L’European XFEL fait partie de ces infrastructures scientifiques gigantesques dont l’emprise s’étale sur plusieurs kilomètres et dont le coût dépasse le milliard d’euros. Onze pays ont participé à cette aventure de manière financière ou technique et le Royaume-Uni est sur le point de les rejoindre comme 12e pays. Mais les deux principaux donateurs sont l’Allemagne (58% du financement) et la Russie (27%). La France a, pour sa part, contribué, via le CEA et le CNRS, en coordonnant notamment la production et le conditionnement des coupleurs de puissance. Après huit ans de travaux, l’European XFEL s’étend à présent sur 3,4 km de tunnel depuis le centre de recherche allemand DESY (Deutsches-Elektronen-Synchrotron) de Hambourg jusqu’au campus où travailleront les chercheurs à Schenefeld (Schleswig-Holstein). Les installations, principalement souterraines donc sont situées entre 6 et 38m de profondeur.
L’accélération des électrons se fait dans un tunnel de 1,7km de long où les électrons montent en énergie (jusqu’à 17,5 giga-électrons volts), suivi par une portion munie d’aimants permettant de les faire onduler. C’est le changement de direction des électrons dans cette portion qui engendre un rayonnement X de haute énergie. L’European XFEL dispose de trois ondulateurs permettant de de créer des rayonnements à différentes longueurs d’ondes pour différentes applications.
Un instrument vraiment unique au monde
Dans la famille des accélérateurs de particules, les lasers à électrons libres (en anglais FEL pour free electron laser) utilise des électrons non liés à des atomes pour créer des photons. La lumière ainsi produite est presque parfaitement cohérente, très intense et sa longueur d’onde peut aller des micro-ondes aux rayons X en passant par le visible, l’infrarouge ou l’ultraviolet. L’European XFEL produit lui une lumière quasiment 100 % cohérente, faite de flashs ultra-lumineux (1012 photons par flash) et ultra-courts de l’ordre d’une femto-seconde (10 – 15s). Il offre 27 000 flashs/seconde soit 200 fois plus de flashs que le meilleur des autres lasers à électrons libre existants.
Les performances de ce nouvel instrument peuvent être atteintes grâce à l’utilisation d’aimants supraconducteurs. L’European XFEL est en effet le seul laser à électron libre à utiliser supraconductivité pour l’accélération des électrons. La mise en route a débuté en mai 2017 et les deux premières expériences officielles ont été présentées à l’occasion de l’inauguration du 1er septembre. Elles vont surtout permettre de valider les performances et les capacités de cet accélérateur.
Un accès unique au nanomonde
Evidemment les performances d’une tel outil sont très convoitées, aussi son accès par les chercheurs est strictement encadré via une sélection drastique. La communauté scientifique attend beaucoup de cet XFEL : accès aux détails atomiques des virus, à la composition moléculaire des cellules et via des images en 3D à tout le nanomonde. Il devrait même permettre, en assemblant les clichés successifs de réaliser des films des réactions chimiques et biochimiques. Les autres applications de l’XFEL concerneront pas exemple l’étude des nouvelles substances ou matériaux ou des expériences recréant des conditions extrêmes comme celles trouvées dans des exoplanètes. Rappelons que l’avantage des XFEL sur les rayons X conventionnels c’est que la brillance est telle qu’il n’est pas nécessaire de préparer les molécules sous une forme cristalline pour que la dispersion des photons soit suffisante, on peut donc y étudier beaucoup plus de structures et dans des conditions plus naturelles.
Les Américains veulent atteindre le milliard !
Si le XFEL bat pour l’instant tous les records, les Américains du SLAC (accélérateur national américain de l’université de Stanford en Californie) ont entamé un projet d’un milliard de dollar qui doit aboutir à la mise en service en 2020 d’un XFEL encore plus puissant : un million de flashs par seconde ! Il s’appuiera lui aussi sur une technologie d’accélérateurs supraconducteurs.
Par Sophie Hoguin
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