En France, le débat sur les énergies renouvelables électriques – principalement l’éolien et le solaire photovoltaïque – n’en finit pas de perdurer. Les tribunes récurrentes des « anti » dans la presse le prouvent bien trop souvent. Il en découle un retard sur les objectifs que la Nation a fixés, alors même que ces solutions techniques sont désormais les plus compétitives au regard de leur coût de production. Deux études récentes viennent étayer cette analyse.
La première est le Baromètre des énergies renouvelables électriques publié par Observ’ER, en partenariat avec la FNCCR et l’Ademe. Comme chaque année, l’étude montre la dynamique en cours dans chaque filière aux niveaux national et régional, ainsi que leur poids économique.
Besoin d’accélérer pour atteindre les objectifs
Le constat général est que la part des énergies renouvelables dans la consommation d’électricité du pays a atteint 29,9 % en 2023 (139 TWh). Toutes filières confondues, les chiffres d’affaires se cumulent à 31,7 milliards d’euros (+12 % par rapport à 2022), dont 12,3 Md€ pour le photovoltaïque, presque 7 Md€ pour l’éolien terrestre et 4,8 Md€ pour l’hydroélectricité. Côté emploi, une hausse de 21 % permet d’afficher plus de 84 200 équivalents temps plein.
Toutes les nouvelles installations de renouvelables électriques en 2024 ont compté pour 6 GW, soit bien plus qu’en 2023 (4,5 GW), élevant ainsi le parc renouvelable à 78 GW. Cette forte hausse est principalement due à la progression du solaire photovoltaïque (PV) : près de 4 GW ont été raccordés en 2024, portant le parc PV à près de 24 GW. Ce rythme élevé d’installation devra être porté à 6 GW/an pour atteindre l’objectif de la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui est de 54 à 60 GW de solaire photovoltaïque en 2030. La production, qui était de 23,3 TWh en 2024, devra se porter à 65 TWh à la même échéance.
L’éolien terrestre est lui, au contraire, trop ralenti. Seuls 734 MW ont été installés les trois premiers trimestres de 2024, permettant d’atteindre un parc total de 23 GW. On est très loin des objectifs que veut assigner la nouvelle PPE (33 à 35 GW en 2030), quand bien même elle a réduit la voilure par rapport à la précédente programmation. L’année passée, le productible éolien terrestre, avec moins de vent, a tout juste dépassé 46 TWh (source RTE) alors que les objectifs sont de 64 TWh pour 2030 et 80 TWh pour 2035.
L’hydroélectricité, par son ancienneté, reste la première énergie renouvelable, avec 25,9 GW installés et une production de 74,7 TWh en 2024. Malgré quelques ajouts de puissance, le parc hydroélectrique sera rapidement dépassé par celui de l’éolien. D’autant plus que la France s’est lancée dans le développement de l’éolien en mer : après le parc au large de Saint-Nazaire en 2022, ceux de Saint-Brieuc et de Fécamp ont été mis en service en 2024. Ce sont au total 1,4 GW installé : un début vers les 3,6 GW prévus dans la nouvelle PPE pour 2030. La France a néanmoins pris du retard sur ses voisins européens et sur le propre objectif de 18 GW qu’elle s’était donné pour 2035. L’espoir réside dans les projets de parcs éoliens en mer posés déjà en cours et sur la création de parcs éoliens en mer flottants.
Globalement, malgré la dynamique positive sur le photovoltaïque, la France est en retard sur son objectif qui était jusque-là de 40 % d’énergie renouvelable dans la consommation d’électricité en 2030. Mais, opportunément, la nouvelle PPE a abaissé cet objectif à 35 %, ce qui sera beaucoup plus abordable… si les freins au déploiement du solaire PV et de l’éolien sont durablement levés.
Les renouvelables sont les moins chères
La seconde étude est celle de l’Ademe qui publie chaque année les coûts de production moyens sur la durée de vie des actifs des technologies qualifiées « renouvelables et de récupération ». Ce coût dit LCOE (de l’anglais Levelized Cost Of Energy) est utilisé depuis longtemps pour comparer les filières, y compris au niveau mondial par Lazard ou l’Agence internationale de l’énergie.
Les chiffres de l’Ademe compilent les données consolidées les plus récentes, c’est-à-dire celles de 2022. À date, c’est donc l’éolien terrestre qui remporte la palme du moins cher en France avec 59 €/MWh (hors taxes, en euros 2022), suivi par le solaire photovoltaïque qui varie entre 70 et 91 €/MWh pour les installations au sol et sur moyennes ou grandes toitures.
La baisse des coûts constante qui avait été constatée entre 2012 et 2020 a été perturbée par les crises du Covid et de l’Ukraine. D’où une petite hausse des LCOE des filières renouvelables en 2021 et 2022, mais bien moindre que celui de la filière de référence des centrales gaz à cycle combiné.
Les évolutions de 2023 et 2024 sont encore à confirmer. Elles sont portées par un apaisement des tensions sur les prix de certains combustibles (gaz, granulés bois, etc.), mais par de nouvelles contraintes : inflation significative du coût des matières premières et augmentation des taux d’intérêt qui affectent les conditions de financement.
Cependant, comme ces dernières contraintes affectent aussi les technologies non renouvelables, les écarts restent significatifs, notamment avec le nouveau nucléaire dont la Cour des comptes a signalé la difficile rentabilité en dessous de 130 €/MWh pour l’EPR de Flamanville. De son côté, Lazard évalue le LCOE du nouveau nucléaire aux USA entre 142 et 222 $/MWh quand le solaire PV au sol affiche 29-92 $/MWh et l’éolien terrestre 27-73 $/MWh.
À quelle conclusion aboutira la rationalité économique ?
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