Face à la nécessité de réduire leur impact sur l'environnement, de nombreuses entreprises recherchent des experts de la performance énergétique. Sérine Nefzi, ingénieure en efficacité énergétique à l'université de Nantes, nous parle de son métier.
Le réchauffement climatique de la planète est aujourd’hui devenu une préoccupation majeure. Face au durcissement de la réglementation, les entreprises doivent s’engager dans une stratégie de réduction de leur empreinte carbone. Elles sont donc de plus en plus nombreuses à la recherche de spécialistes de la performance énergétique. Depuis 2014, Sérine Nefzi exerce la profession d’ingénieure en efficacité énergétique. Aujourd’hui, elle est responsable de la cellule efficience énergétique au sein de la direction du patrimoine immobilier à l’université de Nantes. Nous avons échangé avec elle sur son métier.
Techniques de l’Ingénieur : En quoi consiste votre métier d’ingénieure en efficacité énergétique ?
Sérine Nefzi : L’objectif principal est d’optimiser les consommations énergétiques et de baisser les émissions de gaz à effet de serre d’un parc immobilier dont j’ai la charge. La première étape consiste à analyser ces consommations à partir de l’étude des factures et aussi grâce à la connaissance des usages des bâtiments. Ce diagnostic constitue le point de départ de toute la démarche qui sera déployée pour baisser les consommations en s’appuyant notamment sur des audits énergétiques. J’interviens à la fois sur le bâti mais aussi sur l’ensemble des systèmes techniques comme les installations de chauffage, de ventilation et de climatisation ainsi que sur l’éclairage. À l’université, mon travail s’applique à un parc tertiaire comprenant des locaux d’enseignement et des laboratoires de recherche. Il peut aussi s’appliquer à l’industrie et se dupliquer à d’autres volets comme le transport et la mobilité.
Une fois cette cartographie énergétique effectuée, comment intervenez-vous ?
L’enjeu est de mettre en place une stratégie de réduction énergétique qui prend la forme d’un plan d’action identifiant le potentiel de baisse des consommations de chaque bâtiment. Je définis les moyens techniques et humains à mettre en œuvre et chiffre les coûts nécessaires au déploiement du plan d’action. Mon intervention se fait à la fois sur le bâti à travers des opérations de rénovation, comme l’isolation ou le remplacement des menuiseries, mais aussi sur le volet des systèmes comme le remplacement d’une chaufferie ou l’optimisation du fonctionnement des éclairages. Il y a aussi un aspect communication où je cherche à sensibiliser les usagers aux économies d’énergie.
Avec qui travaillez-vous ?
Ce métier ne s’exerce jamais seul et je travaille aux côtés d’un autre ingénieur et d’un technicien en génie climatique. Nous avons aussi des techniciens sur site, qui ont chacun leur spécialité, comme des plombiers, des électriciens et avec qui je collabore. Ces personnes aux profils très techniques et opérationnels assurent la maintenance de nos équipements et nous accompagnent dans la mise en place de toutes nos actions. Je suis en lien constant avec d’autres services comme celui de la construction qui pilote les opérations de construction et de rénovation. J’accompagne ce service sur l’aspect de la performance énergétique, de la phase d’études jusqu’à la réception des travaux. L’enjeu à l’issue des travaux est de venir constater en phase d’exploitation la bonne atteinte de la performance énergétique. Je suis également en lien avec le service développement durable qui nous accompagne dans les échanges avec les usagers. Nous effectuons par exemple des campagnes de sensibilisation à des gestes simples sur l’éclairage, la bureautique…
Quelles formations faut-il pour accéder à cette profession ?
Un bac+5 est nécessaire. De mon côté, j’ai une formation d’ingénieure généraliste en génie des procédés qui m’a apporté certains savoirs techniques importants sur la mécanique des fluides, la thermique et l’hydraulique. Durant cette formation, je me suis spécialisée en thermique et énergétique, ce qui m’a permis de maîtriser d’autres aspects comme les énergies renouvelables.
Je pense que l’on peut aussi accéder à ce métier à travers d’autres formations, par exemple en génie thermique et en génie énergétique des bâtiments. On peut aussi probablement y accéder grâce à des masters 2 universitaires. Je pense qu’il existe également d’autres passerelles à travers des parcours professionnalisants.
Ce métier est-il attractif sur le plan de l’employabilité et des salaires ?
Je pense que la dynamique est assez forte, car beaucoup de structures publiques et privées ont des objectifs – notamment réglementaires – à atteindre. Par exemple, sur un parc tertiaire comme le nôtre, nous devons baisser la consommation énergétique d’au moins 40 % d’ici 2030. De nombreuses structures cherchent donc à recruter un ingénieur ou un technicien en efficacité énergétique.
Concernant les salaires, nous sommes sûrement moins rémunérés que dans d’autres secteurs, et il y a des écarts entre le privé et le public. Mais je pense que beaucoup de personnes choisissent cette profession par conviction et par passion comme c’est mon cas. Je me suis engagée dans ce métier pour son utilité et pour l’impact positif qu’a mon travail sur l’environnement.
Est-ce un nouveau métier créé par l’université ?
Je crois que je suis la première ingénieure avec ce profil à intervenir sur le parc immobilier de l’université. D’une manière plus globale, je ne dirais pas qu’il s’agit d’un nouveau métier en tant que tel. Auparavant, les entreprises du secteur du bâtiment, qui engageaient des travaux de construction ou de rénovation, disposaient déjà de compétences en interne sur la performance énergétique. La nouveauté aujourd’hui est que de nombreuses autres structures ont décidé de créer ce poste à part entière, avec des personnes formées possédant une expertise et qui interviennent de manière transverse avec d’autres services.
Est-il difficile d’exercer ce métier, c’est-à-dire de maîtriser l’ensemble des connaissances pour agir sur la performance énergétique ?
Je travaille beaucoup en complémentarité avec des collègues qui ont des compétences techniques que je n’ai pas. Nous travaillons aussi fréquemment avec des bureaux d’études qui nous accompagnent sur des études comme des audits et des missions de conception. Les entreprises qui réalisent les travaux sont aussi d’un apport important. Nous sommes également en relation avec nos pairs au sein d’autres structures publiques et avec lesquels on échange sur les bonnes pratiques, notamment sur des retours d’expérience. Des organismes comme l’Ademe et le Cerema publient régulièrement de la documentation de qualité pour mettre à jour nos connaissances.
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