La consommation d'électricité a diminué de façon substantielle ces deux dernières années au Royaume-Uni. Malheureusement, c'est sans doute la récession économique qui en est la cause et pas du tout l'amélioration de la performance énergétique. Réalisé sur le cas anglais, le calcul a valeur d'exemple.
La cause de la baisse de la consommation pourrait être le ralentissement de l’économie, l’amélioration de la performance énergétique ou le coût élevée de l’électricité. Si la cause est la contraction de l’économie, nous pouvons nous attendre à ce que la consommation reprenne avec le retour de la croissance. D’un autre côté, si la performance énergétique est la raison, il est raisonnable de penser que la baisse va persister. On considère généralement que la consommation d’électricité n’est pas sensible au prix de l’énergie. Si le coût élevé de l’électricité est en cause, cela pourrait nous donner de précieux indices sur la manière de réduire notre consommation d’électricité et ainsi nos émissions de CO2. Mes conclusions dans cet article sont que la quasi totalité de la baisse de la consommation énergétique provient des grands groupes industriels et commerciaux. Cela signifie que la cause la plus probable est la chute de l’activité économique. La consommation des ménages est, elle, restée constante.
La consommation des ménages reste constanteLe distributeur d’énergie National Grid publie les données de la consommation de demi-heure en demi-heure. Les dernières informations disponibles couvrent la période de janvier à mars 2009. L’analyse de ces données est rendue difficile par les dates de vacances et de weekends variables d’une année sur l’autre mais on peut néanmoins en tirer les grandes lignes. La baisse de la consommation entre 2008 et 2009 est visible dans le tableau ci-dessous :
Mois
Baisse entre 2008 et 2009
Janvier 2009
-1,5 %
Février 2009
– 1,5 %
Mars 2009
– 6,9 %
Total pour la période
– 3,2 %
Dans la mesure où la consommation d’électricité est affectée par les températures qui ont été inhabituellement basses entre janvier et février et élevées en mars, il ne faut pas conclure trop vite à une accélération de la baisse de la consommation. Le tableau suivant compare les températures moyennes en Angleterre en 2009 et en 2008 en degrés Celsius :
Mois
2008
2009
Janvier
2,8
6,3
Février
3,9
5,2
Mars
6,7
5,9
Laissons de côté les mois de janvier et février. La chute de la consommation en mars 2009 s’explique en partie par les températures relativement élevées.Comparons maintenant la baisse de la consommation pour chaque tranche de la journée. En enlevant les données pour Pâques et en m’assurant qu’il y avait le même nombre de jours de la semaine et de weekends en 2008 et 2009, j’ai obtenu une comparaison relativement juste de ces deux mois. J’ai ensuite calculé la baisse moyenne de la consommation pour chaque demi-heure de la journée.Voici la courbe de la consommation d’électricité au Royaume-Uni en mars 2009, en pourcentage de la consommation de mars 2008 par tranches de trente minutes :La courbe montre que la baisse de la consommation d’électricité varie entre près de 10 % (aux alentours de 4h du matin) et moins de 6 % le matin et en début d’après-midi. Les périodes où la réduction est la moindre entre 2008 et 2009 correspondent aux périodes où la consommation des ménages est la plus forte. Le graphique ci-dessous est tiré d’une étude de l’Environmental Change Institute, The 40 % house. Il montre la courbe de la consommation quotidienne en hiver au Royaume-Uni en 2002 et différencie la consommation domestique et non domestique. Les pics de la demande se situent entre 7h30 et 18h. C’est dans ce créneau horaire que la baisse de la consommation d’électricité est au plus bas entre mars 2008 et mars 2009.Qu’est-ce que cela veut dire ? Sans pouvoir en être complètement certain, l’explication la plus logique est que la consommation des ménages au Royaume-Uni est restée virtuellement stable tandis que la consommation industrielle a fortement diminué.La consommation domestique représente environ un tiers de la consommation du Royaume-Uni. L’industrie représente le dernier tiers, tandis que les bureaux et les magasins comptent pour la dernière portion. Mais ainsi que le montre le graphique ci-dessus, la consommation domestique est bien plus élevée le matin (grille-pain et repassage de dernière minute) et dans la soirée (TV, repas, machine à laver). Ainsi, dans le cas où la consommation domestique est stable, nous devrions voir une baisse beaucoup moins importante de la consommation électrique à ces heures de la journée. Hors, c’est justement le cas.A l’inverse, à 4h du matin, quand la consommation domestique ne représente que 20 % du total, mais que l’industrie consomme toujours de l’énergie pour fabriquer de l’acier, du plastique, du pain ou autre, la consommation totale diminue de 10%. Cette baisse provient très certainement de la réduction de l’activité économique et pourrait être intensifiée par les plans de réduction de la consommation d’énergie mis en place dans l’industrie.
La production industrielle a plus baissé que la consommation électriqueGlobalement, j’estime que les données pour mars correspondent à une baisse de la consommation électrique de 10 à 12 % dans l’industrie, peut-être 6 à 8 % dans les bureaux et les magasins, et un pourcentage infime pour les ménages.Pourquoi est-ce décevant ? Nous pouvions espérer que la baisse des revenus, les prix élevés de l’électricité et l’amélioration de la performance énergétique des appareils ménagers aient un impact sur la consommation d’électricité des ménages. Mais rien dans ces données ne le prouve. D’autre part, nous avons aussi pu être optimistes quant à l’impact des programmes pour réduire la consommation énergétique dans certaines industries. Les dernières données disponibles pour le Royaume-Uni (Index de la production pour le premier semestre 2009 publié le 12 mai) suggèrent que la production industrielle a diminué de 12,1 % par rapport à 2008, légèrement plus que mon estimation de la baisse de la consommation d’électricité. La mauvaise nouvelle est que, d’après mon analyse, nous pouvons expliquer l’intégralité de la baisse de la consommation d’électricité comme le résultat de la récession économique et pas du tout de l’amélioration de la performance énergétique ou de la réduction des déchets. Lorsque la croissance reprendra, la consommation d’électricité devrait à nouveau augmenter rapidement, ce qui est lourd de conséquences pour les émissions de CO2.Sources :Chris Goodall est l’auteur, entre autres, de 10 Technologies pour sauver la planète. Il est également éditorialiste pour The Independant on Sunday et le Guardian. Lire son blog.
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