Pour se déplacer sur le tarmac des aéroports, les avions utilisent leurs moteurs à réaction, alors qu’ils ne sont pas adaptés à cet usage. Comparée à la puissance nécessaire pour faire décoller les aéronefs, seule une toute petite partie de celle-ci est utilisée au sol. Les moteurs de poussée fonctionnent donc à bas régime, ce qui provoque d’importantes pertes d’énergie. Face à cette problématique, la solution pourrait venir de l’intégration d’un moteur électrique dans chaque train d’atterrissage et qui servirait uniquement pendant les phases de taxiage.
De 2012 à 2015, dans le cadre du programme de recherche aéronautique Clean Sky, un premier projet européen (SOG PEERS) avait démontré la faisabilité technique d’un tel dispositif. Un second, baptisé SUNSET, lui a embrayé le pas, afin de mettre au point un des équipements nécessaires au système, et comprenant entre autres des batteries. Porté par Centum T&S (ex-Adeneo), une SRC (Société de Recherche sous Contrat) spécialisée dans le développement de solutions électroniques et de systèmes embarqués innovants, ce projet est financé dans le cadre de Clean Sky II.
« L’application cible les avions court-courriers, c’est-à-dire ceux qui effectuent entre 8 et 10 vols quotidiens, explique Xavier Benoit, vice-président en charge de l’innovation à Centum T&S. En Europe, ce sont ceux qui desservent plusieurs capitales, et qui partent d’un bout du continent pour rejoindre l’autre, avant de revenir dans l’autre sens. Ils passent en moyenne environ 2,3 heures par jour à circuler au sol, et leur consommation peut grimper jusqu’à 13 kg de kérosène par minute. Installer un système électrique pour faire circuler au sol ces aéronefs pourrait leur permettre d’économiser plus de 3 % de carburant. »
Le principe général de ce dispositif repose sur l’installation d’un moteur électrique dans chaque train d’atterrissage et alimenté en électricité par l’APU (Auxiliary Power Unit, ou groupe auxiliaire de puissance). Il s’agit d’un moteur déjà présent dans le cône de queue des avions et qui sert à produire de l’énergie pour alimenter au sol les différents systèmes de bord des aéronefs, lorsque les moteurs principaux sont à l’arrêt. Sauf que sa puissance est trop faible pour faire déplacer les avions au sol ; ceux-ci pèsent environ 40 tonnes à vide et jusqu’à 78 tonnes à plein.
Les batteries délivreront une puissance d’environ 35 kW
Pour pallier cette difficulté, l’idée est donc d’installer des batteries dans les soutes de l’avion, qui auront pour fonction d’accumuler cette énergie, puis de délivrer une puissance de l’ordre de 35 kW. « Nous avons développé un convertisseur de puissance bidirectionnel, de haute densité énergétique, associé à une réserve d’énergie. Il stocke l’énergie provenant de l’APU, puis la met à disposition du convertisseur qui active le moteur de la roue », ajoute Xavier Benoit.
Ce système permettra aussi de freiner en électrique lors des déplacements au sol. Il permettra ainsi d’économiser les freins en carbone de l’avion, qui sont davantage adaptés au freinage lors des phases d’atterrissage, c’est-à-dire à haute vitesse et haute température. Il limitera aussi la pollution liée à l’usage de ces freins qui génère de la poussière et des microparticules. « L’énergie de freinage permettra également de recharger les batteries », complète Xavier Benoit.
À l’origine, le projet SUNSET s’était fixé l’objectif très ambitieux de concevoir l’ensemble de ce dispositif, comprenant les batteries ainsi que les différents équipements électriques annexes, avec une contrainte de poids limité à 40 kg. Mais faute de disponibilité des cellules de stockage initialement prévues, qui ne sont pas accessibles au marché aéronautique, car phagocytées par celui de l’automobile, les ingénieurs ont dû se tourner vers une autre solution de batterie. De ce fait, la quantité d’énergie stockée est 3,5 fois supérieure à celle envisagée au départ et l’ensemble de ce pack pèse 80 kg.
« Au-delà de cette difficulté, l’important pour nous est d’avoir démontré que tout le reste de l’équipement est opérationnel, déclare Xavier Benoit. Les cellules de batteries évoluent très vite, et demain, nous pourrons en sélectionner de nouvelles, puis les intégrer à notre équipement. » Ce démonstrateur a fait l’objet de plusieurs tests sur un banc d’essai de Safran, comprenant notamment des phases représentatives d’un vol. En termes de maturité technologique, il correspond à un TRL (Technology Readiness Level) de niveau 5+ sur un total de 9.
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