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Décryptage

Innover pour mieux recycler les véhicules

Posté le par Matthieu Combe dans Entreprises et marchés

GDE, filiale française du groupe Ecore, traite l'ensemble de ses résidus post-broyage de véhicules hors d'usage sur son site de Rocquancourt, au sud de Caen. Le recycleur mise sur la R&D pour atteindre les objectifs de la filière et créer de la valeur.

Chaque année, environ 1 million de véhicules hors d’usage (VHU) sont traités en France. Ceux-ci transitent en premier lieu par l’un des 1.700 centres agréés. Les professionnels y retirent les pièces à valoriser ou traiter : pneus, batteries, fluides dangereux, pare-chocs, réservoirs, pots d’échappement… Puis, les carcasses sont envoyées vers l’un des 45 broyeurs en fonctionnement sur le territoire national.

Sur les 5 broyeurs que possède le groupe Ecore en France, 200.000 tonnes de véhicules sont broyés par an. Cela en fait le deuxième opérateur national, derrière Derichebourg. Les broyeurs sont d’énormes machines qui vont broyer les véhicules dépouillés. « Grossièrement, une apiration récupère la fraction légère : mousses, textiles, plastiques légers. Ce qui reste est la fraction lourde qui concentre des caoutchoucs, des métaux non ferreux, des minéraux et des plastiques. Un gros aimant récupère l’acier qui sera revendu aux aciéries », simplifie Nicolas Thibault, Responsable Environnement du site de Rocquancourt. « Le traitement des éléments post-broyage des véhicules hors-d’usage est un véritable défi technologique », prévient Philippe Chemineau, directeur du développement de GDE.

Grâce à ses innovations, GDE atteint un taux de réutilisation et de valorisation de 96,1% pour les VHU, contre 91% en moyenne pour la filière. C’est plus que l’objectif réglementaire de 95% qui aurait dû être atteint par toute la filière début 2015. Le recyclage atteint 83%, la valorisation sous forme énergétique en cimenterie 13,1%. Il reste 3,9% de déchets ultimes non toxiques qui rejoindront un centre de stockage de déchets non dangereux. Ils sont constitués de poussières, terres, mousses diverses, verres de textiles et de caoutchoucs. Le défi reste donc de développer des solutions pour valoriser ce gisement résiduel. L’objectif de la R&D de GDE est d’aboutir à 0% de déchets ultimes, grâce à une séparation par granulométrie la plus fine possible.  Pour y parvenir, GDE va consacrer 12,5 millions d’euros par an à la recherche et au développement.

Comment sont triés les résidus de post-broyage?

Le site de Rocquancourt réceptionne l’ensemble des résidus de broyage (RB) légers et lourds du groupe pour les trier. Les RB légers sont traités dans un bâtiment dédié. Transportés sur des tapis roulants, la matière est séparée au fur et à mesure en fonction de la granulométrie par aspiration, aimantation ou optique. « Globalement, il y a deux types de machines : celles qui vont induire une force dans la matière, comme l’induction, et celles qui vont repérer un objet et vont demander à l’éjecter. L’idée est de concentrer les flux et de travailler sur les refus pour avoir le maximum de valorisation », résume  Nicolas Thibault.

Le tri des RB légers permet de récupérer plusieurs flux : des mousses, un mix de métaux ferreux, un mix de métaux non ferreux, du bois et un mélange de plastiques lourds qui vont être redirigés vers le traitement des RB lourds. Les mousses aspirées sont broyées, dépoussiérées, puis pressées. On obtient ainsi des « pellets de mousse », un combustible solide de récupération à très haute valeur ajoutée. « Le pouvoir calorifique du produit obtenu se rapproche du charbon ou le coke de pétrole. Il peut directement être injecté à la flamme en cimenterie », assure l’ingénieur.

Les RB lourds sont traités dans un autre bâtiment. Grâce à une séparation densimétrique par flottation dynamique, puis différents criblages par tri optique, magnétique ou infra-rouge et dépoussiérage, on obtient des métaux ferreux, des plastiques et des pellets de mousse.

GDE est l’une des rares entreprises capable de trier les plastiques contenus dans les résidus de broyage. En fin de chaîne, des plastiques styréniques (polystyrène et ABS) et des polyoléphines (PP/PE) sont réduits en petits agrégats. Outre les résidus de broyage, le site trie en mono-flux le plastique des batteries, des pare-chocs et des réservoirs, extraits en amont du broyage dy VHU, et le revend à des plasturgistes. 600 tonnes de plastiques sont récupérées par mois.

Réorganiser la filière?

Les 1.700 centres pour véhicules usagés mis en place par les constructeurs en France ne collectent pas l’ensemble du gisement. Environ 150.000 tonnes de VHU disparaissent des flux officiels chaque année vers les pays transfontaliers, notamment en Belgique et en Allemagne, où les déchets peuvent être payés en liquide. Une pratique totalement interdite en France. « C’est une concurrence déloyale, source de fuite de matière, car lorsqu’un déchet est payé en cash, il n’y a pas de traçabilité », regrette Philippe Chemineau.

Pour améliorer cette traçabilité, la ministre de l’environnement Ségolène Royal, travaille sur un projet de décret visant à créer un éco-organisme agréé par l’Etat. Un décret qui pourrait entrer en consultation d’ici la fin de l’année, mais qui fait peur aux constructeurs et recycleurs. Les constructeurs devraient ajouter une éco-contribution au prix de vente des véhicules. De leur côté, les recycleurs craignent qu’il affaiblisse la rentabilité d’une filière déjà mise à mal par l’effondrement du prix des matières recyclées. Philippe Chemineau propose plutôt l’interdiction du paiement en liquide dans l’Union Européenne, l’harmonisation de la réglementation et la prise en compte des taux de valorisation des VHU dans les marchés publics.

Par Matthieu Combe, journaliste scientifique

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