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Hydroélectricité : lente progression des puissances

Posté le par Stéphane SIGNORET dans Énergie

Première énergie renouvelable électrique, l’hydroélectricité augmente très peu ses nouvelles capacités. Alors qu’un projet de barrage a été annulé, Techniques de l’ingénieur rappelle le potentiel de cette filière.

Le devenir du parc hydroélectrique français a été mis sur le devant de la scène fin août avec l’abandon du projet Rhônergia par la Compagnie nationale du Rhône (CNR) suite à un avis négatif de l’État. Ce projet prévoyait un nouveau barrage-usine à une quarantaine de kilomètres en amont de Lyon, pour une puissance de 37 MW et une production au fil de l’eau (sans lac de retenue) estimée à 140 GWh/an. Construire un ouvrage de cette taille est devenu très rare, au regard des impacts environnementaux qui toucheraient 26 km du fleuve : destruction des berges, perturbation de la faune et de la flore terrestre et aquacole, variations des niveaux des nappes phréatiques, risque pour les zones de captage d’eau et l’irrigation des terres agricoles, blocage du transit sédimentaire.

La CNR a porté son projet en prévoyant un non-empiétement sur la zone classée de la confluence de l’Ain, une moindre emprise sur les terres agricoles et des mesures de compensation (création de nouvelles zones humides et d’une passe à poissons). L’opposition a tout de même été vive lors du débat public, et un dernier argument a été avancé par l’État pour renoncer : le projet hydroélectrique risquait de perturber l’exploitation de la centrale nucléaire du Bugey et la construction, au Bugey également, d’une paire d’EPR2 prévue par EDF.

Objectifs en hausse et potentiel en baisse

À l’inverse de cet abandon, d’autres projets voient le jour comme celui de CNR (la Sarenne, 11 MW) ou d’Hydrocop (Eaux du Merlet, 3,3 MW). Mais Rhônergia interroge sur le fait que la filière hydroélectrique risque de gérer plutôt le parc existant que de nouveaux ouvrages. Il est vrai que la France dispose d’un parc conséquent, composé de 10,3 GW de centrales de lac, de 6,7 GW de centrales au fil de l’eau, de 4,1 GW d’éclusées, et de 4,6 GW de stations de transfert d’énergie par pompage (Step). Selon les années et la pluviométrie, l’ensemble de ces moyens hydroélectriques produit entre 50 TWh (2022) et presque 68 TWh (2018). Même si l’éolien va bientôt la dépasser, l’hydroélectricité est encore la première des énergies renouvelables électriques, capitalisant sur l’utilisation, au XXe siècle, de la majorité des sites exploitables. La zone prévue pour Rhônergia était d’ailleurs sur un des seuls secteurs du Rhône présentant encore un gisement non exploité pour l’hydroélectricité.

Pour autant, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) publiée en 2020 prévoyait d’augmenter ce parc à environ 26,6 GW en 2028. En cours de révision, elle va pousser le curseur un peu plus loin, à 28,7 GW en 2030. A-t-on réellement la possibilité d’ajouter 3 GW au parc d’ici 2030 ? L’actualisation de la PPE a été l’occasion l’an dernier de mettre à jour une étude de potentiel. Celle-ci a révélé la possibilité d’installer 653 MW sur des sites vierges, hors sites classés comme non exploitables par le Code de l’environnement (article L.214-17). En évitant également les réservoirs biologiques, les cours d’eau en très bon état et les axes grands migrateurs, ce potentiel se réduit à 384 MW. S’y ajoute l’équipement de seuils existants sur des rivières, permettant l’ajout de 368 MW. Ces niveaux, en baisse de plus de 20 % par rapport à une estimation de 2013, prennent néanmoins en compte que des appels d’offres lancés entre 2016 et 2024 ont désigné une soixantaine de lauréats, pour 146 MW de projets de petite hydroélectricité, dont plus de 94 MW de nouveaux projets.

Investissements bloqués sur les concessions

Néanmoins, ces derniers projets font l’objet d’oppositions, tout comme Rhônergia, et seulement un quart d’entre eux a été construit. Face à cette difficulté de mettre en œuvre de nouveaux sites, il faut donc considérer d’autres potentiels qui sont l’optimisation ou l’augmentation de puissance des centrales existantes, et le turbinage du débit réservé (débit minimum pour les autres usages de l’eau) de ces mêmes centrales. Leurs estimations sont moins précises, mais sont de l’ordre de 510 MW pour le premier et de 3 MW pour le second. Il existe par ailleurs un potentiel d’équipement des moulins à eau que l’Association de sauvegarde des Moulins estime entre 300 et 800 MW, mais qui peut se recouper en partie avec le potentiel des seuils existants.

C’est donc avec l’amélioration des sites existants que la filière peut trouver une issue, en vue de moderniser les ouvrages et augmenter la puissance disponible. Avec les chiffres précédents, il faudrait cumuler rapidement toutes les solutions sur le neuf comme sur l’existant pour arriver au moins à 1,5 GW de puissance supplémentaire, et ceci dans un délai très court d’ici 2030. Le complément apporté par des projets de Step – 1,5 GW prévu d’ici 2030-2035 par la PPE alors qu’EDF envisage 2 GW – pourrait conduire à atteindre les 3 GW.

Mais pour faire avancer réellement le gisement sur les sites existants sous le régime des concessions, l’État français doit encore régler le contentieux qui l’oppose à la Commission européenne depuis plus de 10 ans. Le renouvellement de ces concessions est censé être ouvert à la concurrence selon Bruxelles, tandis que la France milite pour maintenir les exploitants actuels, principalement EDF, la Shem et la CNR. Tant qu’aucun accord n’est trouvé, les investissements sont bloqués dans les sites existants… ce qui ralentit d’autant l’augmentation du parc hydroélectrique.

Pour aller plus loin

Posté le par Stéphane SIGNORET


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