Pourquoi je crois au potentiel du jatropha pour régler le problème de l'offre énergétique mondiale... mais sans sous-estimer les obstacles qu'il va falloir surmonter.
Les nombreuses qualités du jatropha en font un très bon candidat comme biocarburant. Il est résistant à la sécheresse et s’adapte aux sols à faible rendement. C’est un gros avantage car il peut ainsi être cultivé sur des terres impropres à toute autre forme de culture. Les terres les plus propices sont celles en phase d’appauvrissement ou de désertification. Or la désertification est un problème majeur à travers le monde, causé par la surexploitation de terres arides.Des techniques existent pour combattre celle-ci, notamment la plantation de plantes capables de former un socle qui empêche le sol d’être érodé par le vent. Mais il faut que les paysans locaux soient incités à les cultiver. La candidate idéale serait une plante comestible qui répare en même temps le sol. Viennent ensuite les plantes qui peuvent être transformées en carburant – pour rentabiliser la culture – tout en étant bénéfique au sol. Le jatropha curcas est de celles-là.
Comparaison avec l’huile de palme
Où le jatropha peut-il être utilisé à cette fin ? Observez le graphique ci-dessous. Sa zone de plantation est proche de celle du palmier à huile d’Afrique.Il est vrai que le palmier à huile d’Afrique, dont est tiré l’huile de palme, produit beaucoup plus d’huile que le jatropha. En réalité, les rendements d’huile de palme – pouvant atteindre 5 tonnes métriques par hectare – placent le palmier à huile d’Afrique en tête des cultures les plus riches en lipides dans le monde, en terme de productivité. Mais l’huile de palme présente des inconvénients majeurs. Tout d’abord, les terres propres à la culture du palmier à huile d’Afrique forment une bande étroite près de l’équateur. Si la situation est idéale pour la Malaisie, l’Indonésie ou la Thaïlande, où les fermiers profitent de ces cultures de rente, l’Inde et la majeure partie de l’Afrique sont impropres à cette culture.
Plus grave est le fait que l’expansion des plantations de palmier à huile, pour répondre à la demande de biocarburant en Occident, a eu des conséquences dramatiques dans de nombreux pays tropicaux autour de l’équateur. Dans certains endroits, cette expansion a entraîné de graves dégâts pour l’environnement, comme la déforestation de la forêt tropicale. Les forêts tropicales absorbent en effet le dioxyde de carbone et réduisent les émissions de gaz à effet de serre. Du fait de la destruction des tourbières en Indonésie, remplacées par des plantations de palmiers à huile, le pays est devenu le troisième plus gros émetteur mondial de gaz à effet de serre.Davantage de terres étant propres à la culture du jatropha dans le monde, celui-ci pourrait réduire la pauvreté en Afrique, en Inde et dans de nombreux pays pauvres, en procurant des cultures rentables aux fermiers. D’autre part, le jatropha peut contribuer à réduire la déforestation au fur et à mesure que les gros producteurs se tourneront vers cette culture plutôt qu’une autre.
Revenons sur terre
Jusqu’ici, cet article laisse à entendre que le jatropha est la solution miracle pour résoudre les problèmes de dépendance aux carburants fossiles. Hélas, il n’y a pas de miracle. Attention au battage médiatique.Ainsi que je l’ai écrit dans un article sur mon voyage en Inde, comme toute autre source d’énergie, le jatropha a des inconvénients. Premièrement, il est toxique pour les hommes et le bétail. Ainsi que je l’ai signalé dans un autre article, le gouvernement australien a interdit en 2006 le jatropha, au motif qu’il est une plante invasive. Deuxièmement, comme il n’est pas domestiqué, les rendements sont très variables et les fruits mûrissent à plus ou moins longue échéance. Troisièmement, la récolte des fruits et l’extraction de l’huile demandent beaucoup de travail. Enfin, s’il peut être cultivé sur des terres à faible rendement, il nécessite une infrastructure logistique pour le rendre économiquement viable. La plupart des terres à faible rendement dans le monde ne disposent pas de telles infrastructures. Lorsque j’étais en Inde l’an dernier, j’ai vu de grandes bandes de terre à la lisière du désert qui pourraient être utilisées pour cultiver du jatropha. Le problème est que ces espaces sont très isolés et dépourvus d’infrastructures.L’origine de beaucoup de difficultés est le fait que le jatropha est encore une plante sauvage. La reproduction sélective ou le génie génétique peuvent résoudre de nombreux problèmes. Le jatropha commençant tout juste à être pris au sérieux, une phase d’apprentissage est nécessaire. Des recherches génétiques sérieuses sont indispensables, de pair avec un gros effort de sélectivité. Nous avons besoin d’un nouveau Luther Burbanks pour travailler sur ce problème. De cette façon, le jatropha pourrait un jour rattraper la légende.
Ressources supplémentaires :
Il existe de nombreuses ressources sur le jatropha. En voici une sélection : The Jatropha SystemJatropha Comes to Florida (une vidéo de 3 minutes du Time Magazine)Jatropha Potential for HaitiChhattisgarh plants 100 million jatropha saplings in 3 yrsMali’s Farmers Discover a Weed’s Potential PowerToxic jatropha not magic biofuel crop, experts warnYield Per Hectare of Various Lipid ProducersUP to cultivate Jatropha for bio-diesel production
Robert Rapier est directeur ingénierie chez Accsys Technologies PLC et anime le blog R-Squared Energy Blog
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