Psychologue clinicien spécialisé dans le numérique, Olivier Duris travaille sur l’utilisation des jeux vidéo dans les thérapies, principalement à destination des jeunes autistes. Il est l’auteur de la ressource documentaire Le robot dans la clinique de l’autisme – Intérêts et enjeux futurs pour Techniques de l’Ingénieur.
Dans le cadre de sa thèse, il analyse l’intégration des robots dans les méthodes thérapeutiques. Pour cela, il a mené plusieurs expérimentations dans une clinique spécialisée de Paris, au cours desquelles les robots étaient utilisés comme des outils de médiation thérapeutique auprès d’enfants autistes de 4 à 14 ans. Il revient avec nous sur l’utilisation des robots thérapeutiques, un secteur prometteur qui souffre encore d’un manque de liens entre les disciplines.
Comment utilisez-vous les robots dans vos thérapies ?
Olivier Duris : Le robot dont je me sers le plus est Nao car son code est en open source donc je peux le programmer pour créer des thérapies adaptées. Je l’utilise essentiellement durant des ateliers encadrés : le robot me sert d’outil de médiation thérapeutique, c’est-à-dire qu’il permet de créer une triangulation entre les enfants TSA [trouble du spectre de l’autisme, NDLR], le robot et le thérapeute. Je l’ai intégré dans un atelier de contes : le robot raconte les histoires, et cela me permet d’étudier si les histoires sont mieux comprises lorsqu’elles sont racontées par un robot plutôt que par un humain. En fait, c’est une activité thérapeutique comme une autre, au même titre que la danse, le théâtre ou la piscine.
Quel est l’intérêt d’utiliser des robots dans les thérapies ?
Pour l’instant, les robots sont surtout utilisés auprès de patients âgés, atteints d’Alzheimer notamment, et auprès d’enfants autistes. Ces derniers sont souvent attirés par les machines, le robot a donc plusieurs intérêts. D’abord, pour des personnes qui ont des difficultés relationnelles, le robot a l’avantage d’avoir un visage simple, qui relaie moins d’informations que le visage d’un humain. Ensuite, il se comporte de manière plus prévisible. Par exemple, durant l’atelier contes, le robot raconte toujours le conte de la même manière alors que beaucoup de changements peuvent apparaître lorsqu’un humain lit deux fois la même histoire. Enfin, il peut être contrôlé donc il est moins effrayant.
Du point de vue des effets, on en constate à court terme car les enfants vont parfois réussir à mieux communiquer le temps de la thérapie. Le robot permet alors d’instaurer une relation différente entre le patient et le thérapeute. Mais sinon, l’utilisation des robots s’insère dans un protocole de soins où il y a de nombreux autres ateliers. Pour avoir un effet à long terme, il faut que les ateliers soient répétés, ce qui prend beaucoup de temps.
Comment avez-vous mis en place l’utilisation des robots dans votre clinique ?
Quand je suis arrivé, le numérique était très peu utilisé donc il y a d’abord eu tout un travail là-dessus. Ensuite, concernant les robots, ça n’a pas été simple à mettre en place. Pour commencer, nous avons dû régler la question financière : un robot coûte cher donc on a dû chercher des subventions et trouver des mécènes. Ensuite, il a fallu réfléchir à quels robots seraient les mieux adaptés aux thérapies et les plus susceptibles d’être acceptés par les enfants et les soignants. Enfin, on a dû travailler avec, les insérer réellement dans nos protocoles et montrer qu’ils avaient un impact positif. En parallèle, les soignants ont reçu des formations pour apprendre à les utiliser.
Ne faut-il pas avoir des compétences techniques pour pouvoir utiliser un robot dans un hôpital ?
C’est là un des gros objectifs pour la filière des robots thérapeutiques. Me concernant, j’avais des bases en codage donc j’ai pu programmer Nao. Cependant, j’ai passé 200h à programmer 4 contes de 10 min ! Etant en thèse donc avec plus de temps, j’ai eu la possibilité de le faire mais c’est un temps qui ne peut pas être pris par des soignants, surtout s’ils n’ont pas les connaissances techniques.
Il existe des solutions toutes prêtes, c’est-à-dire des programmes qui sont supposés être adaptés aux enfants autistes. Mais ces solutions ne me semblent pas idéales pour plusieurs raisons. D’abord, je ne suis pas favorable aux solutions toutes prêtes car l’utilisation du robot s’insère dans une thérapie or chaque thérapeute a sa manière propre de travailler. Il devrait donc pouvoir adapter le robot et non l’inverse. Ensuite, on a constaté que ces solutions n’étaient pas vraiment adaptées aux enfants autistes. Des roboticiens et ingénieurs n’ont pas les connaissances suffisantes en psychologie et soin, et les soignants n’ont pas les compétences techniques. Il faudrait croiser les regards et les compétences pour réaliser de bons robots thérapeutiques et pouvoir les utiliser plus largement dans le soin.
Est-ce que de tels ponts entre les filières existent pour le moment ?
Pas vraiment. Avec l’Institut pour l’Etudes des Relations Homme-Robots (IERHR), on essaie de fédérer des chercheurs de tout bord pour créer plus de liens. De mon côté, j’aimerais aussi créer un forum pour que tout le monde puisse partager ses applications réalisées sur Nao. Il y a un océan de possibilités, maintenant il s’agit de les mettre en place.
Retrouvez la ressource documentaire Le robot dans la clinique de l’autisme – Intérêts et enjeux futurs écrite par Olivier Duris.
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