Le norvégien Viking Cruises veut se doter d’un navire à hydrogène liquéfié, long de 230 mètres et capable de transporter 900 passagers. « En tant que norvégiens avec des navires norvégiens, nous voulons ouvrir la voie à des navires à zéro émission grâce à la technologie des piles à combustible. La route à ce stade est encore longue, mais ici à Viking, nous voulons être en avance sur le jeu » a déclaré en septembre 2017 Torstein Hagen, président de Viking Cruises, à l’occasion de la « Sea Conference » à Haugesund, petite ville portuaire norvégienne.
Dans les ports, comme dans les aéroports, il y a des points fixes où l’on peut venir ravitailler les bateaux en hydrogène. L’hydrogène pourra alors être produit à terre de façon industrielle. Mais, à ce stade, « pour l’hydrogène, il y a des problèmes d’approvisionnement à quai, c’est pour çà que le gaz naturel liquide (GNL) lui est préféré en attendant un maillage du territoire. Et la production d’hydrogène nécessite encore trop d’énergies fossiles » ont souligné Marion Perrin et Julie Mougin, scientifiques du CEA-Liten à l’occasion d’une interview pour le journal breton Le Télégramme.
Le Japon a le projet d’importer de l’hydrogène produit en Australie et au Moyen Orient par des bateaux développés par Kawasaki Heavy Industries. Deux bateaux sont concernés dans un premier temps. Le premier, un petit navire dont les travaux de construction pourraient être terminés en 2020, sera propulsé par un moteur diesel. Il servira à tester le stockage hydrogène cryogénique. Le second bateau sera propulsé avec de l’Hydrogène, par l’intermédiaire d’une pile à combustible et/ou d’une turbine à gaz Hydrogène. Mais pas avant 2030.
« Un jour, les soutes des steamers et les tenders des locomotives, au lieu de charbon, seront chargés de ces deux gaz comprimés (l’hydrogène et l’oxygène ndlr), qui brûleront dans les foyers avec une énorme puissance calorifique. Ainsi donc, rien à craindre. Tant que cette terre sera habitée, elle fournira aux besoins de ses habitants, et ils ne manqueront jamais ni de lumière ni de chaleur ».
Telle était la prophétie techno-scientiste de Jules Verne en 1875 dans son roman « l’île mystérieuse ». Mais Jules Verne n’avait pas précisé comment il envisageait que soit produit l’hydrogène…
Dès 1840, la presse française s’inquiétait: « N’y a-t-il pas lieu de redouter l’accroissement de plus en plus rapide des machines à feu, de ces monstres de fer dont la voracité menace d’engloutir tout le combustible du globe ? » (La Phalange, 6 février 1840). L’hydrogène provient aujourd’hui à 95% du vapo-réformage du gaz fossile. En Australie il sera produit notamment à partir de charbon. Il y a donc peu d’intérêt à l’utiliser dans les bateaux pour la propulsion alors que le méthane fossile peut l’être directement. En outre le méthane pose moins de problèmes de sécurité. Il élimine la pollution soufrée. Et il peut être produit par la voie de la méthanisation des déchets organiques.
« C’est à force de répandre le bon grain qu’une semence finit par tomber dans un sillon fertile » écrivait Jules Verne dans le roman « Les naufragés du Jonathan. En Magellanie », publié à titre posthume. L’espoir fait vivre. Du point de vue théorique l’hydrogène a du sens pour les très longs trajets. En revanche pour les distances plus courtes les bateaux à batterie sont adaptés et ont un avantage majeur: ils sont trois fois plus efficaces sur le plan énergétique.
L’hydrogène, élément le plus abondant dans l’univers et carburant thermonucléaire de notre étoile, le Soleil, suscite la rêverie des philosophes du progrès. Il offre une perspective fantasmagorique d’infinitude. Et porte ainsi une promesse d’immortalité dans l’inconscient d’Homo industrialis.
Jean-Gabriel Marie
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