Selon une étude de T&E, le trafic aérien dans l'Union européenne devrait plus que doubler en 2050, ce qui rendra impossible le respect de l'objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre de ce secteur. L'ONG belge recommande notamment aux législateurs d'arrêter d'autoriser les extensions des aéroports ou de sous-taxer cette industrie.
En se basant sur les projections de croissance des deux constructeurs aéronautiques Airbus et Boeing, T&E (Transport & Environment) a réalisé une étude dans laquelle l’ONG belge prévoit que le trafic aérien de passagers au départ des aéroports de l’UE va plus que doubler en 2050 comparé à 2019. Celui-ci devrait croître à un rythme de plus de 5 % jusqu’en 2027, puis connaître une progression plus modérée autour de 2,5 %. « Une telle croissance incontrôlée pourrait faire dérailler les objectifs climatiques de l’aviation et soulève de sérieuses inquiétudes quant à la demande croissante d’énergie du secteur et à son impact sur le climat », alerte T&E.
Malgré des moteurs plus efficaces, des avions mieux conçus et une optimisation de la manière dont ils sont exploités, la consommation de carburant des aéroports européens devrait en effet augmenter de 59 % en 2050 pour répondre à la demande croissante pour ce mode de transport. Or, cette consommation, qui progressera en moyenne annuelle de 2,1 % par an entre 2023 et 2050, risque de rendre « de plus en plus difficile le déploiement de technologies vertes capables de réduire les émissions du secteur », déplore T&E.
Même en respectant l’objectif du règlement européen ReFuelEU Aviation, qui impose d’incorporer une part croissante de carburants durables dans le kérosène, jusqu’à atteindre 42 % en 2049, l’ONG environnementale estime que le secteur devrait brûler autant de kérosène fossile à l’horizon 2050 qu’en 2023. Dans 25 ans, selon ses projections, les appareils au départ de l’Europe devraient en effet continuer à consommer environ 21,1 millions de tonnes de kérosène.
Face à cette augmentation de la consommation de carburants, T&E pointe également du doigt le risque d’une dépendance excessive aux biocarburants, qui pourrait entraîner l’utilisation de matières premières non durables. Si des huiles de cuisson usagées, des graisses animales, de la biomasse de déchets ou de boues d’épuration peuvent être utilisés sans restrictions pour fabriquer des carburants durables, ce n’est pas le cas par exemple des résidus agricoles. Or, le risque est que cette matière première soit de plus en plus utilisée pour faire face à la demande, au détriment de la santé des sols.
585 TWh d’électricité renouvelable nécessaires pour produire du e-kérosène en 2050
Selon T&E, « à partir de 2035, il n’y aura plus suffisamment de matières premières durables pour répondre à l’obligation de l’UE en matière de biocarburants dans l’aviation. » Elle ajoute que « d’ici 2050, quatre litres de biocarburant sur cinq fournis pourraient provenir de matières premières qui ne sont pas véritablement durables. »
Pour faire face aux besoins croissants de carburant, le secteur aéronautique pourra également se tourner vers le kérosène de synthèse, fabriqué à partir d’hydrogène vert et de carbone. L’UE exige d’ailleurs d’en mélanger 35 % dans le carburant du secteur aéronautique d’ici 2050. Mais là encore, ce n’est pas sans engendrer des difficultés, puisque T&E estime qu’il faudra 24,2 millions de tonnes de kérosène de synthèse à cette échéance, ce qui nécessitera 585 TWh d’électricité renouvelable pour fabriquer l’hydrogène vert. « C’est plus que la demande totale d’électricité de l’Allemagne en 2023, et cela représenterait environ 10 % de l’électricité éolienne et solaire totale qui devrait être produite dans l’UE d’ici 2050. »
Alors que l’UE s’est engagée à atteindre zéro émission nette de gaz à effet de serre en 2050, T&E estime qu’en 2049 l’aviation européenne pourrait émettre entre 3 % de moins et 24 % de plus de CO2 qu’en 2019. Des prévisions très éloignées de celles de la Commission européenne, qui prévoit une croissance annuelle du trafic aérien européen inférieure de 60 % aux projections de croissance d’Airbus et de Boeing en 2040.
Face à ces nouvelles perspectives, l’ONG belge recommande aux gouvernements de l’UE de cesser d’approuver l’expansion des infrastructures aéroportuaires qui ont pour effet d’alimenter la croissance du trafic. Elle demande également la révision de la directive européenne sur la taxation de l’énergie afin de supprimer « l’exonération fiscale dont bénéficie l’aviation pour l’utilisation du kérosène, alors que les citoyens et les entreprises doivent payer des taxes sur le carburant qu’ils utilisent pour leurs voitures, leurs maisons et leurs bâtiments professionnels ». Elle préconise aussi le soutien au déploiement de carburants véritablement durables et enfin de maximiser le potentiel des chemins de fer européens.
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