« Après sa labellisation par l’État en mars 2023, le pôle de compétitivité des infrastructures et de l’aménagement des territoires est en ordre de marche. » C’est par ces mots qu’a été annoncé, en février dernier, le lancement officiel du 55e et dernier-né des pôles de compétitivité français : infra2050. « Depuis mars 2023, nous avons œuvré pour structurer ce pôle, l’organiser au niveau administratif, mais aussi opérationnel », a ainsi expliqué, en préambule d’une conférence de presse qui s’est tenue pour l’occasion le 8 février dernier à l’Hôtel de Région Auvergne-Rhône-Alpes, Cédric Moscatelli, président de cette toute jeune structure présentée comme un « catalyseur » de l’innovation technologique dans le domaine des infrastructures, au carrefour des travaux publics et du génie civil.
Organisée en amont de la cérémonie de lancement d’infra2050, cette rencontre avec la presse a été l’occasion pour son président, mais aussi pour ceux des clusters et de l’institut de recherche qu’il regroupe – Ecorse TP, INDURA et l’IREX –, de présenter en détail sa gouvernance et son fonctionnement, mais aussi de lever le voile sur quatre des quelque 36 projets que le pôle ambitionne d’accompagner d’ici à la fin de cette année.
Une double raison d’être, des ambitions, et une feuille de route comme fil rouge
Regroupant à elle seule, au niveau national, pas moins de 8 500 entreprises – pour un total d’environ 350 000 salariés –, la filière infrastructures avait un souhait, celui de renforcer ses capacités technologiques et scientifiques. Objectif : accélérer la mise en place de solutions à la hauteur des enjeux liés aux transitions climatique et numérique. « infra2050 se veut ainsi un marqueur fort de la filière technologique des travaux publics », souligne Cédric Moscatelli. « Le pôle de compétitivité va en effet permettre d’accompagner les projets collaboratifs de recherche et d’innovation, dans l’optique d’aider les territoires à atteindre la neutralité carbone, fixée en 2050 par la loi européenne sur le climat », ajoute-t-il, avant de dévoiler la double raison d’être de ce dernier-né des pôles de compétitivité français : catalyser l’innovation, certes, mais aussi contribuer à la labellisation de projets et accompagner la filière dans le domaine de la formation, tant initiale que continue.
Fort, pour l’heure, d’un peu plus de 240 adhérents[1], le pôle infra2050 ambitionne ainsi de faire grimper ce chiffre de 25 % d’ici à 2026 pour franchir alors, à cet horizon, le cap des 300 membres. Autant d’acteurs qui viendront enrichir ce réseau qui se veut avant tout un « lieu de circulation des informations sur les innovations, d’échange d’idées, d’expériences et de bonnes pratiques », tel que le décrit son président Cédric Moscatelli. Le tout avec comme fil rouge une feuille de route établie pour, mais aussi avec l’ensemble des acteurs de la filière, comme l’explique à son tour Christophe Ribette, président d’Ecorse TP. « Cette feuille de route vise à accélérer les transitions et s’articule autour de quatre enjeux majeurs », poursuit-il.
Des enjeux en tête desquels se trouvent la conception et la construction d’infrastructures bas-carbone. « La construction d’infrastructures représente en effet 3 % des émissions de CO₂ en France », souligne Christophe Ribette, décrivant ainsi une filière qui se veut sur ce plan « exemplaire ».
Sur ce plan de la décarbonation toujours, le deuxième grand enjeu autour duquel s’articule la feuille de route élaborée pour et par les acteurs du pôle, est celui de l’adaptation des infrastructures à un usage décarboné. « L’usage des infrastructures représente en effet 50 % des émissions de CO₂ en France », note le président d’Ecorse TP. Pour y remédier, le pôle compte ainsi agir sur différents tableaux, en favorisant par exemple l’évolution des modes de déplacement, la mutation énergétique des véhicules, ou encore en développant ce que Christophe Ribette nomme la « route intelligente ». « En travaillant avec l’ensemble des filières partenaires sur des interactions et des approches systémiques, il nous sera possible d’avoir un impact positif sur la non-production de CO₂ » prévoit-il ainsi, avant d’en venir au troisième point de la feuille de route d’infra2050 : celui de l’adaptation des infrastructures au changement climatique et à ses effets. « Nous devons anticiper et préparer les infrastructures aux changements de l’environnement en cours », explique-t-il en citant quelques grands champs d’action prévus : adaptation des ouvrages à l’évolution de leur environnement, réduction de leur vulnérabilité – ainsi que celle de leurs fondations – ou encore gestion des évènements et de la ressource en eau.
Enfin, c’est aussi autour d’un quatrième et ultime enjeu qu’a été établie cette feuille de route du pôle de compétitivité infra2050 : celui de l’intégration du numérique au sein des activités de la filière infrastructures. « La transition numérique est une brique fondamentale de l’action de l’ensemble de la filière. […] Le numérique va accélérer la créativité des entreprises pour répondre aux défis à relever », assure ainsi Christophe Ribette, citant notamment les pistes du BIM[2] et du jumeau numérique, du big data, mais aussi le sujet – crucial – de la cybersécurité.
