Neuf entreprises nippones ont le projet de construire une centrale géothermique de 270 MW dans la préfecture de Fukushima au Japon. Le gouvernement a décidé de mettre en place dès juillet 2012 un cadre réglementaire favorable aux énergies renouvelables permettant d’attirer les investisseurs.
Situé sur la « ceinture de feu » du Pacifique, le Japon est avec les USA, le Mexique et l’Indonésie l’un des pays jouissant du plus grand potentiel géothermique au monde. Le pays, secoué régulièrement par des séismes qui dégénèrent parfois en redoutables tsunamis, compte 200 volcans et pas moins de 28 000 sources géothermales. Mais jusqu’à présent le pays n’a que très peu exploité ce potentiel pour produire de l’électricité, les autorités ayant préféré développer opter pour le nucléaire. La puissance géothermique installée n’est que de 0,5 GW, et aucune nouvelle centrale n’a été construite depuis celle d’Hachijojima en 1999. Cette situation est d’autant plus paradoxale que les deux tiers des turbines pour centrales géothermiques dans le monde sont produites par trois entreprises japonaises, Fuji, Toshiba et Mitsubishi.
Les sources géothermales japonaises inondent des chaînes hôtelières spécialisées dans le thermalisme, une activité qui fait partie de la culture japonaise. Jusqu’à présent, les représentants de l’industrie touristique se sont opposés aux projets électro-géothermiques, car ils craignaient un appauvrissement du gisement dont ils tirent profit.
« se fixer un objectif de société qui ne dépend pas du nucléaire »
L’accident nucléaire de Fukushima et la contamination radioactive de l’environnement, pas vraiment bénéfiques pour l’attractivité touristique du pays, ont changé l’équation et aujourd’hui plus de quatre japonais sur cinq sont opposés au nucléaire selon les enquêtes d’opinion réalisées dans le pays. Le premier ministre japonais, Naoto Kan, dans un discours historique concernant la politique énergétique du pays, a déclaré que « considérant les risques énormes associés à un accident nucléaire, j’ai pris conscience que cette technologie ne peut pas être contrôlée par des mesures de sécurité conventionnelles. J’ai ainsi compris que le Japon doit se fixer un objectif de société qui ne dépend pas du nucléaire, en sortant de cette technologie, étape par étape. » Le gouvernement central a décidé de mettre en place dès juillet 2012 un cadre réglementaire favorable aux énergies renouvelables permettant d’attirer les investisseurs, et autorise à présent les forages géothermiques au sein des parcs nationaux.
Ce nouvel environnement réglementaire japonais est le plus attractif au monde, et les analystes estiment que l’archipel va connaître un développement très important des filières renouvelables. C’est dans ce contexte qu’un consortium d’entreprises nippones s’est formé pour lancer un premier méga-projet géothermique au sein du parc national Bandai-Asahi qui comprend trois volcans actifs, consortium dont font notamment parti les entreprises Mitsubishi, Sumitomo, Japan Petroleum Exploration, Mitsui Oil Exploration et Idemitsu Kosan. Il reviendra au gouverneur de la préfecture de Fukushima de trancher concernant l’autorisation administrative définitive du projet. Un comité de réflexion regroupant les différentes parties prenantes a été constitué par les autorités locales. Si le projet est approuvé, la phase d’exploration par forage durera environ quatre ans, afin d’identifier le site le plus favorable pour l’implantation de la centrale. Une partie des 100 millions de dollars alloués par le gouvernement central japonais en faveur de la R&D dans le domaine géothermique pourrait être utilisé pour financer partiellement le projet. La mise en service de la centrale est prévue pour 2020.
Un potentiel géothermique très élevé
Contrairement à l’éolien et au solaire dont le potentiel au pays du soleil levant est également considérable mais qui nécessitent de faire appel à des outils de flexibilité comme l’hydro modulable, les batteries ou le stockage hydrogène pour adapter l’offre à la demande, la production électro-géothermique est modulable à volonté et disponible 24H sur 24, 365 jours sur 365. En recourant aux technologies classiques, il est possible d’installer 80 GW de centrales géothermiques au Japon selon l’Earth Policy Institute, un think tank basé à Washington et fondé par Lester Brown, expert du développement durable de renommée internationale. C’est équivalent à la puissance d’environ 80 réacteurs nucléaires. Mais en recourant aux technologies les plus modernes (Enhanced Geothermal Systems, EGS), technologies qui ont notamment fait leurs preuves aux Etas-Unis, le potentiel géothermique japonais est encore bien plus élevé.
Selon la synthèse de la littérature scientifique mondiale réalisée par le GIEC dans son rapport sur les énergies renouvelables (SRREN, 2011), le potentiel théorique de la géothermie est fabuleux à l’échelle mondiale : 12600 milliards d’ExaJoules (1 EJ = 278 TWh) sont stockés dans le globe terrestre, comme dans un thermos à café géant, dont 5,4 milliards d’EJ au niveau de la croûte terrestre. Pour avoir un ordre de grandeur, la France produit chaque année environ 2 EJ d’électricité, soit environ 3% de la production électrique mondiale. Le potentiel technique, c’est-à-dire l’énergie concrètement exploitable avec les technologies actuelles, est en réalité bien inférieur au potentiel théorique et est estimé par les experts, selon les différentes hypothèses retenues, entre 118 et 1109 EJ électriques, ce qui reste loin d’être négligeable.
La chaleur géothermique résulte de la désintégration nucléaire naturelle d’isotopes au sein de la planète Terre, principalement d’uranium, de thorium et de potassium. Cette chaleur est à l’origine de l’activité interne de la planète Terre et s’échappe par bouffées, profitant de zones de faiblesse au niveau de la croûte terrestre. Résultant d’un séisme sous-marin, le tsunami qui a provoqué l’accident à la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi a ainsi une origine… nucléaire. Tirer profit de la chaleur libérée par cette méga-centrale nucléaire terrestre 100% naturelle est peut-être une approche plus judicieuse que celle qui consiste à construire des centrales nucléaires artificielles sur un archipel très vulnérable aux activités volcaniques, sismiques et tsunamiques.
Par Olivier Danielo
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