Les missions lunaires Chang’e de la Chine sont déjà programmées depuis des années, mais 2019 marque un nouveau pas dans les ambitions du pays vers notre satellite naturel.
Au moment où les Etats-Unis annoncent leur grand retour dans la course à la conquête de la Lune, avec des objectifs ambitieux de vols habités et de futur départ vers Mars, la Chine a elle aussi fait part de ses ambitions. En Chine, à l’instar du programme économique, le programme spatial est lui aussi bien planifié et les objectifs très graduels avec un beaucoup de pragmatisme. De plus en plus, la Chine communique sur ses objectifs et s’ouvre à des coopérations internationales pour avancer plus vite dans ce domaine. En ce qui concerne la Lune, la Chine a donc commencé avec son programme « Chang’e ». Des sondes, un orbiteur, un premier atterrisseur et bientôt deux missions de retours d’échantillons. Mais les Chinois ont annoncé officiellement dès fin 2018 qu’ils comptaient bien aller au-delà dans la conquête de la Lune.
Le pôle sud en ligne de mire
Dès mars 2018, Wu Weiren, un des responsables du programme d’exploration lunaire Chang’e, avait déclaré à la télévision chinoise que la quatrième phase des missions lunaires était planifiée ; son objectif était le pôle sud avec une possible installation d’une station de recherche destinée à des robots. Cette installation a pour but de mieux connaître les ressources potentielles de notre satellite. Le choix du pôle sud a été justifié par le fait que cette région de la Lune reçoit la lumière du soleil presque toute l’année, fournissant ainsi une source d’énergie, et que la présence d’eau est avérée. Deux ressources essentielles pour faire fonctionner une station de recherche. Il avait ajouté que les Chinois aimeraient être les premiers à atterrir au Pôle sud vu que personne ne l’avait encore fait mais que d’autres pays était sur la ligne de départ. Il pensait alors aux Indiens dont la mission Chandrayaan-2 (régulièrement repoussée) doit se poser près du Pôle sud lunaire cet été. Et désormais les Etats-Unis sont aussi sur la ligne de départ.
Fin avril 2019, Zhang Kejian, responsable dans l’administration nationale chinoise de l’espace, a en outre ajouté que cette station de recherche scientifique serait suivie de missions habitées d’ici une dizaine d’années. Une annonce qui confirme ce que laissaient à penser le développement du successeur du vaisseau de transport habité Shenzhou ou les travaux sur un lanceur très lourd de type Saturn V (qui devrait être la Longue Marche 9).
Chang’e 6 se fera avec la France
Les débuts de l’exploration lunaire chinoise ont commencé en 2007 et 2010 avec deux orbiteurs, Chang’e-1 et Chang’e-2, qui ont observé et cartographié la surface de la Lune. En 2013, deux engins ont atterri : la sonde Chang’e-3 s’est posée sur Mare Imbrium en compagnie d’un petit rover, Yutu. La mission suivante était plus périlleuse puisque cette fois la Chine visait la face cachée de la Lune, où personne ne s’était encore jamais posé. Repoussée plusieurs fois, Chang’e-4 s’est finalement déroulée parfaitement en janvier 2019 et cette mission s’est non seulement révélée une réussite technique et scientifique (atterrissage réussi, pousse pendant quelques jours d’un germe de coton dans une petite biosphère, analyse de la composition du minerai…) mais aussi médiatique (mettant la Chine spatiale en Une des journaux du monde entier).
