OSS Ventures[1] est un start-up studio fondé en 2019 par Renan Devillières, Charles Bouygues et Michael Valentin. Sa mission est d’accompagner l’industrie française dans une transition technologique, environnementale, sociale et sociétale.
JUNO[2] est une solution SaaS de digitalisation des process de l’industrie 4.0, co-fondée par Thibaud Godillot et Reda Ouafi, créée en 2021 et mise sur le marché en janvier 2023. JUNO est issue d’une coconstruction avec des partenaires industriels et les équipes d’OSS Ventures.
Techniques de l’ingénieur : OSS Ventures est un start-up studio. Quel en est le concept ?
Renan Devillières : Le modèle du start-up studio est comparable à celui du fonds d’investissement, car il s’agit de détenir des parts d’entreprises à la croissance rapide. Mais par rapport à un fonds d’investissement classique, il y a une différence majeure : un start-up studio aide surtout les entrepreneurs à démarrer et les accompagne depuis le départ. Sur les 850 start-up studio qui existent dans le monde, on en compte seulement une poignée qui concerne l’industrie. On sait qu’il y en a 400 dans les biotechnologies et le médical, et seulement trois spécialisées dans la gestion des opérations : OSS Ventures en France ainsi que deux autres, en Allemagne et au Japon.
Ce concept a le vent en poupe, car le succès d’une start-up n’est pas seulement une question d’argent. En quatre ans d’existence, OSS Ventures a ainsi lancé 15 entreprises, investi dans 4 et créé plus de 500 emplois. Nos solutions sont présentes dans 1 700 usines et utilisées par plus de 36 000 opérateurs au quotidien.
Thibaud Godillot : Au lancement d’une start-up, il y a énormément de tâches à accomplir. Parmi celles qui arrivent très tôt, il y a l’identification d’un problème et la validation d’hypothèses de solutions, par rapport à un marché existant et un besoin réel.
Cette phase capitale peut-être périlleuse, mais également très longue ! C’est là toute la puissance du start-up studio : l’entrepreneur va créer une start-up sur la base d’un concept qui est déjà en cours de validation auprès de futurs clients potentiels, puisque les solutions sont coconstruites entre le start-up studio et des partenaires industriels.
D’un point de vue entrepreneurial, il est donc beaucoup moins risqué de créer une société à partir de quelque chose de tangible, sur la base du travail réalisé en amont par OSS Ventures, que de se lancer tout seul dans son coin.
Ce travail en amont, comment OSS Ventures le réalise-t-il ?
Renan Devillières : En visitant en moyenne entre une et deux usines par semaine. Nous allons tout simplement à leur rencontre et nous leur demandons quels sont leurs besoins et leur budget. Lorsqu’un besoin identique (ou « pain point ») apparaît dans plusieurs usines et qu’il n’existe pas de solution technologique satisfaisante, nous intégrons ce sujet potentiel dans notre base de données. Quand un sujet intéresse un entrepreneur, celui-ci se déplace alors dans les entreprises concernées pour approfondir et proposer des solutions. Après avoir visité une cinquantaine d’usines ayant le même problème à résoudre, l’entrepreneur a donc une idée précise de ce qu’il faut faire pour le régler.
JUNO a été fondé en suivant ce principe. Quelles sont les solutions apportées par JUNO aux industriels ?
Thibaud Godillot : JUNO est une plateforme SaaS dédiée au pilotage des opérations industrielles. En observant une soixantaine d’usines en Europe, on s’est rendu compte que 83 % d’entre elles ont une gestion « à l’ancienne » de ces process, par des fiches papier et des tableaux Excel, voire de très vieux logiciels dans le meilleur des cas. Le principal inconvénient de cette méthode de gestion c’est que les industriels n’ont pas accès à leurs données de performance industrielle, ce qui rend le pilotage extrêmement difficile. Comment une entreprise qui ne connaît pas ses défauts pourrait-elle s’améliorer ?
