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Interview

Journées Usines Ouvertes : plus de 200 sites à découvrir partout en France, les 4 et 5 avril prochains

Posté le par Benoît CRÉPIN dans Entreprises et marchés

Lancée par la Société des ingénieurs Arts & Métiers, cette initiative inédite permettra aux Français – petits et grands – de (re)découvrir la diversité et la richesse du tissu industriel français, tout en contribuant à faire prendre conscience au grand public des enjeux cruciaux liés à la réindustrialisation de notre pays, à commencer sans doute par celui du recrutement.

Pour répondre à ces ambitions portées par la vénérable Société des ingénieurs Arts & Métiers, plus de 200 sites industriels ouvriront leurs portes en fin de semaine prochaine : au grand public le 5 avril, mais aussi, la veille, aux publics scolaires. Une action qui se veut à la fois une opportunité pédagogique pour les enseignants, et un moyen de susciter des vocations chez les jeunes, auprès desquels l’industrie souffre encore, en effet, d’un lourd déficit d’image et d’attractivité. C’est ce que nous explique Stéphane Gorce, président de la Société des ingénieurs Arts et Métiers, qui revient également pour Techniques de l’Ingénieur sur la genèse de cet évènement voué à devenir, à l’instar des Journées du Patrimoine, un rendez-vous annuel.

Techniques de l’Ingénieur : Pouvez-vous, en quelques mots, nous décrire ce qu’est la Société des Ingénieurs Arts & Métiers, que vous présidez depuis novembre dernier ?

Associé au sein d’Eurogroup Consulting, Stéphane Gorce préside la Société des ingénieurs Arts & Métiers
Formé à l’École Nationale Supérieure d’Arts et Métiers et actuellement associé au sein d’Eurogroup Consulting, Stéphane Gorce préside la Société des ingénieurs Arts & Métiers depuis le 16 novembre 2024. © Société des ingénieurs Arts & Métiers

Stéphane Gorce : La Société des Ingénieurs Arts & Métiers a été créée au milieu du XIXe siècle. Il s’agit aujourd’hui de la plus importante association d’ingénieurs en France. Elle regroupe en effet 34 000 personnes – les Gadz’Arts – réparties sur tout le territoire national mais aussi à l’étranger, et qui représentent une large palette d’activités, notamment industrielles.

En matière d’actions, l’association mène d’une part un travail tourné vers les élèves de l’école, en les guidant notamment pour l’obtention de bourses, ou encore en contribuant à l’amélioration de leurs conditions d’apprentissage, au travers du programme de financement Evolutive Learning Factories (ELF), qui permet d’aider à financer certains équipements de recherche et d’enseignements. D’autre part, nous menons également des actions de solidarité envers les anciens élèves, ainsi que diverses manifestations territoriales. L’association est ainsi très active, et permet de fédérer une véritable communauté.

Qu’est-ce qui a motivé le lancement, pour la première fois cette année, des Journées Usines Ouvertes ?

L’école a comme principale volonté, depuis plusieurs années, de former les leaders des industries responsables. En 2023, une question nous est ainsi apparue : comment incarner cette volonté ? Nous nous sommes alors fixé trois objectifs : faire connaître nos « héros », les grands ingénieurs qui, aujourd’hui, développent des technologies et procédés originaux, novateurs ; contribuer à réconcilier les Français et l’industrie ; mais aussi, troisièmement, réussir à attirer les talents. À partir de ces trois piliers, nous avons défini trois grandes actions.

La première, pas encore mise en œuvre pour l’instant, est la création d’un prix de l’ingénieur, et de l’entrepreneur Arts & Métiers. Cela devrait se mettre en place dans les mois qui viennent. La deuxième action que nous avons, quant à elle, d’ores et déjà mise en œuvre, a été la publication, à l’automne dernier, des résultats d’un Observatoire Arts & Métiers des Industries responsables, réalisé conjointement avec l’IFOP et le directeur de son pôle Opinion & Stratégies d’Entreprises, Jérôme Fourquet. Cet « instantané » de la perception des Français de l’Industrie a permis de mettre en lumière plusieurs aspects notables : plus de 85 % d’entre eux, tout d’abord, considèrent que l’industrie et l’un des piliers de notre économie, un élément de souveraineté capital ; mais aussi, que seuls 11 % des Français recommanderaient sans réserve un travail dans l’industrie à leurs proches… Cet écart a ainsi été un véritable révélateur du déficit d’image dont souffre notre secteur. Déficit qui tient d’ailleurs en grande partie selon moi à l’invisibilisation des objets, au profit des services. Or, derrière chaque service se cachent des machines, des équipements, des objets de très haute technologie…

Nous avons alors entamé une réflexion qui nous a amenés jusqu’à une idée toute simple : ouvrir les usines. Cette troisième grande action vise en effet à répondre à cet objectif crucial : donner à voir pour donner envie. Mais surtout, donner à voir la réalité de l’industrie d’aujourd’hui, à mille lieues des romans de Zola… Les usines font aujourd’hui la part belle à la robotique, à l’IA, etc. Et ne sont en aucun cas des lieux d’asservissement.

