La filière biogaz agricole française se développe depuis près de 5 ans. Mais les retours d’expérience montrent de nombreux problèmes. La filière s'organise pour les surmonter.
Le cabinet E-Cube Strategy Consultants a été mandaté par les grands acteurs du biogaz pour faire un état des lieux de la filière. L’objectif était d’analyser les problèmes rencontrés par les méthaniseurs agricoles et territoriaux qui concentrent la majorité du potentiel de développement de la filière et de définir les actions à engager pour les surmonter.
L’étude est exhaustive. Elle porte sur 44 sites agricoles et 10 territoriaux qui valorisent le biogaz en cogénération (production simultanée de chaleur et d’électricité), soit 40% des sites à la ferme, et 100% des sites territoriaux en fonctionnement fin 2013.
Presque tous les méthaniseurs rencontrent des problèmes. En effet, 94% des 54 sites interrogés déclarent subir des aléas : 44% des sites connaissent des pannes et dysfonctionnements du procédé de métahnisation, 31% subissent des pannes et des arrêts de la cogénération. Et 29 % présentent des diffucultées d’approvisionnement en intrants complémentaires. 65 % des sites présentent de ce fait une rentabilité inférieure au prévisionnel, notamment à cause de surcoûts d’investissements et de maintenance. Seulement, 19 % ont une rentabilité conforme, 11 % une rentabilité supérieure et 5 % ne se prononcent pas.
Des équipements non adaptés
L’Allemagne a fait le choix de cultures alimentaires dédiées pour faire fonctionner ses méthaniseurs. Ses intrants sont homogènes, majoritairement des lisiers et de l’ensilage de cultures, qui permettent un approvisionnement régulier tout au long de l’année. La filière française se caractérise au contraire par des intrants beaucoup plus variés, plus fibreux, et avec un taux d’indésirables plus élevé. Elle n’a cependant pas développé d’équipements spécifiques et s’est tournée vers les procédés et équipements pré-existant, notamment allemands. « L’inadaptation du matériel et de la conception aux intrants entraînent des défaillances matérielles sur le procédé de méthanisation (casse des équipements d’incorporation, blocage de brasseurs, besoin de curage prématuré des digesteurs, …) qui se traduisent par un fonctionnement de l’installation inférieur au prévisionnel, analyse le rapport. La rentabilité des installations est affectée par ces pertes de revenus et par les coûts imprévus de changement du matériel suite aux casses, et éventuellement par les investissements complémentaires à réaliser pour adapter la conception du méthaniseur. »
Outre les impacts des intrants sur le matériel, des difficultés d’approvisionnement en intrants complémentaires à la matière organique agricole sont à déplorer. Cela affecte la durée de fonctionnement d’environ 30% sites. Egalement, « des micro-coupures engendrées par les défaillances du réseau électrique dans certaines régions entraînent le désaccouplement des moteurs et l’arrêt de leur production », précise le rapport. Ce problème a un fort impact sur le matériel pour 17 % des sites du panel.
« Les surcoûts de maintenance concernent la phase de digestion pour 50 % des sites enquêtés et le fonctionnement du moteur pour 38 %», ajoutent les consultants. Ces surcoûts sont liés aux différents incidents techniques rencontrés. Par exemple, Jean-Marc Bonot témoigne que sur son installation à la Ferme EARL de Guernequay (56), les frais de maintenance provisionnés se situaient entre 25 et 28 €/MWh. Mais ces frais s’élèvent en réalité à 60 €/Mwh à cause des pannes moteur et des aménagements à faire sur le process initial.
La filière, dans la tourmente, réagit
Alors que les projets devraient se multiplier pour atteindre les 1000 méthaniseurs en 2020, ils diminuent. Si environ 50 nouvelles unités ont été installées en 2014, les acteurs s’attendent à une division par deux du nombre de projets annuels à partir de 2016, avec seulement 20 MWe installés par an. Si cette trajectoire se confirme, les capacités installées seront bien en-dessous des objectifs de développement.
« Lors de l’étude, environ un projet sur trois a été déclaré bloqué, principalement pour des raisons de manque de rentabilité et/ou de financement et/ou d’acceptabilité sociale (recours bloquant provisoirement les constructions), indique le rapport. Notamment du point de vue des financeurs, les niveaux de rentabilité pour ces dossiers ne sont pas à la hauteur des risques perçus.»
Face à toutes ces difficultés, le comité national biogaz a été créé en mars 2015 pour faciliter les échanges entre acteurs et pouvoirs publics. Un travail important de concertation a eu lieu pour réviser les mécanismes de soutien à la cogénération. Un nouvel arrêté revalorise les conditions d’achat de l’électricité pour les sites existants, mais les acteurs déplorent que ce tarif ne soit garanti que sur 15 ans, alors que l’accord initialement prévu le garantissait sur 20 ans. La réévaluation des mécanismes de soutien pour les nouvelles installations est en cours de validation. Par ailleurs, la filière s’engage à développer la recherche pour développer des matériels adaptés aux spécificités du modèle français, mais attend toujours une amélioration de l’intégration des méthaniseurs au sein des réseaux électriques. Cela suffira-t-il pour sauver la filière ?
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
Un projet de méthanisation agricole intéresse l’ensemble des parties prenantes locales. Malheureusement, épuisés par nos querelles, nous sommes incapables de créer un modèle intelligent. Cela fait d’ailleurs le bonheur de la filière nucléaire et des grands groupes énergétiques qui vont ramasser la mise le moment venu…. Merci les socialos-bobos et anarchos qui ont mis dans la tete des gens des stupidités sur le sujet. Et merci aussi à ces bandits de la commission de régulation de l’énergie et autres cranes d’oeufs parisiens, qui n’ont rien fait pour voir tout contre….
Bonjour,
Je suis du milieu agricole et aussi président d’une association qui lutte contre l’installation d’une usine de méthanisation à l’échelle industrielle (voir notre site Echo-Louët).
Celle-ci est soutenue par les politiques locaux, dont la motivation reste financière. Je ne peux vous résumer les discordent car nous sommes engagés dans un recours administratif. Toutefois, lors de l’enquête publique nous avons remis un dossier de 16 pages au commissaire dont certaines craintes se retrouvent dans votre article.
Vous comprendrez qu’il est difficile de fournir des remarques pouvant nous discréditer.
Merci
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