Notre solution de digitalisation permet de faire remonter les informations en temps réel et de les consolider. Avec ces données, un industriel peut alors bénéficier de données accessibles et exploitables, savoir si une machine produit moins vite qu’une autre, avec des taux de rebuts supérieurs, etc.
La digitalisation des données de production n’est-elle pas quasiment obligatoire pour certains secteurs ?
Thibaud Godillot : Les industries très réglementées, pour lesquelles la fourniture d’une traçabilité sans faille est exigée par des normes ou par la loi, sont la spécialité de JUNO. Il est évident que le digital est la solution idéale pour gérer cette traçabilité. Quoi de plus simple, pour retrouver un lot de production qui date d’il y a plusieurs années, que d’entrer un numéro dans le logiciel et d’obtenir une réponse instantanée ?
Renan Devillières : Un jour, un patron d’usine du secteur pharmaceutique m’a dit : « J’ai réalisé que j’ai plus d’employés qui travaillent en qualité qu’en production. Mon usine produit plus de papier que de pilules. »
J’ai une autre anecdote. Au cours d’une de nos visites d’entreprises, on nous a conduits dans une pièce composée de rangées d’armoires. Dans ces armoires, il y avait l’ensemble des documents qualité depuis l’ouverture de l’usine.
Je crois que ces deux exemples illustrent parfaitement l’ampleur du besoin en digitalisation dans ces secteurs ! Tout le monde parle d’IA dans l’industrie, mais avant de parler d’IA, il va falloir sérieusement s’intéresser aux données, car c’est 95 % du problème, donc le véritable enjeu.
Une fois les données acquises, un stagiaire qui connaît l’IA est capable de sortir des résultats incroyables avec seulement quelques algorithmes. Encore faut-il que la donnée soit disponible, structurée et consolidée.
Les clients de JUNO sont-ils satisfaits de la solution ?
Thibaud Godillot : Nous avons dépassé les 2 millions de procédures exécutées dans JUNO par des opérateurs et nos clients sont très satisfaits. Nous avons d’ailleurs signé un contrat sur plusieurs années avec deux clients leaders sur leur secteur, afin de déployer JUNO sur l’ensemble de leurs usines.
Comme JUNO est un outil qui permet de faire remonter de la donnée depuis le terrain, chaque déploiement de JUNO sur une usine permet à un groupe d’améliorer son pilotage global. L’utiliser dans toutes les usines est ainsi un moyen de comparer les performances de chacune, donc d’améliorer les pratiques à toutes les échelles, ligne de production, site et groupe.
Comment envisagez-vous l’avenir digital de l’industrie ?
Renan Devillières : Concernant la digitalisation de l’industrie, depuis trois ou quatre ans, on est en train de sortir du modèle qui consiste à mettre toutes ses données dans l’ERP, un logiciel qui fait tout, mais pas forcément bien. Les industriels ont compris la nécessité d’investir dans des logiciels spécialisés, qui permettent une exploitation efficace des données et apportent également un confort d’utilisation aux employés.
Il faut savoir que chez certains de nos clients, les utilisateurs passent directement d’un logiciel austère des années 1990 sur fond monochrome à une solution ergonomique designée comme une application mobile moderne. Les utilisateurs, surtout les plus jeunes, sont bien évidemment satisfaits de ces évolutions qui correspondent à leur époque. Je me souviens d’un verbatim utilisateur qui disait « Enfin un logiciel qui date du siècle dans lequel je suis né », je crois que ça veut tout dire.
Thibaud Godillot : Si on veut rendre l’industrie attractive auprès des jeunes générations, il faut aussi se mettre à leur place. Pourquoi devraient-ils manipuler des tonnes de papier, dans des usines qui fonctionnent comme au siècle dernier alors que même leur livreur Amazon suit tous ses process sur smartphone ?
La situation est heureusement en train de changer, grâce à des solutions comme JUNO qui permettent aux employés de devenir acteurs, par l’analyse de données et la résolution de problèmes et non plus par la saisie.
[1] OSS Ventures
[2] JUNO
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