Les consommateurs subissent depuis quelques semaines une hausse des prix de l’énergie, dans un mouvement inverse à celui de la crise du coronavirus qui avait fait fortement baisser les prix. Par exemple, le cours du pétrole WTI avait chuté à moins de 20 $/baril en avril 2020 : il est désormais remonté à plus de 80 $, recommençant ainsi à flirter avec son niveau élevé de 2010-2014, mais encore loin des 120 $ qui avaient précédé la crise financière de 2008.
Du côté du gaz fossile, même constat : les cours étaient tombés au plus bas en avril 2020 et ont connu une hausse fulgurante depuis septembre, retrouvant les niveaux très hauts de la période 2003-2008. Deux raisons majeures expliquent cette récente augmentation. Tout d’abord, la reprise de l’activité économique, spécialement en Asie forte consommatrice de la molécule de méthane, a été mal anticipée et a fait augmenter la demande mondiale. Ensuite, l’offre a été freinée à la fois par des réserves de stockage très faibles (à cause de la consommation de gaz l’hiver dernier) et par une moindre production de gaz naturel liquéfié, comme l’Agence internationale de l’énergie l’a pointé. Les cours des énergies fossiles, facilement stockables et transportables, sont par nature très volatils et ce phénomène de yo-yo va forcément continuer. D’ailleurs, une simple annonce de la Russie de remplir des sites de stockage de gaz le 10 novembre dernier a fait redescendre les cours immédiatement.
Pourquoi les prix de l’électricité sont à la hausse ?
Un autre vecteur énergétique subit actuellement une hausse des prix : l’électricité. Sur le marché spot en France, alors qu’elle oscillait entre 40 et 100 €/MWh depuis le début de l’année 2021, elle s’est installée au-dessus de 100 € début septembre et s’est établie autour de 200 € à partir d’octobre, avec parfois de fortes variations, entre 400 € et des prix négatifs ! Pourtant, cette « commodité » n’obéit pas aux mêmes règles que le gaz et le pétrole. Quelle est donc la raison de cette hausse ? Elle tient à la façon dont le marché de l’électricité est organisé.
Justement parce qu’elle est peu stockable, l’électricité fait l’objet d’un incessant travail des gestionnaires de réseaux pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande. Les producteurs sont responsables d’équilibre sur leur périmètre et doivent prévoir la quantité d’électrons qu’ils sont capables d’injecter sur le réseau. Si la prévision n’est pas tenue, le producteur devra payer une pénalité puisqu’il fait courir un risque à l’équilibrage du réseau. Pour rentabiliser leurs centrales, les producteurs vendent leur électricité à des fournisseurs qui la revendront aux consommateurs finaux. Ce marché de gros se fait via des contrats à terme sur des durées plus ou moins longues et également via un marché spot, à l’échelle européenne. Sur cette « bourse » de l’électricité, un premier marché dit « Day-ahead » permet de vendre des blocs horaires pour le jour suivant, et un autre dit « intraday » permet d’ajuster des offres jusqu’à 5 minutes avant la livraison.
« Aujourd’hui, les hausses des prix de l’électricité font la une, et le marché spot est autant concerné que le marché à terme. Étant un marché physique, le prix spot reflète réellement l’offre des vendeurs et la demande des acheteurs de l’électricité, explique Philippe Vassilopoulos, directeur du développement des produits d’EpexSpot, la bourse pour la France. C’est sur le marché Day-ahead qu’il y a le plus d’échanges spot, à hauteur de 100 TWh en France et 250 à 300 TWh en Allemagne, alors que ces deux pays consomment environ 500 TWh chacun par an. » La hausse des prix de l’électricité sur ce marché est liée aux centrales fonctionnant au gaz. En effet, pour satisfaire la demande, on fait d’abord appel aux solutions ayant les coûts variables les plus faibles, puis aux plus élevés. Dans l’ordre de mérite, il s’agit ainsi de l’éolien, du solaire, du nucléaire, du charbon, du gaz et du fioul. C’est le coût de la dernière centrale appelée qui fixe le prix auquel seront achetés tous les kilowattheures vendus, quelle que soit la technologie. Actuellement, les centrales gaz sont souvent les dernières à être appelées et comme leur coût variable augmente avec le prix du gaz, le prix de l’électricité sur le marché augmente lui aussi.
Le nucléaire n’y change rien
« Le parc nucléaire dominant dans la production française ne change rien à cet effet marginal des centrales gaz. De plus, les échanges avec nos voisins ont tendance à faire converger les prix entre pays, si les interconnexions électriques ne sont pas saturées », précise Philippe Vassilopoulos. Au final, tout le monde se retrouve impacté. Les fournisseurs n’ayant pas de moyens de production et s’approvisionnant uniquement sur le marché doivent répercuter la hausse sur leurs clients. Les producteurs historiques comme EDF sont moins sujets à cela mais ses tarifs réglementés de vente d’électricité sont en partie indexés sur le marché spot, ce qui induit une hausse aussi… L’augmentation se répercute donc sur les factures des consommateurs finaux. Se pose alors la question politique de protéger momentanément ou durablement les citoyens de ces hausses. Gel des tarifs de vente, diminution des taxes, chèque pour contrer l’inflation : les solutions existent, mais c’est une autre histoire…
Par Stéphane Signoret
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