La suite du programme Chang’e prévoit deux missions de retours d’échantillons. La première, Chang’e-5, doit être lancée d’ici la fin de l’année 2019. Pour la seconde, Chang’e-6, la Chine avait lancé un appel à coopération internationale car la sonde devrait pouvoir embarquer jusqu’à 20kg de matériel de recherche. La France a été choisie de manière privilégiée puisqu’il est prévu que le CNES embarque 15kg de matériel d’expériences notamment pour l’analyse chimique du minerai lunaire. Le lancement est programmé pour 2023. Chang’e-5 constitue une mission ambitieuse car elle n’est pas qu’un simple retour d’échantillon lunaire, elle doit surtout servir à tester de nombreuses capacités de la Chine spatiale :
- la mise au point d’un lanceur lourd – la Longue Marche 5 qui, du fait de l’échec de son deuxième lancement, a d’ailleurs mis en retard cette mission. En effet, Chang’e-5 est un vaisseau de 8,2 tonnes constitué d’un module de service, d’un atterrisseur, d’une unité de descente et d’un véhicule de retour ;
- la confirmation des capacités d’atterrissage sur la lune ;
- le décollage depuis la lune après échantillonnage ;
- un rendez-vous avec le module de service en orbite ;
- le transfert des échantillons depuis le module de descente vers celui de retour qui devra lui-même se séparer et rentrer sur terre sans encombre.
Toutes ces technologies ont d’ores et déjà été testées par la Chine à l’occasion des vols de tests ou des technologies utilisées sur ses stations de recherches en orbite basse (mini station spatiales) Tiangong 1 et Tiangong 2. Mais cette fois, cela se fera loin de la Terre, à proximité d’un autre astre.
Par ailleurs, la Chine travaille sur la programmation de Chang’e-7 et 8 qui poseront les bases de cette station de recherche robotique et s’apparente un peu au concept de village lunaire de l’ESA. Pour la suite de ces missions, la Chine n’a d’ailleurs pas de plans préconçus et devrait faire appel à des coopérations internationales avec l’Europe ou la Russie.
La Lune… et au-delà
Les ambitions spatiales de la Chine ne s’arrêtent pas à la lune. Dans ses cartons, l’Empire du Milieu vise Mars avec une première mission dans les années 2020 et un projet de retours d’échantillons de Mars pour 2030. Cette mission nécessitera alors forcément la mise en service d’une fusée de type Longue Marche 9. D’autres projets sont à l’étude : une mission sur astéroïde ou encore une mission d’observation de Jupiter ; à terme la Chine espère pouvoir aller explorer les confins de notre système solaire. En parallèle, le pays continue de travailler à la mise en orbite de sa troisième station spatiale orbitale Tiangong 3 dont la mise en service est prévue en 2022. Cette dernière accueillera des expériences scientifiques ouvertes à tous pays. Un concours a d’ailleurs été organisé en ce sens et vient de sélectionner neuf projets impliquant des scientifiques de 17 pays.
Les inquiétudes américaines sur le sujet :
https://foreignpolicy.com/2019/06/16/china-is-winning-the-solar-space-race/
Les enjeux, principaux avantages (et quelques inconvénients) de stations spatiales solaires qui ne sont plus de la science-fiction (1er lancement avant 2025) :
Outre la Chine, les agences spatiales du Japon, de l’Union européenne et de l’Inde s’efforcent de mettre sur pied leurs propres programmes d’énergie solaire dans l’espace.
Celle-ci est littéralement des milliards de fois supérieure à celle que nous utilisons aujourd’hui. La durée de vie du soleil est estimée à 4-5 milliards d’années, ce qui fait de l’énergie solaire spatiale une véritable solution énergétique à long terme. Comme la Terre ne reçoit qu’une partie sur 2,3 milliards de la production du Soleil, l’énergie solaire spatiale est de loin la plus grande source d’énergie potentielle disponible, éclipsant toutes les autres confondues.
L’énergie solaire spatiale peut être captée 24 h/24, 365 jours par an. Et au lieu d’occuper des surfaces au sol, les fermes solaires spatiales seraient situées sur une orbite géosynchrone, à environ 36.000 km au-dessus du niveau de la mer.
La Chine prévoit de mettre en orbite une centrale solaire commerciale d’ici 2050, ce qui ferait d’elle la première nation à exploiter l’énergie solaire dans l’espace et à émettre des rayons vers la Terre. En outre les coûts de l’énergie solaire dans l’espace ne sont plus absurdes.
Le désastre climatique d’origine humaine aurait déjà pu être évité grâce à cette source d’énergie propre, constante et illimitée.
Le programme spatial de la Chine fait partie intégrante de son programme militaire. Ainsi l’armée supervise les activités spatiales, avec “la plupart des activités spatiales prétendument civiles ayant des applications à double usage”.
