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L’IA au travail : un assistant ou un danger pour notre emploi ?

Posté le 13 juin 2024
par Philippe RICHARD
dans Informatique et Numérique

L’histoire de l’IA a plus de 70 ans. Dès 1950, le mathématicien et cryptologue britannique Alan Turing s’est intéressé à la capacité d’une machine à imiter une conversation. Aujourd’hui, les systèmes d’IA sont en mesure d’établir des prévisions, de formuler des recommandations, ou de prendre des décisions. De là à nous remplacer partiellement au boulot ?

Dans une étude publiée en mai dernier et intitulée « A new future of work: The race to deploy AI and raise skills in Europe and beyond », le cabinet McKinsey indique que d’ici 2030, près de 30 % des heures de travail actuelles pourraient être automatisées, grâce à l’IA générative (Gen AI).

Tout le monde ne sera pas logé à la même enseigne. « La demande de travailleurs dans les secteurs de la restauration, de la production, des services à la clientèle, de la vente et du soutien administratif, qui ont tous diminué au cours de la période 2012-22, continuerait de baisser jusqu’en 2030 », prévient McKinsey.

Ces emplois comportent une grande part de tâches répétitives, de collecte et de traitement de données élémentaires, autant d’activités que les systèmes automatisés peuvent traiter efficacement.

Si cette hypothèse des 30 % d’heure effectuée par l’IA devient réalité, de nombreux salariés devront changer de profession selon ces analystes. « D’ici à 2030, selon le scénario d’adoption plus rapide que nous avons modélisé, l’Europe pourrait nécessiter jusqu’à 12 millions de transitions professionnelles, soit 6,5 % de l’emploi actuel. Dans le cadre d’un scénario plus lent, le nombre de transitions professionnelles nécessaires s’élèverait à 8,5 millions, soit 4,6 % de l’emploi actuel », lit-on dans ce rapport d’une soixantaine de pages.

Tâches chronophages

Comme d’autres études, celle de McKinsey tente de déterminer avec précision les impacts, positifs et négatifs, de l’intelligence artificielle sur les métiers. Mission impossible ? Il est en effet difficile d’extrapoler précisément sur les conséquences de l’intégration de l’IA dans les bureaux, mais aussi sur les chaînes de production.

Une chose est sûre, l’automatisation des tâches n’a pas attendu l’intégration de l’IA pour remplacer des tâches chronophages. De nombreux employés de bureau déclarent passer en moyenne un tiers de leur journée à des tâches qu’ils considèrent comme étant de « faible valeur ajoutée » selon la récente enquête Workforce Index de Slack. Les employés de bureau français souffrent d’un épuisement professionnel dû à l’activité professionnelle.

Pour limiter ces tâches confiées à des salariés, la Robotic Process Automation (RPA) est utilisée depuis déjà quelques années dans la finance, l’assurance, la logistique… McKinsey avait d’ailleurs publié un article intitulé « Four fundamentals workplace automation » en 2015.

Mais l’accélération des puissances de calcul grâce au cloud et à des puces ad hoc comme celles de Nvida (passé en 30 ans d’un simple fabricant de cartes graphiques appréciées des gamers à un acteur incontournable de l’IA) bouleverse la donne et complique la tâche des analystes.

L’impact de la GenAI

Pour l’instant, l’IA n’est pas synonyme de destruction massive d’emplois. Selon une enquête de l’INSEE publiée par le ministère de l’Économie, « l’emploi total des entreprises ayant adopté l’IA augmente davantage que dans les entreprises ne l’ayant pas adoptée (…). L’effet résulte principalement de la création de nouveaux emplois, plutôt qu’un maintien plus important d’emplois existants ».

Cependant, cette enquête confirme les prévisions de McKinsey : l’effet de l’IA sur l’emploi total n’est pas uniforme d’un métier à l’autre. « Certains échelons au sein de l’entreprise ou certains métiers risquent de subir des réductions nettes d’emplois. Les entreprises qui adoptent l’IA pour la gestion administrative ou le marketing voient leur emploi en “professions intermédiaires administratives et commerciales” diminuer ».

Mais beaucoup d’études étaient focalisées sur l’IA. Avec la GenAI, la donne pourrait radicalement changer pour les métiers du « savoir ». Pour l’instant, la GenAI est encore loin d’être optimisée et capable de générer du contenu de qualité. « The hype is here, the revenue is not » répètent à l’envi des analystes financiers. ChatGPT et les autres solutions doivent être vues et utilisées comme des assistants. Même Amazon et Google tempèrent les attentes autour de l’IA générative !

Certains métiers de la connaissance, de la stratégie et de la créativité (médecins, enseignants, avocats, journalistes, artistes…), autrefois « perçus comme des creusets de l’intelligence humaine, pourraient être concernés par une réduction du nombre total d’emplois », prévient l’INSEE.

Les premières études sur la GenAI suggèrent que l’effet de productivité domine en moyenne pour les salariés en entreprise, tandis que l’effet d’éviction semble être plus important pour les individus indépendants devant effectuer pour l’essentiel des tâches plus facilement remplaçables par l’IA. Mais est-ce qu’un jour « l’IA devrait remplacer tous nos emplois » comme l’affirme Elon Musk ?


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