La production de la nouvelle bioraffinerie de Total devrait débuter d’ici cet été. Elle sera en mesure de traiter 650.000 tonnes d’intrants pour produire 500.000 tonnes par an de biodiesel de type HVO (hydrotraitement des huiles végétales). Il s’agit d’une alternative aux carburants traditionnels d’origine fossile. La bioraffinerie « s’approvisionnera à hauteur de 60 à 70 % d’huiles végétales brutes d’origines aussi diverses que le colza, le tournesol, le soja, la palme, le maïs ou de nouvelles plantes du type carinata », fait savoir Total dans un communiqué. Le reste des intrants sera constitué de graisses animales, d’huiles alimentaires usagées et d’huiles issues de déchets et de l’industrie papetière. Cette part a vocation à « augmenter au fil des années en fonction de la disponibilité de ces ressources alternatives », précise le pétrolier.
Jusqu’à 300.000 tonnes d’huile de palme importées par an
L’autorisation accordée par le préfet de la région PACA permet à Total de traiter un maximum de 450.000 tonnes d’huile végétale brute chaque année, soit 69 % de la capacité de l’usine. Total garantit de limiter l’approvisionnement en huile de palme brute à un volume inférieur à 50 % des volumes de matières premières qui seront traitées sur le site, soit au plus 300 000 tonnes par an. « A titre de comparaison, environ 136.000 tonnes d’huile de palme alimentaire sont consommées chaque année en France », note l’association Greenpeace. Cette importation massive d’huile de palme interroge donc.
Selon le rapport Durabilité de l’huile de palme et des autres huiles végétales publié en décembre 2016 par le Ministère de l’écologie, 650.000 tonnes d’huile de palme sont importées en France pour faire de l’huile de palme, représentant 23% de la totalité du biodiesel importé ou produit. Ces nouvelles importations augmenteront donc la production de biodiesel à base d’huile de palme de près de 50 %. Total deviendra ainsi le premier importateur français d’huile de palme.
Des certifications qui ne garantissent pas l’absence de déforestation
Total s’engage à promouvoir un label de certification durable de haute qualité auprès de l’Union Européenne et à ce que l’approvisionnement soit issu de producteurs certifiés RSPO. « Malheureusement, aucune certification ne garantit aujourd’hui l’absence d’impacts directs ou indirects sur les forêts, estime Greenpeace. La RSPO souffre de lourdes carences dans la définition de ses critères de durabilité, de manquements répétés dans sa mise en oeuvre ou encore de faiblesse chronique sur le plan de la transparence ». Ainsi, qui dit certification RSPO ne veut pas forcément dire « absence de déforestation ».
Selon le Ministère de la transition écologique et solidaire, la modernisation de l’usine de la Mède conduira à une baisse des émissions de CO2 de 75%. Les émissions de dioxyde de soufre baisseront quant à elles de 93% et celles de poussières de 98%. Enfin, les composés organiques volatiles (COV) baisseront de 45% par rapport au fonctionnement de la raffinerie historique. De son côté, Greenpeace estime que ce biodiesel serait responsable de « trois fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que les carburants fossiles » du fait de la déforestation qu’entraîne la culture du palmier à huile. Même son de cloche chez les Amis de la Terre. « Il y a d’autant plus de risques que Total refuse de rendre public son plan d’approvisionnement, notamment sa liste de fournisseurs », estime Sylvain Angerand, Coordinateur des campagnes de l’association.
Vers davantage d’économie circulaire ?
Pour justifier ce projet, le ministère met en avant les aspects liés à l’économie circulaire. « Le projet de la Mède doit donner la priorité au recyclage des huiles usagées, et dans ce cadre l’Etat a fixé, à Total, comme objectif d’utiliser au moins 25 % de matières premières issues du recyclage des huiles (huiles alimentaires usagées, graisses animales, distillats d’acide gras) avant d’autoriser la mise en service de la bioraffinerie », précise-t-il. La bioraffinerie participerait ainsi à « à la structuration de ces filières encore trop peu utilisées en France et en Europe » pour « se substituer progressivement à d’autres sources d’approvisionnement ».
Une consultation publique d’un mois débutera bientôt sur la stratégie française de lutte contre la déforestation importée. Greenpeace invite les citoyens à y prendre part pour « en finir avec ce double discours toxique pour la lutte contre la déforestation et la protection du climat ».
En janvier 2018, le Parlement européen a voté pour l’interdiction de l’huile de palme dans les carburants d’ici 2021. « Un vote qui se heurte jusqu’à présent au refus des Etats membres, et en particulier de la France », estiment les Amis de la Terre. La pérennité même du site de la Mède serait en jeu si l’Europe décidait d’interdire prochainement l’utilisation d’huile de palme. L’association exhorte donc Total à présenter un plan alternatif prenant en compte cette interdiction potentielle.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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