Il semblerait que la Chine fasse une nouvelle fois figure de mauvaise élève dans la lutte pour la préservation de l’environnement. En cause : le trichlorofluorométhane, un gaz fluoré. Anciennement utilisé comme réfrigérant ou dans les aérosols, le CFC-11 a été décrié il y a plus de trente ans pour son effet hautement néfaste sur la couche d’ozone. Et en plus, au contact des rayons solaires, le trichlorofluorométhane a un fort effet de serre.
C’est pourquoi il est aujourd’hui interdit d’en produire et d’en utiliser. Mais, selon l’équipe de recherche de Steve Montzka, scientifique spécialiste de l’atmosphère à l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA), le recul de la présence de CFC-11 dans l’atmosphère ralentit depuis 2012. Et cela serait de la faute de la Chine, qui ne respecterait pas la réglementation internationale, en dépit des risques pour la couche d’ozone.
Des tonnes de CFC-11 relâchées entre 2015 et 2017
Ainsi, l’utilisation de CFC-11 serait considérablement repartie à la hausse à partir de 2013. Or conformément au protocole de Montréal conclu en 1987, la production de ce gaz est totalement interdite depuis 2010. « Le CFC-11 est aussi un gaz hautement responsable du réchauffement climatique, il s’agit donc d’une menace grave pour le climat », c’est pourquoi la situation est grave pour le directeur de l’Agence d’investigation environnementale (EIA) aux États-Unis, Alexander von Bismarck.
Une équipe de chercheurs britanniques et sud-coréens ont, par ailleurs, localisé la source de ces nouvelles émissions de CFC-11 et leurs quantités. Ils ont ainsi noté une hausse de 13000 tonnes de trichlorofluorométhane dans l’atmosphère, dont 7000 auraient été émises entre 2015 et 2017. Et selon Park Sun-Young, responsable de l’équipe de recherche à l’Université nationale de Kyungpook en Corée du Sud, il se pourrait même que ces chiffres soient inférieurs à la réalité. Plusieurs investigations ont confirmé que la source d’émission du CFC-11 viendrait bien de Chine.
Une production illégale de CFC-11 pour des raisons économiques
En premier lieu, les scientifiques sud-coréens ont cartographié la présence du CFC-11 dans l’atmosphère et ont analysé les masses d’air. C’est ainsi qu’ils ont conclu que le gaz provient du sud-est de la Chine. De plus, au vu des grandes quantités relarguées dans l’atmosphère, les scientifiques affirment que le CFC-11 ne peut provenir que d’usines de production récentes. Une hypothèse confirmée par l’EIA dans des travaux réalisés en 2018.
Des membres de l’association se sont rendus, anonymement, dans dix-huit usines réparties dans dix provinces de Chine. Alors qu’ils s’y faisaient passer pour de potentiels clients, les membres de l’EIA se sont vus confirmer que du CFC-11 était utilisé dans ces ateliers. Les ouvriers auraient expliqué que le trichlorofluorométhane était utilisé pour fabriquer de la mousse en polyuréthane, notamment utilisée comme isolant. Ils auraient également ajouté que l’interdiction n’était pas respectée parce que le CFC-11 reste une matière peu chère et de qualité.
La Chine rejette en bloc les accusations
Mais pour Stephen Montzka, l’objectif n’est pas tant de vouloir pointer du doigt la Chine que de trouver une solution rapide. « Si l’on s’attaque au problème dès maintenant, les dégâts seront mineurs », explique-t-il. Et même si une recrudescence de la présence de CFC-11 dans l’atmosphère est avérée, les quantités ne sont pas suffisantes pour menacer davantage la couche d’ozone. Selon les travaux réalisés par les scientifiques, seule la Chine serait concernée par les émanations de trichlorofluorométhane. Dans les pays environnants, en particulier au Japon et Taïwan, aucune pollution similaire n’a été répertoriée.
Pour le moment, les autorités chinoises n’ont pas confirmé les différents soupçons des scientifiques et de l’EIA. Le ministère des Affaires étrangères chinois, porté par Wang Yi, a simplement affirmé que la question du CFC-11 est « un problème d’ordre mondial auquel toutes les parties prenantes doivent répondre sérieusement ». La Chine dément même les accusations, et veut rappeler ses engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Sur Twitter, le journal quotidien People’s daily China, a même estimé que toute cette affaire est « impossible ». Officiellement, le pays ne produirait plus de CFC-11 depuis 2007.
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