[AFP] L'Assemblée nationale a voté jeudi, contre l'avis du gouvernement, l'interdiction à compter de janvier 2016 des produits phytosanitaires de la famille des néonicotinoïdes, réputés toxiques notamment pour les abeilles, via un amendement des socialistes Gérard Bapt et Delphine Batho.
A la suite de l’action menée par la France pour que l’Union européenne interdise le Cruiser OSR sur le colza, la Commission européenne a restreint l’utilisation de trois substances actives de la famille des néonicotinoïdes, rappelle l’exposé de l’amendement.
Malgré ces avancées, cinq molécules restent actuellement autorisées en France (imidaclopride, thiaclopride, clothianidine, thiaméthoxame et acétamipride) et présentent une toxicité aigüe, notamment pour les abeilles.
Pour protéger la santé humaine et la biodiversité, et particulièrement les abeilles, l’environnement et la santé, il est proposé de prolonger l’action de la France en interdisant ces substances.
L’interdiction vise toute la famille des néocotinoïdes pour éviter que l’industrie ne substitue des produits cousins après le retrait d’un produit précis, selon M. Bapt.
Appelant à « entendre le cri d’alarme des apiculteurs » vu la mortalité actuelle massive des abeilles, par exemple dans le département des Deux-Sèvres, l’ancienne ministre de l’Ecologie Mme Batho a souhaité que la France, qui a été pionnière avec le Cruiser, fasse avec tous les néonicotinoïdes « un moratoire » du même type qu’avec le maïs OGM.
L’élu socialiste de Haute-Garonne M. Bapt, médecin de profession, a longuement plaidé pour l’interdiction de produits au « succès commercial mondial » mais aux effets toxiques scientifiquement prouvés, selon lui, à la fois sur les insectes pollinisateurs mais aussi sur les sols, l’eau, et sur la santé humaine.
Ces néonicotinoïdes sont « neurotoxiques de 500 à 10.000 fois plus que le DDT, qui est interdit » et « il n’y a pas un seul repas où nous n’en consommons pas tous les jours », a-t-il lancé. « Au Moyen-Age, on aurait appelé ça un nouveau fléau de Dieu », a dit M. Bapt.
Défavorable à la mesure, au motif notamment que « le cadre européen ne permet pas une interdiction stricte », la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal a souligné le travail engagé par le gouvernement en matière de pesticides, y compris le plan sur la sauvegarde des pollinisateurs sauvages et des abeilles, et les discussions au niveau européen.
Mais le pesticide Poncho n’était pas interdit dans tous les pays européens lorsque la France l’a interdit, idem lorsque la France a été « en avance sur l’interdiction des biberons contenant du bisphénol », a argumenté M. Bapt. « L’urgence de l’interdiction s’impose » devant « un fléau durant depuis trop d’années », a appuyé l’écologiste Laurence Abeille.
Sur ces néonicotinoïdes « dévastateurs pour un certain nombre d’espèces et faisant courir un risque de santé publique », la rapporteure Geneviève Gaillard (PS) s’était montrée défavorable à « une interdiction brute », par souci d' »efficacité » et de « ne pas gêner les avancées du gouvernement », disant craindre que ces produits ne restent utilisés dans le cadre de dérogations, en l’absence d' »alternative » chimique jusqu’alors.
Ironisant à propos de la « croisade » de M. Bapt, le député UMP du Bas-Rhin Antoine Herth a jugé que les problèmes des apiculteurs étaient « multifactoriels », et insisté sur l’effet négatif d’une telle interdiction pour les agriculteurs français.
Dans sa « feuille de route » écologiste, présentée le 4 février, le gouvernement a assuré que la France mènerait « au niveau européen une action volontariste » pour que les substances néonicotinoïdes des pesticides soient réévaluées « au plus vite, en prenant en compte toutes les études concernant les effets sur les colonies d’abeilles, les pollinisateurs sauvages, la faune ».
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