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Hydroélectricité et changement climatique, une nécessaire adaptation

Posté le par Joël Spaes dans Énergie

L’été 2019 a été marqué par deux épisodes de canicule très sévère dans certaines parties de la France, et le premier semestre 2019 a été l’un des plus secs jamais connu depuis le début des statistiques d’EDF. L’électricien, premier hydroélectricien de France, suit en effet depuis le début de son activité (1946) de très près l’évolution du climat pour gérer sa production.

EDF est en effet le premier gestionnaire de l’eau en France, avec quelque 75% des réserves d’eau artificielles, soit environ 7,5 milliards de mètres-cube (m3), a rappelé Yves Géraud, directeur de la production et ingénierie hydraulique d’EDF, à l’occasion d’une rencontre avec les associations de journalistes de l’énergie et de l’environnement (AJDE et AJE), début septembre. L’énergéticien est ainsi l’un des acteurs « les mieux placés pour que d’autres pour voir l’effet du changement climatique à l’œuvre sur nos rivières et sur nos glaciers », rappelant qu’il existe une prise d’eau sous la Mer de glace, qu’elle a déjà été reculée et que l’électricien prévoit déjà de devoir l’adapter une fois encore. « Nous sommes donc aux premières loges et nous en sommes les victimes. Même s’il n’y a pas forcément de perspective de moins d’eau, et d’une production en baisse, mais avec des périodes de sécheresse exceptionnellement longues et des périodes de crues plus fréquentes, insiste le responsable des barrages d’EDF. D’ores et déjà les barrages ont été adaptés avec des évacuateurs de crues en « touches de piano ».

Depuis 1948, EDF dispose ainsi d’une mission de service public du suivi des précipitations en altitude (lieu où sont les barrages en général), tandis que Météo France réalise cette mission en plaine. Un suivi particulièrement fin, et ce qui intéresse EDF c’est les centimètres d’eau contenus dans la neige par exemple, indique Pierre Bernard, de l’unité rattachée à EDF Hydraulique experte de la connaissance de la ressource en eau et du débit des rivières. Le « stockage » d’eau sous forme de neige est mesuré automatique via des instruments à rayonnement cosmique, car si un mètre de neige fraîche représente environ 10 cm d’eau, ce même mètre en fin de saison (tassée donc) « pèse » ses 40 à 50 cm d’eau.

Des événements de plus en plus contrastés

Le premier semestre 2019 fait ainsi apparaître un déficit de production hydraulique de 31,6% par rapport au premier semestre de l’année précédente. Mais, comme le souligne Yves Géraud, 2018 était une année avec une production très forte, avec un premier semestre très arrosé, même si dans certains bassins, comme le Rhin, les niveaux d’eau ont été particulièrement bas, avec une sécheresse forte. Une variation à la hausse et à la baisse de 30% environ qui est « intégrée » dans les schémas de production d’EDF, indique Pierre Bernard.

Ainsi, l’électricien a géré ces fluctuations et les barrages ne montrent qu’une faible baisse de niveau (2%) par rapport à l’année dernière. En 2018, le lac de Serre-Ponçon a ainsi été historiquement bas, afin de pouvoir accueillir les fortes précipitations du premier semestre. En revanche, en 2019, sur les Pyrénées, l’enneigement ayant été très déficitaire, les lacs ont moins été utilisés, et EDF a moins turbiné.

Le partage de l’eau

Mais une gestion qui pèse sur la production d’électricité car, l’eau des retenues « se partage », insiste Yves Géraud. Ainsi, le plus grand barrage, Serre-Ponçon, dans les Alpes, avec ses 1,2 milliard de m3, sert également au tourisme et à l’agriculture, mais aussi à l’alimentation en eau potable de Marseille et du littoral. Et s’il est bas en cette période de l’année, c’est parce qu’il a fallu ouvrir les robinets pour fournir de l’eau à toute la région en aval. Voire parfois en utilisant de l’énergie, en faisant fonctionner les pompes pour remonter l’eau du canal de Provence et alimenter les agriculteurs. Ainsi, sur le bassin Durance-Verdon, où il passe en moyenne 5 milliards de m3, 1,8 milliard est destiné à la seule agriculture.

Le régime de concession

Dans ce cadre, Yves Géraud rappelle opportunément que les concessions d’exploitation des lacs et rivières ne font apparaître que la production électrique. Sur la Durance et sur le Rhône (géré par la CNR), les règles de partage de l’eau ont été posées après l’attribution des concessions. Mais aujourd’hui c’est l’électricité qui supporte les coûts liés aux autres usages de l’eau. Une réglementation qui était « possible quand il y avait des tarifs réglementés, et qu’il s’agissait d’un service public, ajoute le responsable de l’hydraulique, mais qui « dans un contexte de changement climatique et de dérégulation des marchés de l’énergie, n’est plus une situation tenable ». Sur Adour-Garonne, un mécanisme de soutien d’étiage existe (avec le Syndicat mixte d’étude et d’aménagement de la Garonne, SMEAG), avec des volumes d’eau convenus répartis par le syndicat. Reste que l’exploitant hydroélectrique n’est pas en position d’arbitrer les usages et qu’il est soucieux de préserver son équilibre économique, ajoute Y. Géraud. Si EDF ne vend pas l’eau, l’entreprise la met à disposition et perd de la production. Dans le cadre du changement climatique et des nouvelles contraintes sur la ressource (qui ne sera pas disponible aux moments voulus) il faut un partage plus efficace. C’est l’un des aspects à prendre en compte dans le dossier du renouvellement des concessions…

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Posté le par Joël Spaes


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