L’histoire commençe par un accident tragique, qui arriva à James « Jumper » Wide, un employé des chemins de fer du Cap. Il était aiguilleur dans la gare de Uitenhage, et son travail consistait à activer des leviers pour s’assurer que les trains se retrouvent sur les bons rails. Mais Wide avait une mauvaise habitude, à laquelle il devait son surnom : il s’amusait à sauter de wagon en wagon pour traverser les voies. Un jour, il rata son coup, et perdit ses deux jambes en passant sous un train.
Déterminé à retrouver son emploi, Wide se fabriqua lui-même des prothèses en bois pour tenir debout, ainsi qu’un petit trolley qui lui permettait de passer par la voie ferrée pour se déplacer entre la gare et son domicile. La compagnie des chemins de fer accepta qu’il reprenne son poste, mais Wide savait qu’il lui faudrait de l’aide pour pallier son handicap.
Un matin, alors qu’il visitait le marché de Uitenhage, la solution se présenta à lui sous la forme d’une scène improbable : un singe était en train de conduire un chariot à bœufs à travers les étals. Fortement impressionné, Wide plaida sa cause auprès du propriétaire pour racheter l’animal, un babouin du nom de Jack. Et c’est ainsi que commença la collaboration la plus incroyable de l’histoire des chemins de fer.
Au début, Jack ne faisait que pousser le trolley de son maître, mais très vite, celui-ci comprit que son compagnon simiesque était doté d’une intelligence hors du commun, et il l’entraina à activer les aiguillages. Quand un train arrivait, le conducteur donnait un certain nombre de coups de sifflet, et Jack savait quel levier il devait actionner en conséquence. Il avait même appris à apporter la clé du dépôt de charbon aux conducteurs qui avaient besoin de s’approvisionner. Sous la supervision de Wide, Jack devint l’aiguilleur en second de la gare d’Uitenhage, et il ne faisait jamais aucune erreur.
Cependant, en voyant un singe aux manettes, une usagère signala la situation aux autorités ferroviaires, qui licencièrent James Wide sur le champ. Mais à nouveau, celui-ci plaida tant et si bien que des inspecteurs de la compagnie furent envoyés pour attester des compétences de Jack. Ils demandèrent à un conducteur de train de donner différents signaux sonores, pour voir si le babouin était capable de faire les manœuvres correspondantes, et Jack passa tous les tests haut la main. Non seulement Wide récupéra son travail, mais en plus, son fidèle assistant devint le premier singe officiellement employé par les chemins de fer (selon certaines sources, il recevait 20 cents par jour et une demi bouteille de bière par semaine).
Jack devint une légende vivante, que même les dignitaires locaux venaient voir en action. Il accomplit sa tâche d’aiguilleur à la gare d’Uitenhage pendant 9 ans, avant de succomber à une tuberculose en 1890. Son crâne est aujourd’hui conservé à l’Albany Museum de Grahamstown, au Cap Oriental.
Plus d’infos :
- Sunday Telegraph, novembre 1990
- Extrait du livre Baboon Metaphysics à propos de Jack
- Stranger than fiction : Jack the signalman
- Podcast consacré à Jack sur Boing Boing
Source : Blog Axolot
Et aussi dans les
ressources documentaires :
Cet article se trouve dans le dossier :
Rencontre avec les médaillés 2022 « innovation » du CNRS
- One Biosciences : des approches «en cellule unique» pour soigner les maladies complexes
- TreeFrog Therapeutics : une technologie de rupture au service de la médecine régénérative
- Muodim : la « radiographie », version XXL…
- Denis Spitzer : « Toute recherche fondamentale sert un jour »
- La production de particules submicroniques disponible pour l'industrie
- Les organoïdes sur puce, des composants pour la médecine du futur ?
- Fabrice Gaillard (CNRS) : « Le financement de la recherche en France s’assèche de manière dangereuse »
- Une moelle osseuse sur puce pour mieux comprendre les cellules souches
- Transfert de technologies : de l'innovation spatiale au secteur médical
- Analyser des polluants hydrocarbures dans les sols directement sur le terrain
- Nous sommes plus que notre ADN : découverte d'un nouveau mécanisme d'hérédité épigénétique
- Rencontre avec les médaillés 2022 « innovation » du CNRS
Dans l'actualité