Le principal enjeu pour le développement de la mobilité électrique, qu’elle soit à batterie ou hydrogène, est la création d’une infrastructure de distribution. Les véhicules à batterie nécessitent une infrastructure dense de bornes de recharge. Ceux qui roulent uniquement à l’hydrogène -comme la Mirai de Toyota ou le SUV hydrogène Nexo de Hyundai- ont besoin de stations de remplissage. Pour leur part, les véhicules hybrides -ceux à batterie avec prolongateur d’autonomie hydrogène de type Renault Kangoo ZE H2- se connectent aux bornes pour les trajets courts et font le plein d’hydrogène pour les longues distances.
Moderniser les réseaux ou transporter l’hydrogène ?
Le déploiement des deux infrastructures se fera de façon parallèle, pour deux usages complémentaires et en fonction des spécificités locales. «La solution la moins chère est certainement un mix intelligent des deux infrastructures, explique Fabio Ferrari, Premier Vice-président de l’AFHYPAC. Nous menons actuellement une étude pour démontrer qu’elle serait préférable à l’option qui consisterait à déployer soit 100 % de véhicules à batterie, soit 100 % de véhicules tout hydrogèn ». L’étude en question devrait être publiée en fin d’année.
Il faut dire que chaque infrastructure a un coût. Le déploiement massif de bornes de recharge rapide nécessite en effet un renforcement et une modernisation des réseaux électriques. De son côté, la fourniture d’hydrogène doit se «verdir» pour être acceptée – en ligne avec les orientations du Plan Hulot, annoncé le 1er juin. L’hydrogène produit à partir de gaz naturel et transporté par camions doit progressivement laisser la place à un hydrogène décarboné, puis «vert» – c’est-à-dire produit à partir des énergies renouvelables, par électrolyse de l’eau. «L’option la plus intéressante à moyen terme est certainement d’installer de gros électrolyseurs sur les noeuds du réseau électrique les plus sensibles aux fluctuations des énergies renouvelables, assure Fabio Ferrari. Cela permettrait d’alléger le réseau lorsqu’il y a un pic de production tout en bénéficiant d’une électricité «verte» à moindre coût». L’idée est que l’hydrogène soit ensuite livré en bouteilles ou transporté par tubes jusqu’à la station.
Prolonger son autonomie grâce à l’hydrogène
«L’’hydrogène à la pompe produit grâce à de l’électricité sera forcément toujours plus cher que l’électricité à une borne, reconnait Fabio Ferrari. En revanche, si l’on considère l’ensemble des systèmes (hydrogène versus batterie), les coûts au kilowattheure associés à l’hydrogène sont inférieurs à ceux de la batterie».
Ceci explique que Symbio, équipementier, mise sur les deux énergies. Ses kits hydrogène permettent de doubler l’autonomie des véhicules à batterie et de faire le plein en 5 minutes seulement, pour un surcoût de 30 % maximum. L’hydrogène présente un intérêt certain, notamment pour les utilitaires sachant qu’il n’est pas possible d’augmenter indéfiniment la taille de la batterie du fait de son poids. La solution est disponible sur les Renault Kangoo ZE, et bientôt sur de nouveaux véhicules.
Des coûts hydrogène en diminution
Le véhicule électrique à batterie est, à ce jour, bien plus répandu que celui à hydrogène. 18.000 d’entre eux ont été vendus au premier semestre 2018 en France contre une poignée pour l’hydrogène. Sur le site Internet de Renault, plus de 8.000 bornes publiques sont recensées. En revanche, la France ne compte encore que 23 stations hydrogène. En cause : la différence de prix entre les deux solutions.
La situation, néanmoins, pourrait évoluer. Les stations hydrogène passent en effet de l’état de prototypes à celui de solutions produites en série. La société Nel vient ainsi d’annoncer la fourniture de 448 électrolyseurs pour un total d’un gigawatt à Nikola. Ils serviront à créer une infrastructure de stations d’hydrogène aux États-Unis pour les camions et les véhicules particuliers, à partir de 2020. Dans ces conditions, le coût des stations hydrogène baisse rapidement. «On a déjà divisé par deux le coût des stations en 5 ans : une pompe délivrant 200 kg d’hydrogène par jour coûte désormais autour de 500.000 euros», assure Fabio Ferrari. Un kilogramme d’hydrogène permet de rouler environ 100 km. Facturé en moyenne à 10 euros, l’objectif est d’arriver à un coût proche de celui du diesel, soit entre 7 et 8 euros. C’est déjà le cas dans le cadre du projet Zero Emission Valley, en Auvergne-Rhône-Alpes.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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