout, l’Europe se maintient au 2e rang et, au sein de l’Europe, la France occupe une solide seconde place derrière l’Allemagne. Ces efforts soutenus de la France se sont traduits par de belles réussites : leadership mondial dans la production et la valorisation des nanotubes de carbone, création d’un important centre de compétences dans le domaine de la nanoélectronique, et un savoir-faire reconnu en développement de solutions « nano » en sciences de la vie (nouveaux traitements anticancéreux, systèmes de délivrance…).
La France des nanotechnologies, ce sont aujourd’hui près de 220 laboratoires et plus de 4.000 chercheurs impliqués dans de nombreuses infrastructures, allant des pôles de compétitivité (Minalogic) à des plates-formes d’intégration (Nano-Innov) en passant par des centrales technologiques réparties sur l’ensemble du territoire. Par ailleurs, avec 0,8% de ses investissements de R&D dédiés aux nanotechnologies (contre 0,4% pour les Etats-Unis), et un positionnement entre la 4e et la 5e place des pays qui publient le plus, la France fait toujours partie des pays de tête ces 10 dernières années.
Une révolution industrielle se met en place au niveau mondial
Cependant, les règles du jeu sont en train de changer. « Sur les 5 dernières années, le nombre de produits incorporant des nanomatériaux a connu une croissance de près de 400%. Même s’il est vrai qu’on est encore loin des innovations de rupture, la tendance est belle et bien amorcée. Dans cette démarche de développements industriels, la force de la R&D académique seule ne suffit plus. On entre dans une phase de transition où les acteurs leaders de demain sont en train de se créer. Malheureusement, les industriels français et européens sont encore frileux », déclare Vincent Pessey, responsable Pôle Nanotechnologies Alcimed. En effet, la part des capitaux privés en soutien des financements publics est de l’ordre de 30 % en Europe alors qu’elle est de l’ordre de 55 % aux Etats-Unis.
Deux autres indicateurs soulignent l’écart qui se creuse entre les Etats-Unis et l’Europe : le nombre de brevets déposés et le nombre de sociétés créées dans le domaine des nanotechnologies. La France occupe la 5e place des pays déposant des brevets dans le domaine des nanotechnologies (soit moins de 5 % des brevets déposés). Cette 5e place cache un véritable retard dans la mesure où la France se retrouve loin derrière les Etats-Unis, le Japon et l’Allemagne qui à eux trois représentent plus de 75 % des brevets déposés dans ce domaine. Le constat est identique au niveau du nombre de sociétés créées : moins de 50 en France, plus d’une centaine en Allemagne et plusieurs centaines aux Etats-Unis. Ce constat est inquiétant dans la mesure où ces indicateurs sont une traduction de l’implication des industriels dans le domaine des nanotechnologies. Et dans ce cadre, la France n’est plus un pays de référence.
Une absence de filières industrielles et un manque de coordination
« Ce retard pris dans les premières étapes du développement industriel pourrait fortement s’accentuer à l’avenir dans la mesure où la France manque aujourd’hui cruellement de filières industrielles dédiées aux nanotechnologies, capables d’assurer le transfert et la diffusion de ces technologies complexes dans le tissu industriel national. Dans les prochaines années, tout l’enjeu va se situer dans la capacité qu’auront nos PME à s’approprier ces nouvelles technologies », poursuit Vincent Pessey.
Les nanotechnologies restent encore trop souvent dans les laboratoires avec peu de moyens efficaces pour les diffuser. Certes, de grands groupes français sont leaders sur leurs secteurs d’application et ils tirent déjà des bénéfices des nanotechnologies (Michelin, Rhodia, Arkema, Essilor, Saint-Gobain…). Mais le potentiel n’est pas uniquement là. Il se situe essentiellement au niveau des PME qui peuvent voir dans les nanotechnologies un moyen de se différencier et de conserver une compétitivité sur le plan international. Les nanotechnologies restent bien souvent inexploitées parce que les PME ont réellement du mal à identifier les soutiens technologiques nécessaires pour les maîtriser.
Il existe cependant une véritable volonté au niveau français pour continuer à jouer un rôle dans le domaine des nanotechnologies. Les annonces de soutien à cette nouvelle filière se multiplient (Grand Emprunt, SNRI …) . Les premiers retours devraient se faire sentir d’ici 12 à 18 mois. Ces actions sont capitales. Il est en effet important de mettre en place et de favoriser de nouveaux chemins de diffusion. « Au niveau international, la course est lancée. Les pays qui ont choisi de miser sur les nanotechnologies sont de plus en plus nombreux, que se soient les pays leaders historiquement ou bien les acteurs des zones émergentes. Plus proches de nous, des pays comme l’Allemagne ont très tôt misé sur des réseaux de compétences associant laboratoires de R&D, entreprises et PME, tout en favorisant les échanges avec la société civile. Aujourd’hui, la recherche est effectuée à 70 % par les entreprises et de nombreuses PME allemandes commencent à tirer des bénéfices de ces technologies.
« Tout l’enjeu aujourd’hui est de poursuivre ces efforts tout en s’attachant à coordonner les politiques de développement afin de créer de véritables synergies et ainsi éviter que notre politique soit une collection de démarches ponctuelles », conclut Vincent Pessey.
Par Alcimed
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