Événement mondial dans le secteur du sport, les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) 2024 sont aussi l’occasion pour les énergéticiens de montrer leur savoir-faire. En effet, du 24 juillet au 11 août pour les premiers, puis du 28 août aux 8 septembre pour les seconds, des milliers d’athlètes vont être hébergés : se pose alors la question de la performance énergétique de leurs logements. Cette dimension était tout à fait anodine auparavant, mais pression climatique oblige, chaque choix doit être maintenant argumenté. On se rappelle comment la climatisation des stades au Qatar pendant la Coupe du monde de football 2022 avait, à juste titre, attiré des critiques…
Plus globalement, le Comité organisateur des JOP à Paris veut diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre de l’événement par rapport aux précédentes éditions. Par exemple, l’utilisation à 95 % d’infrastructures existantes ou temporaires doit diminuer l’empreinte environnementale. Les nouveaux équipements se veulent exemplaires, comme le centre aquatique de Seine-Saint-Denis qui a été conçu avec beaucoup de matériaux recyclés ou biosourcés, dispose de 5 000 m² de panneaux photovoltaïques, et sera reconfiguré après les Jeux pour l’usage de la population. Même les réseaux électriques sont renforcés, à la fois du côté d’Enedis pour éviter le recours à des groupes électrogènes, ainsi que du côté de RTE qui rend souterraines quatre lignes de 225 000 V dans le nord de Paris. En supprimant 15 km de câbles aériens et 27 pylônes dans cette zone urbaine dense, grâce à un tunnel dédié de 2,4 km, RTE libère ainsi 87 hectares.
Nouveau réseau de chaleur
Le chantier le plus emblématique des JOP est celui du Village des athlètes, situé sur trois communes dans le Nord parisien : Saint-Denis, Saint-Ouen-Sur-Seine et L’Île-Saint-Denis. Il va héberger plus de 2 300 sportifs et leurs accompagnateurs venus du monde entier durant l’été 2024 dans de nouveaux logements construits sur une zone de 53 hectares. De nombreux immeubles sont déjà en cours de livraison et, comme tout bâtiment neuf, doivent respecter la réglementation en vigueur pour la performance énergétique et environnementale. Il est même spécifiquement prévu que le contenu carbone de certaines constructions, comme celles de Vinci, soit divisé par deux par rapport aux pratiques habituelles, pour atteindre 700 kgCO2/m². Il est aussi prévu qu’ils soient sans climatisation, à l’encontre des pratiques habituelles.
Pour que ces bâtiments assurent le confort thermique, hiver comme été, ils sont équipés d’un plancher chauffant / rafraîchissant, alimenté dans le premier cas par une eau à 45°C et dans l’autre par une eau à 7°C. Le choix s’est en effet porté sur cette solution adaptée aux bâtiments bien isolés, et propice à l’utilisation d’un réseau de chaleur/froid urbain. Tout comme ces logements sont neufs, un nouveau réseau a été construit à l’occasion par ENGIE Solutions, qui a investi 28 millions d’euros avec 5 M€ d’aides publiques (Région Île-de-France et Ademe). Pour délivrer les 30 GWh d’énergie par an dont il aura besoin, la technologie retenue devait privilégier les énergies renouvelables. La géothermie basse température superficielle a été choisie : 11 forages (3 puits collecteurs et 8 puits injecteurs) captent une eau à 17°C à 70 m de profondeur et la rejettent à 12°C. Le prélèvement se fait à raison d’environ 325 m3/h. L’ajustement des températures se fait grâce à 6 thermo-frigo-pompes, pour une puissance totale de 5 MW. Le réseau est composé de deux circuits aller-retour, un pour le froid et un pour le chaud. Une connexion de ce réseau est faite avec le réseau de chaleur déjà existant de la Plaine Commune. Tout mis bout à bout (y compris l’électricité nécessaire pour les thermo-frigo-pompes), les nouveaux bâtiments disposent ainsi d’une énergie à 68 % renouvelable.
Évolution après les Jeux
Le réseau de chaud/froid compte 78 points de livraison sur le Village des athlètes, qui vont bien sûr continuer de fonctionner une fois les JOP terminés. Toute la zone va être adaptée pour devenir un quartier d’habitation et d’activité économique, où sont prévus plus de 2 800 logements, une résidence étudiante, un hôtel, deux groupes scolaires supplémentaires, 3 200 m² de commerces de proximité, des bureaux pour 6 000 salariés, 6 ha d’espaces verts. Certains logements, livrables en 2025, sont déjà en vente.
Il est loin le temps où cette zone, au tout début du XXe siècle, accueillait des centrales à charbon pour alimenter le métro parisien en électricité ! Avec les JOP et dans les années à suivre, les concepteurs du quartier veulent donner l’image de la ville du futur. En tout cas elle sera un endroit où seront testées de nouvelles approches. Par exemple, EDF et ses filiales (Dalkia, Izivia et EDF EnR) prévoient une production photovoltaïque sur certaines toitures du Village, avec stockage dans des batteries stationnaires et dans des batteries de véhicules électriques, et pilotage des besoins en électricité du bâtiment par des algorithmes prédictifs. L’expérimentation doit montrer qu’il est possible d’optimiser le recours aux batteries afin de limiter le soutirage d’électricité sur le réseau et ainsi alléger les tensions sur le système électrique.
Comme quoi, les Jeux Olympiques et Paralympiques, c’est du sport. Mais pas seulement.
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