L’île de la Réunion devait atteindre l’autonomie énergétique en 2030, selon la loi de transition énergétique en 2030. Sur le terrain, si les acteurs se mobilisent, les choix ne semblent pas toujours être les plus pertinents et l’horizon d’une réelle autonomie énergétique s’éloigne.
Fin 2018, le mix de production électrique réunionnais présentait 32 % d’électricité d’origine renouvelable. C’est beaucoup mieux qu’en métropole, qui peine à atteindre les 18 %. Il n’y a pas de réacteur nucléaire sur l’île : l’atome laisse sa place au charbon (38 %) et au fioul (30 %).
Vers l’autonomie énergétique en 2030 ?
La trajectoire de transition énergétique est, comme en métropole, définie par un document de référence appelé Programmation Pluriannuelle de l’Énergie. En résumé, ce document donne des objectifs de développement filière par filière pour aller vers plus d’énergies renouvelables. Côté électricité, la part renouvelable devrait atteindre 50 % en 2023 et 100 % en 2030.
Là où le bât blesse est que la loi prévoit une autonomie énergétique totale, c’est-à-dire autant du point de vue de l’électricité que du transport, de la climatisation et de l’eau chaude sanitaire. Mais sur le terrain, l’île prend uniquement le chemin d’une autonomie électrique, et même d’une autonomie électrique partielle.
Remplacer le charbon par de la biomasse majoritairement importée
Le gouvernement français a pris l’engagement de fermer toutes les centrales charbon en France d’ici fin 2022. L’île de La Réunion n’est pas épargnée. Ce qui est facile en France métropolitaine, où le charbon ne représente que 1,1 % du mix électrique, l’est moins là où le charbon en représente 38 %. L’exploitant Albioma envisage donc de convertir ses deux centrales électriques charbon/bagasse d’une capacité de 100 MW et 111 MW à un mix biomasse/bagasse.
Pour remplacer les 650 000 tonnes de charbon brûlées chaque année à la Réunion, il faudrait trois fois plus de biomasse : environ 2 millions de tonnes. L’ONF a recensé toutes les entrées possibles et le moins que l’on puisse dire est que le compte n’y est pas si l’on ne considère que la biomasse locale. Car, pas question de toucher aux plus de 110 000 hectares d’aires protégées. Seuls 30% des gisements nécessaires pour remplacer le charbon sont disponibles localement, principalement sous forme de bois d’élagage. Pour faire fonctionner les deux centrales à l’avenir, il faudrait donc importer 70% de la biomasse nécessaire. Il s’agirait de pellets industriels, en provenance du Canada, des États-Unis ou du Brésil, ou de plaquettes forestières, en provenance du Mozambique ou de l’Asie du sud-est.
Et si l’on pariait plutôt sur un mix 100% renouvelable ?
Soleil, vent, géothermie, biomasse, océan… l’île dispose des gisements nécessaires pour développer fortement les énergies renouvelables. Il manque simplement une vision claire, ambitieuse et globale de transition énergétique. « Actuellement, les acteurs étudient comment ils peuvent faire tourner les centrales existantes en important de la biomasse, relève Jérôme Billerey, président de la commission Régions ultramarines du syndicat des énergies renouvelables (SER). Il faudrait plutôt partir des gisements disponibles et voir comment il est possible de construire une stratégie globale et cohérente pour aller vers une réelle autonomie énergétique, incluant l’électricité, l’eau chaude sanitaire, la climatisation et les transports ».
Une option ambitieuse serait de réinventer la production électrique de l’île. C’est ce que vise l’ADEME dans son étude Vers l’autonomie énergétique en Zone Non Interconnectée (ZNI) à l’horizon 2030. L’agence a exploré plusieurs scénarios, dont un ambitieux d’autonomie énergétique en 2030. « Les potentiels ENR locaux sont suffisants pour assurer un mix électrique 100% renouvelable et local tout en satisfaisant l’ensemble de la demande électrique à tout instant – équilibre offre demande –, moyennant un recours significatif à des capacités de stockage », assure l’agence.
Une autonomie énergétique pas tellement plus chère
L’île de La Réunion disposait fin 2015 d’une capacité installée de 1839 mégawatts (MW) dont 463 MW de sources renouvelables. Un potentiel additionnel de plus de 1,5 gigawatt électrique a été identifié dont 61% de photovoltaïque, 14% d’hydroélectricité, 14% de biomasse, 11% d’éolien, 2% de biogaz et 1% de géothermie. Malgré son potentiel et quelques projets en cours, l’ADEME n’inclut pas l’énergie thermique des mers, car elle juge ses prix prohibitifs.
Le scénario d’autonomie énergétique mobilise l’intégralité du potentiel identifié de la bagasse (120 MW), de la biomasse locale (150 MW), du photovoltaïque (1200 MW), de l’éolien (146 MW), de la géothermie (15 MW), de l’hydroélectricité (192 MW), sans importation de biomasse. Elle prévoit aussi 14 MW d’éolien offshore, soit 28 % du potentiel. Les ressources locales permettraient de recharger un parc de véhicules terrestres légers 100% électrique, hors bateaux, avions et poids lourds.
Sur la période 2015-2030, l’ADEME estime que l’autonomie énergétique demandera plus d’investissements (+68%). Toutefois, en référence à l’année 2015 (coût complet 152 €/MWh), le scénario permettant l’autonomie énergétique en 2030 permet une réduction du coût complet de l’énergie de 36 % en 2030. Au bout du compte, sur la période, 2015-2030, il ne coûtera que 10 % de plus que le scénario tendanciel. L’ADEME pointe toutefois « la fragilité d’une telle situation » et appelle à un « important travail de maîtrise de l’énergie notamment sur le secteur des transports » pour assurer cette autonomie énergétique.
Le SER appelle donc à prendre en compte cette étude dans le cadre de la révision en cours de la PPE pour la Réunion. La trajectoire ambitieuse à adopter doit permettre de définir les nouveaux objectifs en matière d’énergies renouvelables aux horizons 2023 et 2028.
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