Décryptage

La fin du véhicule thermique, acte de naissance du transport décarboné

Posté le 23 novembre 2023
par Pierre Thouverez
dans Innovations sectorielles

La décision européenne d’arrêter la production de véhicules thermiques neufs en 2035 est une étape indispensable, aujourd'hui actée, pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 sur le vieux continent.

Pour autant, cette interdiction, qui prendra effet 15 ans avant l’horizon fatidique de 2050, n’a pas fait l’objet d’un consensus global, c’est le moins que l’on puisse dire. Les Etats membres semblaient initialement majoritairement en accord sur l’arrêt de la production de véhicules thermiques en 2035, comme le laissait penser la validation de la loi consacrée à cette ambition, le 14 février dernier. A partir de là, la validation définitive du texte de loi par le conseil de l’Union Européenne n’aurait dû être qu’une simple formalité… mais il n’en fut rien. En effet, le 10 mars dernier, l’Allemagne, à la surprise de beaucoup, s’est jointe aux trois seuls pays qui affichaient des réticences quant à la validation de cette loi, à savoir l’Italie, la Pologne et la Bulgarie. Un mois de bras de fer plus tard, le texte validant la fin de la production des véhicules thermiques d’ici à 2035 est finalement validé par l’ensemble des pays membres. L’Allemagne a accepté de valider l’accord, ayant obtenu ce qu’elle désirait, à savoir un aménagement spécifique autorisant, après 2035, l’utilisation de carburants synthétiques pour les véhicules thermiques.

Si les contours législatifs de cet aménagement ne sont pas encore définitifs, l’enjeu est lui de taille, puisqu’il autorise la poursuite de la production de véhicules thermiques après 2030, à la condition que ces derniers fonctionnent avec des carburants de synthèse. La pertinence écologique de ces carburants fait aujourd’hui débat : que ce soit à partir d’hydrogène vert ou d’électricité bas carbone afin d’obtenir du méthanol, la production des carburants de synthèse se révèle extrêmement chère, et leur usage sera donc très limité.

Quoi qu’il en soit, l’Europe est donc bel et bien engagée sur une interdiction des véhicules thermiques à horizon 2035. Le choix de cette date ne doit rien au hasard : la durée de vie des véhicules thermiques étant estimée à une quinzaine d’années, on retombe sur la disparition de ces véhicules pour 2050, qui correspond à la date à laquelle l’UE vise la neutralité carbone.

En France, la stratégie nationale bas carbone – SNBC – définit les orientations stratégiques concernant chaque secteur industriel de façon à parvenir à une société décarbonée en 2050. La SNBC définit la feuille de route à suivre, par étapes, pour atteindre ce résultat. En ce qui concerne les transports, l’objectif pour 2030 est de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 28% par rapport à 2015. Cette ambition couvre l’ensemble des moyens de transport, à l’exception du transport aérien. 

Comment y parvenir ? La SNBC liste quatre leviers d’actions. D’abord, l’amélioration de la performance énergétique des véhicules légers et lourds, avec un objectif de consommation de 4 litres pour 100 km concernant les véhicules thermiques utilisés par les particuliers. 

Le second levier concerne l’électrification des véhicules et le développement des infrastructures inhérentes au fonctionnement de cette flotte de véhicules décarbonés. En termes de chiffres, le gouvernement espère atteindre 35% de ventes de véhicules particuliers neufs électriques ou à hydrogène en 2030, et 100% en 2040. 

Troisième point, la maîtrise des besoins de transport : optimisation de l’utilisation des véhicules, covoiturage, télétravail… en bref, il faut limiter autant que possible la demande pour le transport.

Enfin, la SNBC vise à transférer les usages vers des modes de transports sobres, en ce qui concerne les personnes comme les marchandises : les deux modes de transports à privilégier sont donc les transports en commun et le vélo pour les personnes, et le train pour les transports de marchandises.

Si l’horizon 2035 peut paraître encore éloigné, de nombreux constructeurs automobiles se sont déjà engagés sur des objectifs cohérents avec ceux de l’UE. Citons Audi, qui annonce achever sa transition vers le 100% électrique pour 2033, ou Renault, qui affiche l’ambition de proposer une flotte composée à 90% de véhicules électriques pour 2030.

Par Pierre Thouverez


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