Le déplacement des espèces est un domaine de recherche prolifique en réponse au réchauffement climatique et au changement d’usage des terres. « Il devenait intéressant de commencer la construction d’une base pour regrouper les données, espèce par espèce, avance Jonathan Lenoir, chercheur au CNRS et co-auteur d’une nouvelle étude accompagnant la parution de cette base de données dans la revue Nature Ecology & Evolution. Nous avons construit la base de données la plus complète sur les déplacements des espèces que nous mettons à disposition des chercheurs en libre accès sur FigShare : elle comprend 12 415 espèces avec plus de 30 000 observations de déplacements. »
Le résultat principal de l’étude est que sous l’effet du réchauffement climatique, les espèces marines se déplacent jusqu’à six fois plus vite vers les pôles que les espèces terrestres : 5,92 km contre 1,1 km par an. « Bien que ces lignes d’égales températures, ou isothermes, soient invisibles, les espèces marines sont capables de les suivre vers les pôles, explique Jonathan Lenoir. Les isothermes sont des lignes de niveau d’égales températures, comme les lignes de même altitude sur une carte de randonnée de type carte IGN. »
Une question importante de données
L’étude compile les résultats de 258 études. « Les chercheurs ne publient pas forcément l’aire de répartition de l’espèce et la manière dont elle s’est déplacée, et leur méthodologie n’est pas la même, ce qui induit des biais méthodologiques, reconnaît Jonathan Lenoir. Nous avons donc inclus dans notre base les régions géographiques, étude par étude, et espèce par espèce, et extrait le déplacement des espèces. »
Il existe de multiples facteurs qui influent sur les déplacements. « Les facteurs liés à la température, aux activités humaines et à la forme de vie des organismes expliquent moins de 10 % de la variabilité des déplacements observés dans la littérature scientifique, détaille le chercheur. Le reste des déplacements s’explique par des biais méthodologiques et géographiques ou des facteurs que l’on n’identifie pas encore. »
Les auteurs de l’étude mettent en garde contre la généralisation des résultats lorsque l’on analyse les déplacements de la biodiversité en réponse aux changements globaux. « Il faut rester humble et éviter les généralités : notre base couvre 0,6 % de la biodiversité connue, calcule le chercheur du CNRS. C’est uniquement la partie visible de l’iceberg, une goutte d’eau en termes d’informations sur les déplacements connus de la biodiversité mondiale. Cela permet de relativiser nos connaissances : la littérature est loin d’être représentative de la réalité. »
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