Le réchauffement climatique augmente, et dans le même temps l’oxygène se fait plus rare dans les océans. Dans un rapport – basé sur les travaux de 67 experts scientifiques représentant 51 instituts de 17 pays -, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) déclare que le taux d’oxygène dans les océans a baissé d’environ 1 à 2% entre 1960 et 2010. Ce document constitue la plus grande étude scientifique menée à ce jour sur la désoxygénation des océans.
La baisse significative de la teneur en oxygène des océans est une conséquence directe du réchauffement climatique, favorisé par les activités humaines. «La désoxygénation des océans n’est que la dernière conséquence de nos activités à être reconnue» estime l’UICN. Par ailleurs, la raréfaction de l’oxygène dans l’océan n’est pas homogène. À Kiel en Allemagne, une équipe de chercheurs du Centre Geomar Helmholtz pour la recherche océanique explique qu’il y a «de grandes variations selon les différents bassins océaniques et les différentes profondeurs».
Réchauffement climatique et eutrophisation mis en cause
Depuis la seconde moitié du 20ème siècle, environ 93% de l’excédent de chaleur causé par les émissions de gaz à effet de serre a été absorbé par les océans. S’en sont suivies l’augmentation de leur température et leur acidification. Or, il y aurait un lien direct entre la hausse de la température océanique et ce phénomène de désoxygénation. En clair, il s’agit d’une altération des échanges gazeux avec l’atmosphère et d’une réduction de la capacité à retenir l’oxygène soluble. Dans une eau chaude, les gaz sont moins solubles. De plus, cette difficile solubilité défavorise la circulation de l’oxygène vers les profondeurs. Notons que toutes les profondeurs des océans sont impactées.
Le deuxième élément pouvant expliquer la désoxygénation des océans est l’eutrophisation. Elle est liée au ruissellement des nutriments qui proviennent des zones continentales et des dépôts d’azote issus de l’utilisation de combustibles fossiles. L’eutrophisation entraîne la prolifération d’algues, et une hausse de la demande en oxygène par les micro-organismes. C’est ainsi que se développent des zones de minimum d’oxygène (open-ocean oxygen-minimum zones, ou OMZ), dites hypoxiques. Elles se trouvent essentiellement sur la côte Atlantique étasunienne ainsi que dans le nord de l’Europe. La mer Baltique et la mer Noire font partie des OMZ les plus connues. L’UICN rappelle que l’hypoxie anthropique, opposée à l’hypoxie naturelle, peut causer de grave déséquilibres écosystémiques. Et lorsque l’oxygène se fait encore plus rare, il s’agit d’espaces anoxiques
Jusqu’à 7% d’oxygène en moins en 2100
Dans toutes ces zones, les concentrations d’oxygène sont inférieures à 2 mg/L. Dès ce niveau, les poissons ne vivent plus. Or, ces zones côtières sont des terrains de pêche, qui recouvrent donc des enjeux économiques. La désoxygénation actuelle des océans commence à modifier progressivement l’équilibre de la vie, en favorisant les espèces tolérantes à l’hypoxie au détriment des espèces sensibles à celle-ci. À une concentration de 1 mg/L, une grande partie de la faune ne pourrait subsister. Jusqu’à 0,5 mg/L, même les espèces hypoxiques s’éteindraient, et un tapis microbien se formerait. Et en dessous de 0,2 mg/L, c’est l’anoxie, où seuls quelques micro-organismes subsistent. Le nombre d’espaces océaniques anoxiques a été multiplié par quatre depuis les années 1960.
Selon l’UICN, le nombre de zones hypoxiques est sous-évalué dans les tropiques, faute d’études suffisantes. Par ailleurs, il se pourrait qu’une baisse supplémentaire de 1 à 7% du taux d’oxygène dissous dans les océans mondiaux survienne d’ici 2100. Si la tendance suit les prévisions, plusieurs conséquences macabres seraient à craindre. La perte de la biomasse entraînerait des déséquilibres écosystémiques qui porteraient atteinte à la reproductibilité des espèces, et favoriseraient le développement de maladies. De plus, les espèces sensibles, pêchées, et les proies pourraient perdre leur habitat, et voir leur risque de mortalité accru. C’est pourquoi l’ONG appelle à la réduction drastique et rapide des émissions de gaz à effet de serre, et notamment du méthane.
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