L’application Billatraining, développée par la chercheuse Véronique Billat, permet, grâce à l’analyse des paramètres physiologiques du coureur, de lui proposer un entraînement spécifique, orienté sur la prise en compte de ses sensations.
Véronique Billat est devenue sportive sans s’en rendre compte. Jeune, elle habite près de Chamrousse, et va tous les jours à l’école à Grenoble en vélo. L’aller se fait en descente, mais le retour en montée : 600 mètres de dénivelé positif chaque jour.
Sans en avoir réellement conscience, Véronique Billat développe une endurance, dont elle va prendre conscience lors d’un cross scolaire, qu’elle gagne en battant des licenciés et des spécialistes de la discipline. Elle s’engage alors dans des études en STAPS (Sciences et techniques des activités physiques et sportives), mais est rapidement déçue par l’aspect théorique de l’enseignement, faisant peu appel à la science.
Quelques mois plus tard, Véronique Billat démarre une thèse en médecine du sport à la faculté de médecine de Limoges, notamment en pratiquant des tests sur les sportifs locaux. C’est le début pour d’une carrière dans la recherche en physiologie du sport, qui la mènera notamment à fonder et à diriger le laboratoire de biologie intégrative des adaptations à l’exercice au sein de l’université d’Evry, labellisé en 2007 unité INSERM. A travers ses travaux, Véronique Billat mène des recherches afin d’établir un lien entre la science et l’empirisme de l’entraînement sportif.
De ces recherches, la physiologiste a développé une méthode d’entraînement fondée sur la physiologie du sportif, en prenant en compte l’énergie à VO2max et ses facteurs limitants. Ce qui a abouti à la création d’une entreprise, Billatraining, qui propose aux athlètes des programmes d’entraînement individualisés en fonction de leurs paramètres physiologiques notamment. L’ensemble de la bibliographie scientifique derrière la méthode développée par Véronique Billat est d’ailleurs disponible sur le site de Billatraining.
Si les nouvelles technologies permettent désormais à chacun d’entre nous d’accumuler les données personnelles, Véronique Billat a expliqué à Techniques de l’Ingénieur que les utilisateurs doivent, pour maximiser leurs performances, être attentifs à leurs sensations. Les sensations dans le sport, ce que Véronique Billat nomme également le ressenti, sont l’ensemble des perceptions physiques et cérébrales éprouvées par l’athlète lors de son effort : fatigue physique, mentale, douleur, bien-être… toute l’idée derrière les recherches menées par Véronique Billat et l’application Billatraining consiste à inciter les coureurs à courir en prenant en compte leurs sensations et pas les données brutes que leurs montres connectées leur fournissent pendant l’effort. Les données récoltées servent à posteriori à personnaliser les méthodes d’entrainement.
Techniques de l’Ingénieur : Quel est le concept que vous avez développé via Billatraining ?
Véronique Billat : Aujourd’hui nous disposons d’appareils connectés qui permettent de compiler les données liées à l’effort chez le sportif : vélocité, rythme cardiaque, saturation en oxygène… L’idée derrière Billatraining est de pousser les sportifs à écouter leurs sensations à l’effort, puis de se servir à posteriori des datas récoltées via les capteurs connectés – des montres GPS en général, des cardio-fréquencemètres… – pour confronter leur ressenti aux données physiologiques récoltées.
L’objectif est-il spécifiquement l’amélioration de la performance ?
Dans la période que nous vivons actuellement, le sport est un outil formidable pour se maintenir en bonne santé physique mais aussi mentale. Ainsi, depuis quelques années, j’ai suivi beaucoup de sportifs amateurs, qui se sont servis du sport pour surmonter des périodes compliquées, liées à des échecs professionnels, des licenciements… Grâce à un entraînement adapté et personnalisé, ces traumatismes peuvent être surmontés en se projetant sur des objectifs sportifs ambitieux : courir un marathon, grimper au sommet de l’Everest, du Mont-Blanc. Ces performances permettent à certains de reprendre confiance en leurs capacités, de retrouver de la motivation, en réalisant des choses dont ils se pensaient incapables. A ce niveau-là, le sport peut représenter un vecteur important de santé mentale. Grâce aux nouvelles technologies, cette capacité à exploiter le maximum de ses capacités physiques devient une réalité qui était jusqu’il y a peu réservée uniquement aux sportifs de haut niveau.
Les concepts développés par Billatraining se basent beaucoup sur la sensation. Pouvez-vous nous expliquer cela ?
Ce travail de reconnexion du corps avec les sensations pendant la course se base sur trois concepts. D’abord, il s’agit pour les sportifs de pratiquer leur discipline en étant à l’écoute de leurs sensations. Cela a été validé scientifiquement par de nombreux travaux, dont les miens : le fait qu’un être humain est capable de faire un exercice facile, moyen ou dur, et de répéter l’exercice une semaine plus tard, avec des caractéristiques physiologiques d’effort identiques.
Le second concept derrière cette méthode est l’augmentation de la réserve de puissance, afin de développer l’endurance. En effet, la puissance est le principal facteur pour améliorer l’endurance.
Enfin, le troisième concept est celui de vitesse variable : il faut être capable de courir en variant son allure, même si cela oblige le coureur à aller dans des zones d’efforts inhabituelles. En faisant cela, on permet au corps de resynthétiser l’acide lactique pendant les phases de récupération. Pour ainsi dire, il faut accepter d’aller parfois moins vite pour pouvoir aller plus vite après, pendant plus longtemps. On sait aujourd’hui que l’entraînement en puissance est plus efficace que l’entraînement en endurance.
Cette importance de plus en plus grande des données ne risque-t-elle pas de focaliser de manière trop importante l’attention du coureur ?
Les nouvelles technologies pour la performance incitent les sportifs à contrôler tout ce qu’il font donc ils ne sont plus connectés à leurs sensations. Cela nuit à leurs performances.
La plateforme Billatraining permet d’effectuer des tests d’efforts et d’y associer un profil d’entraînement spécifique : la technologie doit nous permettre de valider notre connaissance de la physiologie pour adapter les entraînements en fonction des profils. Il ne faut pas chercher à lui donner un autre rôle.
Propos recueillis par Pierre Thouverez
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