Pour ce second article de notre dossier « Tout le monde peut faire rayonner l’industrie française », nous avons interrogé Sophie Bénard, directrice de participations chez ISALT.
Avec sa formation d’ingénieur CentraleSupélec et un executive MBA de HEC, Sophie Bénard associe expertise technique et vision stratégique.
Avant de travailler chez ISALT, qui est un investisseur, elle a participé à des projets industriels de fort contenu technologique.
ISALT est un investisseur à part, engagé dans la croissance durable et dont l’objectif est de contribuer au financement des entreprises françaises sur le long terme.
Techniques de l’ingénieur : Vous avez une formation d’ingénieur. Qu’est-ce qui vous a poussé à explorer l’autre côté de la barrière ?
Sophie Bénard : Avant de rejoindre ISALT, j’ai travaillé dans l’industrie et l’innovation, en tant que consultante chez Avencore, puis avec une dimension plus entrepreneuriale chez Innovafeed et chez Woodoo. Au cours de ces expériences opérationnelles, j’ai pu constater à quel point il est capital que la trajectoire d’entreprise et les choix stratégiques de développement soient alignés avec la trajectoire de financement.
J’ai alors découvert que la finance et l’industrie devaient apprendre à se parler. En rejoignant ISALT, j’ai eu l’opportunité de jouer ce rôle de passeur entre la finance et l’innovation industrielle, c’est ce qui m’a convaincue.
Historiquement ISALT soutient de grandes entreprises, qui sont des champions français établis. Mais nous voulons aussi aider des champions en devenir à émerger et opérer leur passage à l’échelle.
Il faut savoir qu’en France, nous avons beaucoup d’entreprises performantes sur le volet technique et technologique. En revanche il y a un vrai enjeu sur le passage à l’échelle industrielle et commerciale : il faut aider ces entreprises à trouver les ressources leur permettant de le faire en France pour valoriser le potentiel de ces entreprises.
Pourquoi les pépites françaises ont-elles du mal à passer à l’échelle ?
D’après le rapport Draghi, 30 % des licornes créées en Europe entre 2008 et 2021 ont déménagé leur siège, principalement pour aller aux États-Unis. Selon Mario Draghi, deux raisons l’expliquent : le manque d’harmonisation réglementaire et normative entre les pays, et le financement de l’innovation encore trop faible.
C’est pour répondre à ce besoin d’investir durablement dans des entreprises françaises innovantes qu’ISALT a été créé, leur permettant de grandir et de se transformer. Le passage à l’échelle requiert des moyens conséquents, pour prendre le relais après des phases d’amorçage.
Comment ISALT peut-il aider les futurs champions français ?
ISALT s’inscrit dans le long terme ; d’ailleurs l’acronyme signifie « Investissements stratégiques en actions à long terme ».
Nous voulons valoriser l’investissement dans de nouveaux objets financiers et accompagner les investisseurs institutionnels dans cette démarche engagée de long terme. Par exemple, nous avons créé un Fonds Stratégique des Transitions (FST), un véhicule d’investissement de long terme destiné à accompagner le passage à l’échelle industrielle de PME et ETI françaises d’innovation. Avec ce fonds, nous aidons les entreprises à s’implanter localement, à construire leurs usines, à renforcer leurs équipes et à nouer des partenariats industriels et commerciaux.
Mais les projets que nous sélectionnons doivent aussi répondre à certains critères de durabilité, car le fonds souhaite accompagner les transitions au sens large : environnementales, sociétales et technologiques. Les sociétés que nous accompagnons s’engagent notamment à une trajectoire alignée avec les Accords de Paris (limitation du réchauffement climatique à 1,5°C).
ISALT s’intéresse ainsi à quatre secteurs stratégiques : énergies alternatives, industrie décarbonée, qualité de vie et innovation technologique. Mon rôle est d’aider ISALT à identifier et sélectionner les bons projets et à les aider dans leur trajectoire de croissance.
L’industrie fait partie de vos secteurs stratégiques. Est-ce un levier de décarbonation important ?
La nouvelle industrie est porteuse de nombreux bénéfices. D’abord, sur le plan environnemental : qui dit nouvelle industrie, dit nouvelles technologies. Les entreprises que nous finançons mettent en place des processus industriels et technologiques qui tendent à réduire sensiblement l’impact carbone de leurs activités. Nous nous intéressons également à des entreprises natives de la décarbonation. C’est le cas des ENR (producteurs d’énergies décarbonées, éolien, solaire, nucléaire…) qui apportent une solution de décarbonation directe à l’industrie. Produire en France signifie alors produire de manière plus raisonnée et plus vertueuse !
Sur le plan sociétal et social, l’industrie crée des emplois porteurs de sens, dans nos territoires. Chez ISALT, nous évaluons d’ailleurs l’impact de nos participations en matière d’emploi département par département, car cela contribue à un maillage de l’emploi dans des territoires qui ont des savoir-faire déjà bien ancrés.
Faut-il choisir entre des modes de financement « bons pour la planète » ou « bons en termes de rendement » ?
Chez ISALT, nous voulons démontrer qu’il est possible d’allier investissement durable, et rentabilité. Nous sommes convaincus que la réussite des projets sur le long terme dépend d’une logique vertueuse sur le plan RSE.
Avec les projets de long terme, il faut peut-être attendre dix ans avant de voir les résultats, ce qui est une autre manière d’appréhender le financement.
Dans le monde de demain, il est capital de mettre son énergie dans des projets qui contribuent à un futur désirable. C’est ce que fait ISALT : avancer dans une boucle vertueuse pour continuer à faire émerger des pépites qui feront la fierté de la France. Nous espérons continuer dans cette dynamique et remercions nos partenaires de nous faire confiance !
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