Jamais administrateur temporaire n’aura tenu le poste aussi longtemps. En effet, Robert M. Lightfoot Jr., administrateur associé, assure l’intérim à la tête de la Nasa depuis le 20 janvier 2017, date d’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, après la démission de Charles F. Bolden Jr* .
Son successeur, Jim Bridenstine vient enfin d’être nommé. Il lui reste encore à être adoubé par le Sénat.
Mais qui est Jim Bridenstine ?
A 42 ans, Jim Bridenstine est un membre du parti Républicain, membre de la Chambre des Représentants pour l’Oklahoma depuis 2013. Diplômé de la Rice University (Texas) avec des dominantes en économie, psychologie et commerce, il est aussi titulaire d’un MBA de la Cornell University (Etat de New-York). Actif pendant neuf ans comme pilote de l’US Navy, il a ensuite occupé le poste de directeur exécutif du Musée de l’air et de l’espace de Tusla en Oklahoma entre 2008 et 2010. Son intérêt pour l’espace s’est surtout manifesté durant son mandat politique avec des responsabilités au sein de la commission des Forces armées et de la commission de la Science, de l’Espace et de la Technologie de la Chambre des Représentants.
En 2016, il a soumis un projet de loi baptisé American Space Renaissance Act dans lequel les grandes lignes de sa vision de la politique spatiale américaine pour les 20 prochaines années transparaît. Il l’avoue lui-même en février 2017 ce projet de loi ne visait pas à être adopté tel quel mais à créer le débat autour de ces sujets et à voir un certain nombre de ses propositions intégrées dans d’autres législations.
Ceux qui s’inquiètent…
Dès cette nomination, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer l’arrivée de la politique au sein de l’agence spatiale. Ainsi, le sénateur démocrate Bill Nelson et le sénateur républicain Marco Rubio estiment que la Nasa doit être dirigée par un professionnel de l’espace, pas par un politicien. En effet, ce serait la première fois que la Nasa admettrait à sa tête un membre actif du Congrès. Mais ce ne serait cependant pas la première fois qu’un homme sans bagage « spatial ou scientifique » arriverait à ce poste. Les critiques les plus virulentes sont venues de scientifiques ou de défenseurs de l’environnement en raison des positions climato-sceptiques de Jim Bridenstine. Certains craignent en effet qu’une partie des activités scientifiques de la Nasa, notamment les activités sciences de la Terre et du Climat ne soient délaissées. Pour autant si la position climato-sceptique affirmée de Bridenstine ne peut être remise en cause, elle est à nuancer. En effet, il est loin d’être totalement indifférent aux questions climatiques et environnementales. Il écrit d’ailleurs dans ses réponses au questionnaire soumis par le Sénat avant son audition de confirmation : « la NASA doit continuer à étudier notre planète. Malheureusement, les sciences de la Terre entrent parfois en conflit avec les sciences des autres planètes pour les ressources à allouer […] La Nasa doit continuer à avancer sur ces questions, pour le bien-être de l’humanité ». Un intérêt pour le soutien aux sciences de la Terre que confirme aussi Antonio Busalacchi, président de la University Corporation for Atmospheric Research (organisation qui coordonne les recherches de plusieurs institutions ou agences dans le domaine) qui explique que « sa profonde connaissance de l’importance d’améliorer les prévisions météorologique pour l’économie américaine et la sécurité nationale autant que pour protéger les biens et les hommes » sont appréciées. Antonio Busalacchi reste néanmoins attentiste et n’apportera un total soutien à cette candidature qu’après avoir jugé sur pièces.
Et ceux qui applaudissent
Mais ces quelques voix semblent assez minoritaires face aux principaux responsables du secteur aérospatial qui ont officiellement approuvé cette nomination. Ainsi parmi les soutiens à Jim Bridenstine on peut trouver : Mike Gold, le président de la commission consultative sur le transport spatial commercial de la FAA (Federal Aviation administration) et vice-président de Space Systems Loral, un constructeur de satellites américain, Tom Zelibor, chef exécutif de la Space Foundation (une organisation qui regroupe les principales entreprises du secteur aérospatial américain), de Walter Scott, fondateur de DigitalGlobe, société spécialisée dans l’imagerie spatiale ou encore de la fédération des vols spatiaux commerciaux via la parole de son président Eric Stallmer et de son président du conseil d’administration Alan Stern (planétologue et astronome américain notamment en charge de la mission New Horizon vers Pluton). Au niveau politique, il a le soutien de membres influents comme les sénateurs républicains du Texas Ted Cruz et Lamar Smith ou plus récemment de Richard Shelby (Alabama).
Changements en vue ?
Jim Bridenstine semble déterminé à fixer le cap des objectifs de la Nasa sur le long terme pour « maintenir consistance et constance » dans ses missions et ce grâce à un agenda consensuel qui contenterait toutes les branches d’activité de l’agence. Il insiste sur la nécessité de poursuivre les partenariats internationaux et d’en construire de nouveaux mais précise qu’il faut pouvoir arrêter la dépendance à des nations qui ne seraient pas amicales pour éviter d’être vulnérable. Par ailleurs, il estime essentiel d’intégrer les nouvelles entreprises spatiales et les anciennes pour améliorer l’efficacité de la Nasa et préserver ses ressources financières. Il est en accord avec ce qui a déjà été proposé au niveau budgétaire concernant un passage en revue des solutions possibles pour gérer les débris spatiaux et pour développer un plan post-ISS afin d’éviter de préserver l’existence d’une plateforme spatiale en basse orbite terrestre.
Fervent défenseur du retour de l’homme (américain) sur la Lune, c’est pour lui un premier pas nécessaire avant d’envisager Mars ou au-delà. En toute cohérence avec cette approche, il soutient la conception du SLS (Space Launch System) et d’Orion, le coûteux nouveau lanceur lourd américain et le vaisseau spatial qu’il doit lancer pour embarquer des astronautes au-delà de l’orbite basse (vers la Lune notamment).
Maintenir la pré-éminence des Etats-Unis dans l’Espace, conquérir de nouveaux lieux, explorer (exploiter) l’espace… Son discours est empreint de cette emphase grandiloquente qui habite la plupart du temps les politiciens américains lorsqu’il s’agit du spatial. Mais en version très pragmatique et capitaliste, la création d’un véritable marché de l’espace tant touristique que pour l’exploitation de ses richesses (minerais ou source d’énergie) par exemple est au cœur des ses préoccupations et la privatisation de certains services actuellement fournis par la Nasa semble inéluctable.
*il est d’usage que l’administrateur de la Nasa quitte son poste lors d’un changement de Président
Par Sophie Hoguin
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