En France, la production en énergies renouvelables représentait 22,7 millions de tonnes équivalent pétrole (Mtep) en 2010 pour une production globale de 191,3 Mtep. La France pouvait alors se vanter d’avoir produit presque 12 % d’énergie primaire avec des sources renouvelables. À lui seul, le bois énergie assurait 10,1 Mtep, soit près de 45 % de la production renouvelable. Si on y ajoutait les agrocarburants (10 %), les déchets urbains renouvelables (5 %), le biogaz et les résidus de récoltes, la biomasse (chaleur, électricité, carburants) était alors à l’origine de plus de 63 % de l’énergie produite à partir de sources renouvelables en France.
Mais la France a voulu faire mieux. Elle s’est alors fixée comme objectif d’atteindre 23 % d’énergies renouvelables dans sa consommation d’énergie finale d’ici 2020. Pour cela, il va falloir produire 20 Mtep provenant de sources renouvelables supplémentaires par rapport à 2006. La biomasse devrait y contribuer majoritairement à hauteur de 10,7 Mtep supplémentaires par rapport à 2006. La répartition devrait à peu près être la suivante : 6,2 Mtep supplémentaires sous forme de chaleur, 1,2 Mtep sous forme d’électricité et 3,3 Mtep sous forme d’agrocarburants.
Pourtant, l’utilisation de la biomasse ne doit pas se faire au détriment des forêts et des productions alimentaires. A-t-on donc encore une marge de manœuvre encore suffisante pour développer son exploitation ? « Oui », à en croire Mac Guérin, directeur du département Territoires à l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea, ex Cemagref). Explorons un peu pourquoi.
D’où provient ce bois et comment l’utiliser ?
En France, le bois de chauffage provient essentiellement des travaux d’entretien forestiers: bois d’éclaircies (d’entretien) et résidus des coupes finales. Une partie des plus petits branchages est restitué au sol, les plus grosses branches étant utilisées pour le bois de chauffage. Il faut en effet éviter les effets négatifs sur la biodiversité d’un prélèvement trop intensif et mal contrôlé. « L’intensification forestière peut créer des situations défavorables à la biodiversité, car il y a moins de bois mort, moins de vieux peuplements et de gros bois, des habitats plus fragmentés, un tassement des sols, davantage de dérangements de la faune, une augmentation des surfaces totales des coupes et une diminution des zones humides et des tourbières. » insiste Marc Guérin. On note également des impacts potentiels sur la fertilité des sols et le cycle des éléments minéraux sur le long terme.
Le bois énergie est utilisé sous forme de bûches traditionnelles, de plaquettes de bois broyées et de granulés issus de la fabrication de bois d’œuvre. Cette dernière utilisation présente un important potentiel de développement, notamment si l’on développe la filière du bois d’œuvre en France.
Au niveau national, 6 millions de ménages sont équipés de chauffage d’appoint et on dénombre environ 2300 chaufferies collectives et 1000 chaufferies industrielles pour les scieries, menuiseries, usines de pâtes à papier, mais aussi pour le chauffage des serres. Ce type de d’utilisation d’énergie est en cours de développement et de transformation. Le Fonds Chaleur de l’ADEME est doté d’environ 200 millions d’euros et aide les investisseurs qui veulent s’équiper de chaufferies ou de réseaux de chaleur.
Un gisement privé encore faiblement exploité
La France compte 15 millions d’hectares de forêts. On n’y récolte au plus que 60 % de ce qui pousse chaque année, soit 59 millions de m3/an. Selon deux études réalisées en avril 2010 pour le compte de l’ADEME et du Ministère de l’agriculture, les ressources en bois énergie supplémentaires disponibles dans des conditions d’exploitation acceptables à l’horizon 2020 sont de 4,3 Mtep/an, pour les forêts, peupleraies et haies et de 1,6Mtep/an pour les coupes d’entretien des vignes et vergers, arbres urbains. On obtient donc 5,9 Mtep/an supplémentaires, plus ou moins en accord avec les 7,4 Mtep nécessaires pour respecter les objectifs en termes d’utilisation de biomasse à l’horizon 2020. En ajoutant les déchets urbains renouvelables, le biogaz et les résidus de récoltes, le compte devrait en effet être bon.
La forêt publique représente moins de 30 % des 15 millions d’hectares de forêt recensés. C’est principalement dans la forêt privé qu’il existe des possibilités importantes de développement, mais celle-ci est dispersée entre de nombreux propriétaires : plus de 3,5 millions ! L’essentiel de ces propriétaires possède moins de 5 hectares. IIs n’entrent donc pas toujours dans une logique entrepreneuriale ou patrimoniale d’entretien du bois. De plus, ces forêts sont réparties sur l’ensemble du territoire, ce qui renforce les défis à soulever pour les exploiter.
Voilà donc une bonne nouvelle ! Mais comme une bonne nouvelle en cache souvent une mauvaise, rappelons que si les objectifs français en matière d’utilisation de biomasse ne semblent pas menacer la forêt française à court terme, les objectifs au niveau européen pourraient menacer le respect des objectifs européens en matière de réduction de CO2…
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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