Selon une nouvelle étude, les populations de micro-organismes des lacs sont fortement impactées depuis un siècle. Elles se standardisent et pourraient conduire à davantage de sédimentation à l’avenir. Éclairage.
Des chercheurs français ont voulu comprendre comment la diversité des micro-organismes des lacs évoluait face à la pression humaine et aux changements climatiques. La nouvelle étude parue dans Nature Communications analyse l’ADN conservé dans les sédiments de 48 lacs français aux typologies diverses et compare celui des strates de la fin du 19e siècle à celui de celles des années 2000-2010.
Des populations microbiennes fortement impactées
L’étude montre que la biodiversité des lacs de plaine a été grandement bouleversée, davantage que celle des lacs d’altitude, au-dessus de 1 400 mètres. « Au global, le nombre d’espèces n’a pas diminué mais la distribution relative des groupes d’espèces a été bouleversée, prévient Isabelle Domaizon, directrice de recherche au Centre INRAE de Lyon-Grenoble-Auvergne-Rhône-Alpes, co-auteure de l’étude. Les changements sont assez forts en termes de réarrangement de la biodiversité, en particulier dans les lacs de basse altitude, les plus soumis aux pressions humaines sur leurs bassins versants. »
Parmi les micro-organismes, les chercheurs se sont intéressés aux changements portant sur les micro-eucaryotes. « Les eucaryotes recouvrent une vaste diversité biologique et des fonctions diverses : des producteurs primaires, consommateurs, parasites et décomposeurs, détaille Isabelle Domaizon. Ils sont très abondants et importants dans l’orchestration du fonctionnement du lac ». En plus du réaménagement de groupes fonctionnels, la diversité microbienne entre les lacs s’amenuise. Par le passé, les groupes dominants variaient énormément selon les lacs. La tendance actuelle est à l’homogénéisation. Les grands gagnants sont les micro-organismes photosynthétiques (les algues) favorisés par le réchauffement climatique et l’eutrophisation, via l’apport d’éléments nutritifs phosphore et azote, dus aux activités humaines autour des lacs.
« Le changement de cette biodiversité a certainement un impact sur le devenir du carbone dans le lac, s’inquiète Isabelle Domaizon. Ces micro-algues fixent davantage de carbone et engendrent plus de matières organiques mortes, donc plus de sédimentation et plus de séquestration de carbone dans le lac. Si c’est une bonne nouvelle pour le changement climatique, ce n’est pas un très bon signe pour les lacs, car cela sous-tend moins d’efficacité de recyclage dans le système et donc moins d’efficience pour leur qualité ». La chercheuse évoluant au sein du Centre Alpin de Recherche sur les Réseaux Trophiques et les Ecosystèmes Limniques (Carrtell) partage le fait que des tendances similaires ont été observées via d’autres indicateurs sur les grands lacs américains avec l’augmentation de la production algale. Ces évolutions seraient susceptibles d’être aussi observées dans les autres lacs européens des zones tempérées avec des pressions similaires.
Lacs et sensibilité à la pression humaine
Les dépôts successifs de sédiments des lacs conservent les micro-organismes morts ou leurs traces ADN et constituent des archives de l’évolution des communautés microbiennes. Réunissant des chercheurs d’INRAE, de l’Université de Savoie Mont-Blanc, du CNRS, de l’Université Clermont Auvergne et de l’Université de Toulouse, l’étude a permis d’extraire une carotte de sédiments dans la partie la plus profonde du bassin des 48 lacs, de 6 à 309 mètres sous la surface de l’eau. Les assemblages micro-eucaryotes ont ensuite été reconstruits à partir d’ADN sédimentaire en utilisant le séquençage à haut débit de l’ARN ribosomique 18S.
Isabelle Domaizon explique la technique. « Avec quelques grammes de sédiments, on extrait l’ADN total comprenant l’ADN de toutes sortes de micro-organismes et de macro-organismes. De cet ADN préservé, on sélectionne, puis on amplifie et on lit par séquençage une portion de gène caractéristique de la diversité des eucaryotes – l’ARN ribosomique 18S – qui constitue une bonne région informative pour identifier les espèces. On obtient alors des millions de séquences d’ADN que l’on analyse et que l’on confronte à des bases de données de référence pour identifier les espèces et obtenir la liste des espèces ou groupes biologiques qui ont laissé leur trace ADN dans ces sédiments. »
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