L’agriculture représente environ 19 % des émissions de gaz à effet de serre françaises, principalement du méthane et du protoxyde d’azote. En 2019, le secteur de l’agriculture (hors usage ou changement d’usages des terres et foresterie) émettait 85 millions de tonnes de CO2 équivalent (MtCO2 eq), en baisse de 8 % par rapport à 1990. Voici les chiffres clés que rappelle à la tribune Sébastien Bouvatier, adjoint au sous-directeur de la performance environnementale et de la valorisation des territoires au ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, lors du 19e Forum international de la Météo et du climat, le 17 mai à l’Hôtel de Ville de Paris.
« L’élevage (fermentation entérique et gestion des déjections) est la source de 68 % des émissions nationales de méthane et la culture des sols (fertilisation minérale et organique) de 80 % des émissions nationales de protoxyde d’azote (N2O), complète le site notre-environnement.gouv.fr. Le secteur de l’agriculture intègre également environ 11 Mt de CO2 eq. liés à la consommation d’énergie par les engins agricoles et sylvicoles. »
Une question de réduction de GES
La dernière stratégie nationale bas-carbone (SNBC-2) objective une baisse des émissions qui relèvent de l’agriculture de -46 % en 2050 pour atteindre 48 MtCO2 eq en 2050. Elle prévoit une étape de -18 % en 2030. L’État travaille actuellement sur la SNBC-3 qui sera finalisée en 2024. Elle fixera de nouveaux objectifs nationaux pour intégrer les nouveaux objectifs européens du paquet Fit for 55.
Sébastien Bouvatier explique : « L’idée est d’arriver progressivement à ce que les émissions du secteur agricole soient plus que compensées par la fonction de puits et que le secteur des terres – agriculture et forêt – soit négatif en émissions nettes. Les discussions sont encore en cours pour définir un horizon au niveau européen et comment se répartir l’effort entre États membres ».
Quels leviers pour réduire les émissions de GES ?
La SNBC-2 prévoit une multitude de leviers pour réduire les émissions de GES et amplifier les puits de carbone. Sébastien Bouvatier énumère : « Il y a des leviers techniques sur les pratiques de fertilisation, sur la place des légumineuses dans l’agriculture française, sur la gestion des effluents d’élevage, sur la gestion des élevages plus globalement, sur l’alimentation animale, sur l’efficacité énergétique et le choix énergétique. Il y a un rôle important du secteur agricole avec toutes les énergies renouvelables, la séquestration du carbone dans les sols, mais aussi dans la biomasse. On peut aussi travailler sur le gaspillage, sur les régimes alimentaires et améliorer la précision des inventaires nationaux pour diminuer les incertitudes ».
Plusieurs politiques publiques peuvent ainsi être mobilisées pour atteindre les objectifs climatiques. Sébastien Bouvatier poursuit : « Le Plan d’action climat du ministère de l’Agriculture de juin 2021 récapitule comment les différentes politiques publiques conduites par le ministère permettent de se saisir de ces différents leviers pour faire évoluer le visage de l’agriculture et du système alimentaire afin de répondre davantage aux enjeux climatiques : la PAC, les autres politiques environnementales – sur les nitrates, la qualité de l’air, l’économie circulaire… – la politique commerciale, les politiques alimentaires et de réduction du gaspillage ».
Une attente : clarifier les politiques publiques
Céline Imart, agricultrice et porte-parole d’Intercéréales, l’interprofession de la filière céréalière, veut défendre l’action des agriculteurs : « Cette transition, on est déjà dedans », assure-t-elle. « Le changement climatique, on le voit, on le subit. Il y a déjà des pratiques que l’on met en œuvre pour s’adapter au changement climatique : les pratiques d’agroforesterie, le développement de cultures intermédiaires, l’introduction de légumineuses dans la rotation, la lutte contre l’apparition de nouveaux ravageurs… Mais on a besoin d’un accompagnement et d’aides pour valoriser ces filières sur lesquelles on s’engage. »
Céline Imart invite à mettre fin aux « injonctions contradictoires des politiques publiques ». Si l’on souhaite réellement relocaliser l’agriculture, elle souligne l’importance de mettre fin à la multiplication des signatures d’accords de libre-échange et de développer de vrais politiques de soutien à la transition. « On a besoin d’avoir une vision politique claire, des outils de recherche et d’innovation extrêmement forts et d’investissements », résume-t-elle.
En particulier, la filière céréalière et oléopro espère beaucoup du label bas-carbone en cours de déploiement pour rémunérer les agriculteurs qui s’engagent dans des pratiques vertueuses afin de capter et stocker davantage de carbone. « La rémunération des services environnementaux rendus, l’agriculteur en a besoin : il en a besoin financièrement sur son exploitation et il en a besoin en tant que source de reconnaissance et de fierté », prévient-elle.
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