Les grands fonds marins contiennent d’importantes ressources minérales : amas sulfurés, nodules polymétalliques, encroûtements cobaltifères… Leur gestion fait aujourd’hui l’objet d’une rude compétition internationale, entre des États dont les priorités peuvent diverger, les plus actifs d’entre eux demeurant largement orientés vers des perspectives d’exploitation. En septembre dernier, lors du congrès mondial de la nature à Marseille, plus de 60 % des États et agences étatiques avaient voté un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins. La France s’était quant à elle abstenue. La Fondation de la Mer vient de publier une étude, dans laquelle elle décrit notamment quelles peuvent être la place et la stratégie de l’Hexagone sur ce sujet.
Le rapport révèle que la France a des atouts incontestables dans ce domaine. C’est en effet le pays qui possède la plus grande surface de fonds marins dans le monde, avec 9,5 millions de km². Rappelons que ces zones sous-marines commencent à partir de 1 000 mètres de profondeur, un seuil en dessous duquel l’environnement change de façon significative. Par ailleurs, l’expertise de la France et les moyens dont disposent ses organismes de recherche en matière d’exploration profonde sont aujourd’hui reconnus. À titre d’exemple, la France est le seul pays européen à disposer d’un sous-marin habité pouvant descendre jusqu’à six mille mètres de profondeur.
À ce jour, la stratégie française, définie dans le cadre du plan « France 2030 », est clairement de privilégier la connaissance, sans pour autant exclure, à terme, l’exploitation. « Mais les connaissances scientifiques actuelles de ce milieu sont encore trop parcellaires pour définir les conditions d’une exploitation responsable et respectueuse de la biodiversité », analysent les auteurs de cette étude. C’est pourquoi quatre missions d’exploration spécifiques vont être lancées par le Comité interministériel de la mer (CIMer), pour un budget alloué de 300 millions d’euros. À cela, va s’ajouter la stratégie du ministère des Armées, qui souhaite développer une base industrielle française, afin de lui aussi participer à une meilleure connaissance de ce milieu, mais aussi dans le but de surveiller et de protéger les infrastructures, notamment les câbles sous-marins, et prévenir d’éventuelles exploitations illégales.
Clarifier des priorités d’investissement et garantir les financements
Le rapport défend la position équilibrée de la France, s’attachant dans un premier temps au développement de la connaissance, tout en veillant également à garantir le contrôle et la maîtrise des grands fonds marins. Plusieurs recommandations sont formulées dans ce document pour y parvenir. Les auteurs conseillent d’associer, suffisamment en amont, la société civile à la définition des grands choix stratégiques et de définir des « sanctuaires des profondeurs » ; ce sont des zones totalement protégées reliées entre elles par des corridors biologiques sous-marins.
Ils soulignent également l’importance d’une « clarification des priorités d’investissement de la France, pour développer des méthodes et des outils d’exploration, de surveillance et de valorisation des grands fonds marins, qui permettent de garder la France dans le peloton de tête des nations. » L’exploration des grands fonds marins étant extrêmement coûteuse, des collaborations public-privé sont également à mettre en place pour garantir les ressources financières, qui peuvent aussi prendre la forme de financements innovants. Notamment, « en encourageant les acteurs à s’engager dans des sociétés à capital mixte, dans des mécanismes de garanties sur des prêts bancaires, dans des avances remboursables ou en faisant appel au public », recommandent les auteurs.
En parallèle de cet intérêt pour les grands fonds marins, la mise en place d’une stratégie ambitieuse de récupération et de recyclage des terres et des métaux rares est essentielle, afin que la France occupe une position de premier plan sur ce marché. D’après l’ONU, 1 % des terres et des métaux rares sont aujourd’hui recyclés sur la planète alors que plus de la moitié des métaux le sont. L’Europe estime que 350 000 emplois pourraient être créés si une politique d’économie circulaire des matières premières sensibles était mise en place. D’ores et déjà, 40 % du zinc ou de l’aluminium et plus de 50 % du cuivre européens sont issus du recyclage, alors que le lithium et le cobalt ne sont quasiment pas recyclés.
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