Alors que l’énergie renouvelable terrestre est en grande partie une affaire du secteur privé, l’énergie solaire spatiale serait une source unique, un changement de jeu étatique qui pourrait facilement être exploité pour un gain géopolitique. La poursuite constante de la militarisation des technologies spatiales commerciales par la Chine ne fait que rendre les choses plus complexes – ou inquiétantes, selon le point de vue de chacun.
Les ambitions spatiales de la Chine sont une question d’argent et font partie intégrante des objectifs nationaux de rajeunissement économique et de développement du pays.
Si le démonstrateur d’énergie solaire basé dans l’espace que le pays prévoit de mettre en place dès l’année prochaine est couronnée de succès, d’autres pays pourraient potentiellement être attirés par l’initiative de politique étrangère Belt and Road.
Cette énergie bon marché et sans émissions serait difficile à refuser pour de nombreux pays et renforcerait considérablement le levier politique de la Chine si elle ne donnait pas à Beijing le contrôle de facto des pays qui l’achètent, faisant ainsi progresser l’objectif de ce pays de créer le premier réseau électrique mondial (Geidco).
Si une centrale solaire est construite sur une orbite géosynchrone à une altitude d’environ 36 000 kilomètres, les rayons du soleil ne seront pas affaiblis par l’atmosphère et ne seront pas affectés par les changements saisonniers et diurnes et nocturnes. Le rayonnement solaire pourra être reçu de façon stable 99% du temps et plus de 6 à 10 fois celui au sol.
Par ailleurs les centrales solaires spatiales peuvent alimenter des engins spatiaux dans la gamme «visible», les libérant des énormes ailes de cellules solaires et augmentant considérablement les niveaux de puissance et la précision. Elles peuvent également être utilisée en tant que candidates pour les systèmes énergétiques d’exploration de l’espace lointain. Egalement pour la production de carburants spatiaux et la fabrication de procédés spatiaux afin de réaliser le développement de l’industrie spatiale.
En outre, les centrales solaires spatiales peuvent également éliminer les “dommages” causés par les énergies fossiles. Un de responsables de la R&D chinoise a déclaré que l’utilisation de l’énergie pétrochimique avait provoqué le réchauffement planétaire et que les typhons et les tornades étaient fréquents. La transmission de l’énorme énergie de la centrale solaire spatiale dans la région où se trouve le typhon peut modifier la répartition de la température de ce dernier et détruire son processus de formation.
Le principe de fonctionnement d’une centrale solaire spatiale est le suivant: un dispositif de production d’énergie solaire convertit l’énergie solaire en énergie électrique; un dispositif de conversion d’énergie convertit l’énergie électrique en hyperfréquences ou en laser et transmet le faisceau au sol à l’aide d’un dispositif de transmission; le système de réception au sol reçoit les transmissions de l’espace. Le faisceau est converti en énergie électrique dans le réseau par un dispositif de conversion.
A l’heure actuelle, le principe technique n’a pas posé beaucoup de problèmes. Au cours des dernières années, l’efficacité de la production d’énergie solaire, de la conversion en micro-ondes et de la technologie aérospatiale associée ont beaucoup progressé, jetant ainsi les bases de la prochaine étape du développement. Les micro-ondes qui transmettent l’énergie seraient à la fréquence de rayonnement dite non ionisante. Contrairement aux rayons X, ce sont les fréquences auxquelles leurs photons n’ont pas assez d’énergie pour induire un changement chimique, comme le font les rayons ultraviolets ou X. Cependant, en tant que grand système spatial, les centrales solaires spatiales comportent de nombreux aspects technologiques.
Par exemple, la plus grande station actuelle, la station spatiale internationale, pèse plus de 400 tonnes, tandis qu’une centrale solaire spatiale de taille industrielle pèse des milliers de tonnes.
Certains experts ont suggéré que les matériaux de construction de la centrale solaire spatiale soient lancés dans l’espace et qu’une “usine spatiale” soit créée pour imprimer les composants requis grâce à la technologie d’impression 3D et les assembler via des robots spatiaux. C’est l’une des orientations actuelles de la recherche.
