Décryptage

Le modèle européen face à ses limites ?

Posté le 19 avril 2019
par Pierre Thouverez
dans Entreprises et marchés

Interview de Xavier Roy (troisième partie)
A quelques semaines des élections européennes, la question se repose: comment faire pour que l'Europe rende la France plus forte ? Quelles sont les priorités ? A quelle échelle faut-il travailler ? Souvent critiquée, l'Europe a placé l'innovation au coeur de sa politique territoriale. Troisième partie de l'interview réalisée avec Xavier Roy, Directeur Général de France Clusters.

Xavier Roy est directeur général de France Clusters, une association qui fédère pôles de compétitivité et clusters, et accompagne plus de 60 000 entreprises dans leurs démarches innovantes.

Editions Techniques de l’ingénieur: Aujourd’hui l’Europe doit impulser l’innovation dans les territoires tout en prenant en compte les spécificités de ces derniers. Comment faire?

Xavier Roy: Les discussions que nous avons avec les institutions européennes à ce niveau sont très intéressantes: la notion de région n’a pas du tout la même signification en France ou en Autriche par exemple. Il faut bien mesurer ces différences.

Prenons l’exemple des trois pôles de compétitivité de l’eau en France: Montpellier, Nancy et Orléans. Ces trois organismes ressentent très fortement le besoin de travailler ensemble pour pouvoir développer une offre «France» à l’international.

Du coup, ils ont créé une marque, France Water Team, pour, tout en gardant la spécificité de chacun de ces pôles territoriaux, avoir la possibilité de profiter de la marque «France».

E.T.I: Cette orientation territoire au niveau européen est parfois critiquée…

X.R: C’est vrai, l’Europe est très orientée sur les territoires, et ceci est très structurant pour la réflexion de nos acteurs industriels. Si cette approche peut parfois crisper, puisque la notion de territoire n’est pas la même dans tous les pays européens, il faut se dire que c’est la même chose en ce qui concerne l’innovation.

Certains pays vont avoir une vision très orientée innovation technologique, d’autre plus innovation commerciale… C’est l’Europe qui doit faire cette synthèse là, et cela fait émerger des discussions très intéressantes.

E.T.I: L’Europe est également souvent accusée de favoriser les très grandes entreprises

X.R: C’est vrai qu’aujourd’hui les règles sont plutôt écrites pour les «grands» que pour les «petits». Et il est trop compliqué pour les petits de s’adapter aux règles faites pour les grands. C’est un peu la limite de la politique européenne, quand veut appréhender les choses à la fois au niveau global et territorial.

E.T.I: Justement, ces grandes entreprises françaises leader sur leurs marchés, que doivent-elles faire pour le rester ?

X.R: Si par exemple on veut défendre la place de la cosmétique en France, qui héberge des entreprises leader au niveau mondial, il est important de ne pas être frileux sur les conditions de l’innovation. Car on ne reste pas leader mondial sans innover. Et quand on voit ce qui est débloqué pour l’innovation au niveau européen par rapport à ce qui est fait en Asie, on comprend que le défi est immense.

Nous avons besoin de «champions», de grands groupes qui sont à a fois des fleurons nationaux mais également des locomotives. Mais nous avons également besoins d’entreprises de taille intermédiaires, qui ont un potentiel différent mais bien réel : agilité, capacité à s’adapter rapidement, à faire évoluer son offre… c’est en mettant tout cela en cohérence qu’on pourra développer un écosystème global innovant et compétitif.

Propos recueillis par Pierre Thouverez


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