Le deal
L’accord sur le nucléaire iranien a été conclu en juillet 2015 et est entré en vigueur en janvier 2016. Il prévoit un abandon du programme nucléaire militaire iranien et une réduction de la capacité de production et de stockage de matières fossiles du pays, en échange d’une levée progressive des sanctions économiques. Ainsi, le nombre de centrifugeuses opérationnelles autorisées a été fixé à 5 060 (contre environ 19 000 avant l’accord) et doivent être de 1ère génération (IR-1), les centrifugeuses IR-2M devant être placées sous contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Elles ne pourront enrichir l’uranium à un taux supérieur à 3,67 %. Pour rappel, un taux compris entre 3,5 et 5% permet de produire du combustible nucléaire, 20 % pour un usage médical et 90 % pour une bombe nucléaire. Le stock d’uranium faiblement enrichi de l’Iran devait passer de 10 000 à 300 kg, pour une durée de 15 ans, afin d’éviter tout détournement à d’autres fins.
Le réacteur à eau lourde d’Arak doit être modifié de façon à ne pas pouvoir produire de plutonium de qualité militaire. Les déchets produits seront envoyés à l’étranger pendant toute la durée de vie du réacteur. Aucun autre réacteur de ce type ne pourra être construit dans le pays.
Enfin, des inspecteurs de l’AIEA ont désormais accès à l’ensemble la filière nucléaire iranienne, de l’extraction d’uranium à la recherche-développement, en passant par la conversion et l’enrichissement d’uranium. En cas de soupçons d’activités nucléaires illégales, les inspecteurs doivent avoir un accès limité à des sites non nucléaires, notamment militaires.
Selon l’AIEA, qui s’est fendu d’un communiqué suite à l’annonce de Donald Trump, les inspecteurs nucléaires ont eu accès à tous les sites qu’ils souhaitaient visiter. Et d’ajouter que « l’Iran fait l’objet aujourd’hui du régime de vérification nucléaire le plus robuste du monde ».
Incertitudes
En ne certifiant pas l’accord, Donald Trump reste dans la droite ligne de son discours de campagne, qui considérait alors que ce deal était « le pire accord signé par les Etats-Unis ». Or, le Président américain a déjà certifié à deux reprises cet accord : en avril et en juillet dernier. Cela s’explique par l’obligation légale qui lui est faite d’assurer le Congrès de son approbation tous les 3 mois. La troisième certification n’a donc pas eu lieu, et Donald Trump a profiter de l’occasion pour annoncer une « nouvelle » stratégie sur l’Iran qui consiste à nouveau à appliquer d’importantes sanctions économiques à Téhéran pour le dissuader « de poursuivre son influence déstabilisatrice au Moyen-Orient et son soutien au terrorisme ». Pour cela les Etats-Unis comptent « revitaliser les alliances historiques » qu’ils ont noué dans la région, notamment avec Israël et l’Arabie Saoudite, qui n’ont pas manqué d’applaudir des deux mains l’annonce de la Maison Blanche.
Les Européens aussi ont réagi en rappelant que cet accord international (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, l’Allemagne et bien sûr l’Iran) ne pouvait faire l’objet ainsi d’une rupture unilatérale, surtout si l’Iran prouve qu’il n’a pas contrevenu aux règles, et qu’une renégociation n’était pas à l’ordre du jour. Mais la capacité de nuisance américaine est suffisante en elle-même pour dissuader toute banque ou compagnie d’assurance, ayant des intérêts aux Etats-Unis, de participer à des opérations iraniennes.
Vers un nouveau risque de prolifération ?
Pour rappel, l’objectif de cet accord était d’enrayer la spirale de prolifération nucléaire qui s’annonce au Moyen-Orient. Les aspirations nucléaires de l’Iran ont fortement inquiété les monarchies du Golfe, qui y ont vu un signe belliciste, et naturellement Israël, ennemi désigné de Téhéran, et détenteur de l’arme atomique. Un Iran nucléarisé ne manquera pas de pousser les autres puissances de la région, à commencer par l’Arabie Saoudite, à se doter de l’arme nucléaire pour rééquilibrer les rapports de force. Une prolifération que le conseil de sécurité des Nations-Unis ne veut à aucun prix.
L’accord nucléaire avec l’Iran devait ouvrir une voie médiane en offrant à l’Iran une aide pour son programme nucléaire civil et une levée des sanctions, contre l’abandon de toute velléité militaire dans ce domaine. Le refus de Trump de certifier à nouveau l’accord n’est donc pas à prendre à la légère. Il créé une période d’incertitude à laquelle le Congrès américain sera amené à mettre fin, au moins partiellement. Il devra choisir dans les deux mois de réappliquer ou pas les sanctions en vigueur avant la signature de l’accord. Sans l’approbation des Etats-Unis, la possibilité de voir l’accord devenir caduc grandit, et le risque de prolifération nucléaire aussi.
Romain Chicheportiche
Dans l'actualité
- L’Inde : partenaire privilégié de l’Iran ?
- Iran : Vers un changement de paradigme pétrolier ?
- L’UE s’oriente vers la levée des sanctions contre l’Iran après l’accord sur le nucléaire
- Foire du pétrole en Iran, en quête d’investisseurs étrangers
- Les enjeux géopolitiques du référendum kurde
- Pourquoi le Qatar a-t-il été blacklisté ?
- La réforme fiscale de Trump vise les renouvelables et protège les hydrocarbures
- Réponse à la taxe anti-solaire de Trump : la Chine construit une énorme usine de panneaux photovoltaïques en Inde
- L’Autorité de sûreté nucléaire met en garde contre la perte de compétences
- Déchets nucléaires : le débat public est lancé
Dans les ressources documentaires