Le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles a émergé ces dernières décennies, affectant les colonies d’abeilles en Europe et en Amérique du Nord. Il se caractérise par la disparition soudaine des abeilles d’une ruche, laissant derrière elles la reine, la nourriture et quelques jeunes abeilles. Plusieurs facteurs ont été avancés pour en expliquer les causes, tels que les pathogènes, les parasites, la dégradation de l’habitat et les pesticides. Des études ont aussi montré que l’exposition à plusieurs pesticides neurotoxiques, à des expositions sublétales – doses n’entraînant pas leur mortalité –, réduisent en moyenne de 25 % l’activité quotidienne de vol des abeilles européennes.
Partant de ce constat comme un indicateur de la présence de pesticides neurotoxiques dans l’environnement, des chercheurs d’INRAE et de l’université de Mexico ont utilisé un modèle d’intelligence artificielle pour détecter les effets sublétaux des pesticides en temps réel sur la base de l’activité de vol des abeilles. Ce modèle a été formé sur un ensemble de quatre bases de données d’activité de vol comprenant 42 092 enregistrements de vol provenant de 1 107 contrôles et 1 689 abeilles exposées à des pesticides. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Ecological Informatics.
Suivre les abeilles pour mieux les protéger
Ainsi, suivant le nombre de vols par jour et du temps passé hors de la ruche à chercher de la nourriture, le modèle classe les abeilles comme étant en bonne santé ou exposées aux pesticides. Si la précision de classification du modèle utilisé s’élève à 68,46 % avec cinq jours d’enregistrements d’activité par abeille, elle atteint 99 %, après 25 jours de données d’activité. « Ces résultats soulignent les performances hautement prédictives des modèles d’IA pour la toxicovigilance et mettent en évidence le potentiel de notre approche pour une surveillance en temps réel et rentable des risques dus à l’exposition aux pesticides neurotoxiques dans les populations d’abeilles domestiques », avancent les chercheurs. Cette nouvelle technologie ne reste plus qu’à être testée sur le terrain.
Pour suivre les abeilles sur le terrain, les scientifiques les identifient grâce à des puces RFID (radio frequency identification) ou des étiquettes QR codes collées sur leur thorax. Des lecteurs RFID ou des compteurs optiques placés à l’entrée de la ruche détectent en continu les abeilles marquées entrant dans la ruche. Pour simuler des événements d’intoxication quotidiens, les butineuses reçoivent une dose de pesticides et sont relâchées à proximité ou loin de leur colonie. La question reste désormais de savoir quels résultats donnera l’IA utilisée directement sur le terrain avec des expositions environnementales de pesticides.
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