L'impact sanitaire des perturbateurs endocriniens coûte chaque année des centaines de milliards d'euros à l'Europe. C'est la conclusion de plusieurs études regroupées dans le numéro d'avril du Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism (JCEM).
« L’impact sanitaire des polluants chimiques de l’environnement peut sembler évasif et c’est un concept difficile à saisir, estime Tracey Woodruff, professeur à l’université de Californie à San Francisco, dans l’éditorial d’avril du JCEM. Nous manquons de données exhaustives sur la manière dont les substances chimiques présentes dans notre vie quotidienne – dans la nourriture, l’eau, l’air et les produits d’usage courant – touchent notre santé. ». Mais 4 articles publiés dans ce numéro commencent à faire la lumière sur le prix payé pour faire face aux impacts sanitaires des produits chimiques présents dans l’environnement.
Les auteurs ont calculé le fardeau économique créé par 7 familles de produits chimiques. En considérant les troubles de la reproduction masculine, les problèmes neurocomportementaux, l’obésité et le diabète qu’ils favorisent dans toute l’Europe, les auteurs estiment que les impacts sanitaires dus à ces pollutions chimiques représentent un coût médian de 157 milliards d’euros. Soit 1,3 % du produit intérieur brut européen. La partie haute de l’estimation dépasse même les 260 milliards d’euros annuels. Ces estimations comprennent les frais de santé, de prise en charge des salariés, les mortalités précoces…
Une estimation difficile et certainement sous-estimée
« Pour quantifier le fardeau sur la santé de certains produits chimiques industriels, les articles de ce numéro du JCEM intégrent trois éléments clés : la relation entre l’exposition et les impacts sanitaires, la prévalence de l’exposition, et le coût monétaire pour chaque cas de maladie. Chacun de ces éléments est basé sur des méthodes qui évoluent. L’élément principal est que le calcul des auteurs à 157 milliards d’euros pourrait ne représenter que le sommet de l’iceberg du véritable fardeau des produits chimiques retrouvés dans l’environnement », prévient Tracey Woodruff. Car nous ne pouvons pas évaluer l’impact que de ce que nous ne savons pas mesurer. Les technologies actuelles ne permettent de quantifier dans le corps d’une personne que 7 % des 4 800 produits chimiques les plus produits au monde. Les auteurs rappellent que les molécules non mesurées ont sans doute, pour certains, un impact négatif sur la santé humaine, puisqu’elles ont des structures chimiques similaires aux produits toxiques déjà détectables.
L’impact sanitaire des produits chimiques industriels n’est pas près de diminuer si nous ne nous attaquons pas rapidement au problème. Dans le monde, la production chimique devrait continuer d’augmenter rapidement, à un taux de 3,4 % par an jusqu’en 2030. 70 000 à 100 000 produits chimiques sont commercialisés dans le monde. Près de 5 000 sont produits à plus de 1 million de tonnes par an. Pendant ce temps, le projet de stratégie européenne en matière de perturbateurs endocriniens est toujours bloqué à Bruxelles.
- Aller plus loin
Les 4 études sont acccessibles gratuitement :
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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