La sécurité opérationnelle à long terme est également un problème important. L’impact des rayonnements micro-ondes à long terme sur l’écologie, l’atmosphère et les organismes devait encore être étudié.
En outre, la construction de centrales solaires spatiales pose de grands défis en ce qui concerne les nouveaux matériaux, les dispositifs de conversion d’énergie à haut rendement, les très grandes structures et technologies de contrôle des engins spatiaux, ainsi que les technologies d’assemblage et de maintenance en orbite.
Avantages :
– pas de gaz à effet de serre.
– Contrairement au charbon et aux centrales nucléaires, l’énergie solaire spatiale ne fait pas concurrence aux ressources en eau douce, qui sont de plus en plus rares, et ne dépend pas d’elles.
– pas de concurrence aux terres de plus en plus précieuses
– Contrairement aux centrales nucléaires, l’énergie solaire spatiale ne produit pas de déchets dangereux, qui doivent être stockés et gardés pendant des centaines de milliers d’années
– Contrairement aux centrales solaires et éoliennes terrestres, l’énergie solaire spatiale est disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, en grandes quantités.
– Contrairement aux centrales nucléaires, l’énergie solaire spatiale ne constitue pas une cible facile pour les terroristes ou les missiles en cas de conflits.
– Contrairement au charbon et aux combustibles nucléaires, l’énergie solaire spatiale ne nécessite pas d’opérations minières qui posent des problèmes environnementaux.
– L’énergie solaire spatiale peut procurer une véritable indépendance énergétique aux pays qui la développent, éliminant ainsi une source majeure de concurrence nationale pour des ressources énergétiques terrestres limitées.
– Elle ne nécessite pas de dépendre de fournisseurs de pétrole étrangers instables ou hostiles pour répondre aux besoins énergétiques.
– Elle peut être exportée vers pratiquement n’importe quel endroit du monde, et son énergie peut être convertie pour les besoins locaux. Elle peut également être utilisée pour le dessalement de l’eau de mer.
– Elle peut tirer parti de nos investissements actuels et historiques dans l’expertise aérospatiale pour accroître les possibilités d’emploi et résoudre les problèmes difficiles de la sécurité énergétique et du changement climatique.
– Elle peut fournir un marché suffisamment vaste pour développer le système de transport spatial à faible coût nécessaire à son déploiement. Ceci, à son tour, mettra également les ressources du système solaire à portée économique.
Inconvénients :
– Coût de développement élevé, bien que beaucoup plus faibles par exemple que la présence militaire américaine dans le golfe Persique ou les coûts du réchauffement climatique ou de la séquestration du carbone. Le coût du développement de l’énergie solaire spatiale doit toujours être comparé au coût de l’absence de développement de l’énergie solaire spatiale.
Exigences relatives à l’énergie solaire dans l’espace
Les technologies et l’infrastructure nécessaires pour rendre l’énergie solaire spatiale réalisable comprennent :
– Des lanceurs peu coûteux et respectueux de l’environnement ou un développement partiel in-situ
– Construction et exploitation en orbite à grande échelle. Pour recueillir d’énormes quantités d’énergie, les satellites solaires doivent être de grande taille, beaucoup plus grands que la Station spatiale internationale (ISS), le plus gros engin spatial construit à ce jour. Heureusement, les satellites d’énergie solaire seront plus simples que l’ISS car ils seront composés de nombreuses pièces identiques.
– Transmission de puissance. Un effort relativement modeste est également nécessaire pour évaluer la meilleure façon de transmettre l’énergie des satellites à la surface de la Terre avec un impact environnemental minimal.
L’énergie solaire spatiale peut être produite à partir de matériaux provenant de l’espace. Tous les avantages environnementaux découlent du fait que la plupart des travaux sont effectués à l’extérieur de la biosphère terrestre. Avec l’extraction de matériaux de la Lune ou d’astéroïdes et la fabrication de composants dans l’espace, l’énergie solaire spatiale n’aurait pratiquement aucun impact environnemental terrestre.
https://www.unenvironment.org/news-and-stories/story/chinas-solar-power-space-project-spotlights-need-reimagine-our-energy
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