Après des décisions contradictoires autour du déploiement de la fibre optique en 2010, se pose la question : où se situe la France par rapport aux attentes européennes et aux objectifs nationaux ? Florianne Duguay, Vice Présidente Ventes et Marketing Kleverage de P&T Consulting révèle la position de la France et le rôle fondamental que vont jouer les municipalités.
Tout d’abord, il faut considérer que l’Europe est déjà en retard par rapport au reste du monde. Aujourd’hui, le seul pays qui tire son épingle du jeu est la Russie qui a un taux de pénétration très important, du même niveau que le Japon ou les États-Unis.
La France est à la fin du tableau, avec le 26e taux de pénétration sur 35 en Europe. Tous les pays émergents plus dynamiques nous sont passés devant… Le taux de pénétration de la fibre en Europe est de 17,5 %, sachant que la France n’est qu’à 8 %… Nous sommes moitié moins dynamiques par rapport à l’ensemble de nos voisins. À première vue, c’est inquiétant. Mais considérons aussi que la France a une position particulière.
En effet, la répartition géographique de la France pose problème, avec une majorité de son territoire peu dense en termes de démographie. Ce qui explique qu’aujourd’hui les opérateurs se posent clairement la question de savoir s’ils ont intérêt à amener la fibre optique jusque dans les zones non denses, sachant que justement la population y étant faible, le retour sur investissement semble plus incertain. Alors pourquoi s’engageraient-ils seuls sur des dépenses aussi importantes sur certaines régions ?
Des raisons plus historiques qu’économiques
Cette problématique qui a occupé les débats en 2010 est loin d’être résolue. La mesure pour y remédier que propose le Grand Emprunt est déjà un pas en avant : en finançant différents projets locaux de certaines zones non denses, comme la Manche, la France sera en mesure de déterminer les solutions les plus efficaces. Mais le constat des premières collectivités à se lancer est inquiétant : même sur ces projets soutenus par le gouvernement, les Délégations de Services Publics (DSP) en charge de mettre en œuvre le génie civil nécessaire, ne semblent pas se bousculer… Le coût n’est donc peut-être pas le problème principal en France.
La véritable problématique en France est peut-être plutôt historique. En effet, tous les supports ADSL, XDL… fonctionnent très bien et sont encore largement exploitables aux vues de la demande nationale actuelle. C’est ce qui explique que France Télécom ait mis beaucoup de temps à réagir par rapport à la fibre optique. Les réseaux ADSL, XDSL sont plus intéressants pour l’opérateur historique. France Telecom n’étant pas moteur par rapport à la fibre, ce sont plutôt les opérateurs alternatifs qui tentent de promouvoir ces technologies plus innovantes.
La conférence annuelle FTTH Council Europe qui s’est tenue a Milan, en février dernier, a été l’occasion de partager les expériences. D’autres pays y ont révélés des soucis particuliers, comme le marché belge par exemple, qui souffre de l’absence de gouvernement ou du fait qu’aucun opérateur alternatif ne se risque à proposer des technologies novatrices par rapport à Belgacom.
Un acteur est ressorti comme étant réellement moteur pour le déploiement de la fibre optique en 2011, en tout cas pour la France. Ce sont les municipalités, collectivités locales, et autres communautés de communes, qui semblent vraiment s’investir dans le domaine et cherchent à se faire entendre.
Répertorier des infrastructures existantes
Le constat que nous avons fait au FTTH Council Europe, est qu’il y a un gros développement fibre sur les pays de l’Est, notamment la Hongrie, la Slovénie, la Bulgarie… Ils sont venus au FTTH Council Europe, avec des projets précis. Ils savaient véritablement ce qu’ils souhaitaient faire. En revanche, tous les pays proches de la France semblent connaître un véritable ralentissement au niveau des investissements, que ce soit la Belgique, l’Italie, L’Espagne, l’Allemagne ou le Royaume-Uni. Quel va donc être le moteur pour relancer les installations fibres sur ces pays ? C’est ce que nous dira 2011…
La France, pour sa part, a lancé le Grand emprunt pour l’installation des zones non denses afin de développer des zones de test qui seront ensuite suivies. Mais certaines collectivités ont déjà des réseaux télécoms fibre qui dorment depuis plusieurs années, et leur souci clairement annoncé aujourd’hui est de savoir comment rentabiliser leurs infrastructures.
Cette démarche typiquement française, qui consiste à investir sur un secteur d’avenir sans se poser la question de savoir si, à un moment donné, il va être utile de justifier ces dépenses, est aujourd’hui un frein pour ces collectivités alors visionnaires. Dans les autres pays, avant d’investir, chacun pense d’abord à la rentabilité. En France, à partir du moment où le gouvernement met 70 % de l’investissement sur la table, on considère cela comme des financements publics et on ne réfléchit plus à comment rentabiliser… Répertorier des infrastructures existantes est aujourd’hui nécessaire pour faciliter à court terme le développement de l’accès au réseau fibre.
Le rôle fondamental des municipalités
En revanche, les 30 % d’investissements, réalisés par les DSP, sont véritablement réfléchis. Elles décident de travailler sur une région plutôt qu’une autre, en ayant préalablement étudié le terrain afin de confirmer qu’elles peuvent s’implanter avec un retour sur investissement à plus ou moins long terme.
Aujourd’hui, les récents acteurs, comme Free, développent leur propre infrastructure, et sont en train de faire bouger le marché occupé par les DSP ou opérateurs. Ils vont provoquer la réaction de tous ces acteurs historiques qui ont besoin d’une réelle concurrence pour relancer ces installations, entre autre dans les zones peu dense. Car tous ces acteurs ont considéré en priorité les grandes villes où le ROI (Return On Investment) semblait rapide.
La question qui se pose maintenant, c’est comment vont-ils se partager le marché des zones moins denses et peu denses ? Par exemple, sur les quelques régions cibles, pour le moment on n’a aucune idée de quelles vont être les DSP retenues sur la région… Pourquoi choisir plus l’une que l’autre ? Même si chacune a ses terrains de prédilections, rien ne permet d’affirmer qu’elles vont continuer à se positionner régionalement…
Le véritable moteur va donc être le choix des communautés de communes et des collectivités locales. Beaucoup commencent à dénoncer la situation, n’admettant pas de payer autant d’impôts locaux que les villes qui bénéficient déjà de ces infrastructures fibre. La véritable impulsion en 2011 va venir de ces acteurs incontournables, investisseurs et décideurs, que sont les municipalités et leur regroupement.
par Florianne Duguay, Vice Présidente Ventes et Marketing Kleverage de P&T Consulting
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