Au-delà du simple événement sportif, les JO de Paris 2024 sont un véritable laboratoire du développement durable. Le village olympique, en particulier, est un démonstrateur à ciel ouvert de la ville écoresponsable de demain. Parmi les nombreuses expérimentations conduites dans un objectif « d’excellence environnementale », il y a notamment trois projets innovants autour du recyclage des eaux usées.
Ces projets sont d’autant plus remarquables qu’ils sont mis en œuvre alors que la réglementation concernant la réutilisation des eaux usées (REUT) est actuellement en pleine transition. Leur intérêt est donc d’autant plus fort qu’ils vont au-delà des utilisations autorisées jusqu’ici par la législation !
Le plus ambitieux : un bâtiment « cycle » qui retraite les eaux usées
Cet immeuble à structure mixte bois et béton, est un projet pionnier à l’échelle mondiale. Celui-ci servira à démontrer la capacité de réutiliser et recycler les déchets, séparés en quatre flux :
- les eaux grises (douches, éviers, lavabos) ;
- les biodéchets ;
- les urines ;
- la matière fécale.
L’idée de ce bâtiment « cycle » a été proposée par le bureau d’études environnementales Oasiis, avec le soutien d’Icade et de CDC Habitat[1], dans le cadre de l’appel d’offres lancé par la Solideo[2]. L’ensemble de la partie recyclage des eaux usées et traitement a été confié à Nereus, spécialiste de la filtration et du traitement des eaux.
Concernant les eaux noires, après séparation des excréments par centrifugation, les urines seront d’abord stockées dans des cuves, puis confiées à Toopi Organics, une entreprise de biotechnologies, en vue de leur valorisation en agriculture. Les excréments pourront alors être valorisés en compost, au même titre que les biodéchets.
Pour les eaux grises provenant des douches et des éviers, il est prévu qu’elles soient traitées puis réinjectées dans un réseau alimentant les chasses d’eau et les lave-linge (selon l’évolution de la législation). Elles pourront aussi servir au nettoyage des espaces communs.
Le bâtiment sera réhabilité à l’issue des JO et accueillera 26 logements locatifs.
Un centre de secours qui traite les eaux grises par phytoépuration
S’il est le plus ambitieux, le bâtiment « cycle » n’est pas le seul projet REUT en cours. Il est également prévu que les eaux du futur centre de secours construit en bordure de seine soient retraitées par phytoépuration, grâce à la végétalisation des 300 m² de terrasse en toiture, selon un processus en trois étapes :
- prétraitement des Matières en Suspension (MES) ;
- filtration par phytoépuration en massifs filtrants ;
- désinfection par microfiltration à bobine et à zéolithe.
Les 3,5 m3 d’eau ainsi retraités chaque jour serviront à l’irrigation des espaces verts, à l’alimentation des sanitaires et éventuellement au nettoyage des sols extérieurs. Après les jeux, le centre de secours sera occupé exclusivement par les pompiers.
Projet Green Bow : puisage des eaux usées dans les égouts pour l’arrosage des espaces verts
Enfin, le projet Green Bow est une solution innovante proposée par Nereus[3]. Celle-ci consiste à pomper les eaux usées dans le réseau souterrain du Village des Athlètes pour les envoyer dans la station de traitement de Nereus.
L’eau filtrée sera alors stockée dans des cuves et servira à l’arrosage d’un demi-hectare d’espaces verts, notamment dans le but de créer des îlots de fraîcheur.
Des actions qui vont au-delà de ce que la législation autorise !
C’est un fait : par rapport aux autres pays d’Europe, la France est très en retard sur la réutilisation des eaux usées, avec seulement 1 % d’eau réutilisée actuellement, contre 15 % en Italie et 20 % en Espagne. En Israël c’est même 90 % des eaux usées qui sont réutilisées !
Pourquoi une telle situation ? En partie pour des raisons culturelles. D’une part nous avons trop longtemps considéré l’eau comme une ressource « infinie ». D’autre part, ce retard est lié à une réglementation trop stricte qui autorise peu d’usages pour l’eau de REUT, essentiellement pour des raisons sanitaires.
Dans un article, Florence Chahid-Nourai, directrice grands projets à Icade, affirmait ainsi en 2022 : « Nous voulons aller plus loin que les législations sanitaires, nous sommes actuellement en discussion avec l’État pour obtenir l’autorisation de la mise en place de ces solutions. »
Une réglementation REUT en pleine transformation
Depuis 2022, les choses ont heureusement évolué. Pour commencer, une réglementation européenne est entrée en vigueur au 26 juin 2023.
Ensuite, afin de rattraper son retard dans le domaine et dans le contexte du plan Eau, la France a récemment amorcé une transformation des règles en matière de REUT. Le but affiché est clair : atteindre les 10 % de REUT d’ici 2030.
Le 30 août 2023, un premier décret a ainsi été signé afin de simplifier les procédures de REUT pour les usages non domestiques.
En décembre, plusieurs, nouveaux décrets et arrêtés ont également été publiés :
- Irrigation agricole : Arrêté du 14 décembre 2023.
- Arrosage des espaces verts : Arrêté du 18 décembre 2023.
- Utilisation d’eaux impropres à la consommation humaine (EICH) pour des usages domestiques : arrêté du 19 décembre 2023
Le dernier décret en date a été publié le 24 janvier 2024. Il concerne les eaux réutilisées dans les entreprises du secteur alimentaire. Il aborde notamment diverses dispositions relatives à la sécurité sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine.
Enfin, un prochain décret est attendu plus tard cette année concernant les usages urbains.
[1] Les opérateurs immobiliers en charge de la construction du Lot D du village des Athlètes
[2] La société de livraison des ouvrages olympiques
[3] Avec F-Reg, Qista et La compagnie du paysage
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