Cet article du Point a fait couler beaucoup d’encre pour une excellente raison : il a été publié le 20 octobre, c’est-à-dire la veille de l’ouverture de la 16ᵉ conférence des Parties à la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB). Or pour ses détracteurs, le porte-parole d’Action Écologie véhicule un discours dénialiste et scientifiquement faux.
Effondrement de la biodiversité : est-ce une question d’échelle ?
Selon le porte-parole d’Action Écologie, les chiffres inquiétants qui sont portés par des ONG comme WWF sont « une manière de noyer le poisson ». Exemple : « La taille moyenne des populations d’animaux vertébrés sauvages (dans le monde) a chuté de 73 % en seulement cinquante ans. »
Pour lui, il serait possible d’avoir une autre lecture de ces chiffres, à plus petite échelle. Pour justifier son propos, il s’appuie sur un autre indicateur de WWF qui indiquait, en 2012, une évolution positive de la biodiversité de 31 % dans les « pays riches » entre 1970 et 2008, alors que celui-ci reculait en parallèle de 30 % à l’échelle mondiale.
Mais il y a un problème avec ces chiffres : ils ne sont pas comparables et donc trompeurs, car ils masquent les extinctions massives qui se sont produites avant 1970. Selon Louise O’Connor, écologue et biologiste de la conservation à l’Institut international d’analyse des systèmes appliqués (IIASA), « la biodiversité en 1970 en Europe était déjà plus basse que celle d’il y a 500 ans. »
Au-delà de cette bataille de chiffres, dans les faits, certaines espèces reculent et d’autres reviennent (lynx ibérique, daim, etc.) ou n’ont pas été menacées (sangliers, cervidés, etc.) et on ne peut que s’en féliciter !
Mais en matière de biodiversité il est important de prendre un certain recul, car l’interprétation des chiffres est toujours délicate et il est facile de sortir des chiffres de leur contexte.
Qu’en disent les spécialistes ? Selon l’IPBES (groupe international d’experts sur la biodiversité sous l’égide de l’ONU), « la biodiversité de l’Europe et de l’Asie centrale connaît un fort déclin continu. »
De son côté, le Muséum d’histoire naturelle rappelle sur son site « qu’un quart des oiseaux d’Europe ont disparu ces 30 dernières années et que 80 % des insectes ailés ont chuté en l’espace de 40 ans en Europe. »
Comment exposer des faits graves sans faire de catastrophisme ?
Soyons clairs : la biodiversité dans le monde est en déclin et l’Europe n’échappe pas à ce constat, la science est formelle sur ce point.
Suite à la polémique, le Porte-parole d’Action Écologie a néanmoins nuancé ses propos, en assurant ne pas nier le consensus scientifique, mais en ajoutant « qu’il ne faut pas sans cesse reprendre les arguments pour alimenter le feu de la catastrophe. »
Son point de vue est intéressant, car il sous-entend que trop parler du problème peut l’aggraver. Mais comme il est contre-productif d’accuser le thermomètre lorsqu’on a de la fièvre, il est tout aussi contre-productif de vouloir minimiser l’ampleur d’un problème, quitte à en faire un tabou.
Malheureusement, nous allons bel et bien vers une sixième extinction de masse. Ce sont des mots forts, qui font peur, certes, mais qui traduisent une réalité, pas une opinion, aussi anxiogène soit-elle !
Car proposer des mots « plus doux » ne rendra pas la situation moins catastrophique pour autant. Malgré les efforts de conservation et les multiples initiatives pour protéger les écosystèmes, nombre d’entre eux sont toujours menacés. Gardons espoir : ils le seront peut-être moins à l’avenir, mais en attendant, des espèces continuent à disparaître en masse, y compris en Europe, à cause des engrais, des pesticides, de l’urbanisation et du réchauffement climatique.
Il ne faut pas oublier que la science ne fait pas de politique, elle se contente d’établir des faits, mais leur interprétation ne regarde que nous. Nous avons donc le choix entre écouter la science ou regarder ailleurs.
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