Autant d’actions, réparties autour de quatre grands enjeux, qui permettront ainsi à infra2050 de mettre en œuvre, plus fondamentalement, les quatre grandes missions qu’il s’est fixées :
- accompagner 25 % de ses adhérents vers les guichets France 2030 ;
- participer à la territorialisation de France 2030 ;
- développer l’accompagnement à la transition écologique des acteurs de la filière ;
- et, enfin, renforcer les liens avec d’autres pôles de compétitivité et comités stratégiques de filières.
« Nous aurons en effet besoin de nous ouvrir à l’échelle nationale », souligne le président d’Ecorse TP. « Dans cette perspective, infra2050 vise à agiter des idées, générer des projets et produits, tout en contribuant à apporter de la visibilité à la filière Travaux publics et Génie civil », ajoute-t-il.
Pour tout cela, le jeune pôle de compétitivité entend s’appuyer sur une organisation tricéphale, reposant en effet à la fois sur un conseil d’administration, un comité de labellisation, mais aussi un conseil scientifique, composé à parts égales de représentants des sphères académique et économique.
Une assise scientifique solide, à l’appui de multiples projets
« Le pôle infra2050 s’est doté d’un conseil scientifique de trente personnes, issues pour 50 % du monde académique et 50 % du monde économique. Elles couvrent ainsi l’ensemble des expertises nécessaires pour aider, tout à travers l’Hexagone, nos adhérents à relever les défis qui sont les leurs », explique le troisième orateur de cette conférence de presse organisée en février dernier, Pierre-Alain Roche, président de l’Institut pour la Recherche appliquée et d’Expérimentation en génie civil (IREX). Trente « experts de très hauts niveaux », tels qu’il les décrit, placés sous la houlette du directeur technique, recherche et innovation d’Eiffage, François Olard, et réparties au sein de quatre groupes de réflexion stratégique (GRS), eux-mêmes placés sous la responsabilité d’un vice-président. « Président et vice-présidents ont la responsabilité de la bonne application de la procédure la plus emblématique d’un pôle de compétitivité : la labellisation de projet », souligne notamment Pierre-Alain Roche. « Bien évidemment, l’ensemble des membres participants aux comités de labellisation sont soumis à une confidentialité stricte », ajoute-t-il, en mettant également en avant une organisation en petits comités favorisant un travail rapide et « agile » de labellisation de projets.
Des projets collaboratifs restreints, jusqu’à des projets ouverts menés à l’échelle nationale, voire internationale. « infra2050 intervient notamment sur un type de projet particulier, dit “Projet National” (PN) », note Pierre-Alain Roche.
Et outre ces PN, ce sont aussi un certain nombre de projets « emblématiques », tels que les qualifie le président d’infra2050 Cédric Moscatelli, auquel le tout jeune pôle de compétitivité a d’ores et déjà pris part et qu’énumère, à son tour, le président du cluster Infrastructures durables Auvergne-Rhône-Alpes (INDURA), Paul Galonnier :
- CHAB, projet de « chaussettes » pour fondations ;
- ValoSed, voué à la valorisation de sédiments de dragage ;
- DOLMEN, visant la création d’un outil numérique pour la gestion du patrimoine en pierre ;
- ou encore un projet mené sur la voie verte « Doubs à vélo », qui a abouti à la création de plusieurs planches d’essai réalisées à l’aide de revêtements à faible impact environnemental.
Autant de témoignages du rôle de « catalyseur d’innovation » qu’a d’ores et déjà su endosser ce tout jeune pôle de compétitivité de la filière infrastructures, infra2050.
infra2050 : une genèse en trois temps
« infra2050 est le fruit de la volonté commune de trois associations : le cluster Ecorse TP en Bourgogne-Franche-Comté, INDURA en Auvergne-Rhône-Alpes, et l’IREX » retrace le président du pôle de compétitivité Cédric Moscatelli. Trois structures qui ont ainsi uni leurs forces pour faire naître, en trois temps, ce catalyseur de l’innovation en matière d’infrastructures.
La première étape préalable à sa création a ainsi été le lancement fin 2019, aux côtés de deux autres entités, du hub Innov’Infra, tourné notamment vers la mise en place de projets collaboratifs.
En août 2022, trois de ses protagonistes – Ecorse TP, INDURA et l’IREX – décident de répondre conjointement à l’appel à projets de phase V des pôles de compétitivité lancé par l’État.
C’est ainsi que le 27 mars 2023, Roland Lescure, Ministre délégué chargé de l’Industrie, annonce la labellisation d’infra2050, à l’occasion de l’assemblée générale de l’Association française des pôles de compétitivité. Un pôle soutenu, depuis lors, par la Fédération nationale de Travaux publics (FNTP) et Syntec Ingénierie – qui en sont membres associés – mais également par le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, ainsi que les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté.
[1] Parmi lesquels 73 start-up et PME, 54 laboratoires et centres de recherche, 64 ETI et grandes entreprises, 13 maîtres d’ouvrage, 20 établissements de formation et d’enseignement ainsi que 19 syndicats de spécialités et autres partenaires.
[2] Building information modeling/management, ou « bâti immobilier modélisé ».
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