C’est ainsi que nous avons imaginé le lancement de ces premières Journées Usines Ouvertes, un évènement voué à devenir un rendez-vous annuel, à l’instar des Journées du Patrimoine.

Nous avons d’abord longuement réfléchi aux dates les plus appropriées – que nous avons finalement fixées aux 4 et 5 avril prochains – avant de partir en quête de partenaires. Nous nous sommes ainsi progressivement entourés d’acteurs et d’institution de renom tels que CCI France, France Industrie, Territoires d’industrie, Bercy, certaines régions, ou encore le ministère de l’Éducation nationale… Pour n’en citer qu’une partie. D’autres sont aussi spontanément venus vers nous, comme le Comité Richelieu, qui rassemble près de 4 000 PME et ETI de haute technologie.

Qu’est-ce qui distingue ces deux journées des 4 et 5 avril ?

Le samedi 5 avril, les usines ouvriront leurs portes au grand public, dans le but notamment, comme je l’évoquais, de réconcilier l’industrie et les Français.

La veille, le vendredi 4 avril, les visites seront cette fois réservées aux publics scolaires. Nous avons d’ailleurs préparé des outils pédagogiques validés par le ministère de l’Éducation nationale qui permettront aux enseignants de prolonger les visites par en travail en classe. L’enjeu est en effet de redonner envie aux jeunes de s’intéresser aux métiers de l’industrie.

Pour cela, il nous semble d’ailleurs également crucial de redonner leur place aux sciences et technologies à l’école, pour former dès leur plus jeune âge les ingénieurs de demain. Les ingénieurs, certes… Mais aussi, d’ailleurs, les ingénieures, au féminin ! Aux concours d’entrée des grandes écoles, nous avons en effet constaté, en 2024, un recul de la part de filles accédant aux grandes écoles : une conséquence directe de la récente réforme du lycée. Ce n’est assurément pas une bonne nouvelle ! L’industrie a besoin de tout le monde, des hommes ET des femmes.

Former filles et garçons en sciences et technologies est d’autant plus capital dans le contexte actuel des bouleversements climatiques et environnementaux que nous vivons. Seuls les gens qui auront le bagage scientifique suffisant pourront apporter un avis éclairé et objectif pour orienter, dans la bonne direction, l’industrie de demain.

220 usines ouvrent leurs portes les 4 et 5 avril 2025
Plus de 220 usines ouvriront leurs portes à travers la France pour cette première édition. © Société des ingénieurs Arts & Métiers

Avez-vous en tête quelques exemples de sites industriels qui ouvriront leurs portes ?

Ces Journées seront l’occasion de visiter des sites de toutes tailles : de la PME au grand groupe industriel, en passant par un grand nombre d’ETI du secteur. L’une des premières usines à nous avoir manifesté son intérêt pour l’évènement est Airbus Helicopters, à Marignane. À ce site se sont progressivement ajoutés d’autres acteurs industriels incontournables, à l’image des Chantiers de l’Atlantique, des aciéries ArcelorMittal de Dunkerque et de Florange, ou encore quatre sites de Thales, pour ne citer que quelques exemples. Au total, ce seront plus de 220 usines – deux fois plus que ce que nous imaginions au départ – qui ouvriront leurs portes pour cette première édition ! Et ce sera sans doute encore bien plus dès l’an prochain.

Je suis frappé par l’engouement suscité par cette initiative : tout le monde s’y met ! Y compris des institutions publiques telles que le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de l’Industrie. Tout le monde a, je pense, conscience que nous sommes aujourd’hui dans un moment crucial pour le secteur. Il faut que l’on agisse collectivement, et concrètement !

La France a effectivement connu au cours des dernières décennies une forte désindustrialisation[1]. Cette tendance semblait vouée à ralentir, voire s’inverser il y a quelques mois[2]… Qu’en est-il aujourd’hui ?

Ces derniers mois, nous avons à nouveau connu une baisse de la création nette d’usines. Il y a cependant deux aspects à considérer : cet aspect conjoncturel, certes, mais aussi, à plus longue échelle de temps, une tendance structurelle. Le travail que nous menons aujourd’hui, au travers notamment de ces Journée Usines Ouvertes, s’inscrit ainsi dans le temps long, et vise à améliorer les choses progressivement. Même si des éléments conjoncturels peuvent légitimement inquiéter, la clé, selon nous, reste toutefois la ténacité, la pugnacité. La réindustrialisation est en effet le fondement de notre souveraineté. Les Français en prennent d’ailleurs de plus en plus conscience, notamment depuis la crise sanitaire.


[1] La Désindustrialisation de la France: 1995-2015 

[2]  De nouvelles usines émergent en France, voici comment… et leur localisation dans l’Ouest

Pour aller plus loin

Posté le par Benoît CRÉPIN


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