Il existe de nombreuses études indépendantes montrant la toxicité du glyphosate. Néanmoins, la plupart de leurs résultats ont été rejetés pour différentes raisons et n’ont pas été pris en compte pour le rapport d’évaluation des risques (RER) du glyphosate en vue de son renouvellement en Europe. Générations Futures a demandé à un consultant indépendant d’analyser les raisons qui ont poussé les régulateurs à rejeter ces études. Le rapport dénonce de nombreuses irrégularités.
Premièrement, l’article 8.5 du règlement 1107/2009 demande à l’industriel qui fait la demande de joindre la documentation scientifique des 10 dernières années. Avec une petite recherche, les ONG ont trouvé 146 études portant sur la toxicité du glyphosate. Mais le RAR n’en a répertorié que 76, soit 51%. Sur l’ensemble de ces études non industrielles, seulement 24 ont été discutées. Quelques centaines d’études réalisées par l’industrie ont en revanche été évaluées. Au final, la plupart des études discutées proviennent donc de l’industrie.
Le rapport de Générations Futures s’intéresse à 16 motifs de rejets d’étude de toxicité du glyphosate, qu’elle soit réalisée par l’industrie ou par les universités. Au total, il a analysé 49 rejets de résultats de toxicité. Et sa conclusion est formelle : « sur 49 motifs de rejets ayant pu être expertisés, 45 l’ont été pour des raisons contestables ou très contestables scientifiquement ».
Glyphosate, des études injustement écartées
Grâce à ces techniques, l’industrie peut à la fois rejeter les conclusions de toxicité de la littérature scientifique, mais aussi de ses propres études. Les quatre raisons qui reviennent le plus? Les études ne suivent pas les lignes directrices et les Bonnes Pratiques de Laboratoire, elles ignorent les effets sur certains organes, les contrôles historiques sont malades bien que les contrôles négatifs de l’étude soient en bonne santé et elles ne montrent pas de relation dose/effet.
Lorsque les experts évaluent la qualité d’une étude, ils peuvent rejeter ses conclusions en faisant référence à des contrôles ou témoins issus d’autres études. Ces contrôles témoins sont souvent fournis par des bases de données secrètes de l’industrie, note Générations Futures. Résultat : il est possible de rejeter plusieurs études pour des raisons obscures. Par ailleurs, tout effet à faible dose peut être balayé sous prétexte qu’il n’y a pas de relation dose-réponse. « Il y a tout simplement trop de signes de toxicité en deçà de la dose qui serait la plus faible dose sans effet au monde; et trop de résultats n’ont pas été évalués », prévient le rapport de Générations Futures.
Un système d’évaluation des risques à revoir
Pour François Veillerette, porte-parole de Générations Futures, il faut revoir les méthodes de travail. Trop d’études sont écartées non pas sur leur fonds scientifique, mais pour des raisons de pratiques de laboratoire. De même, les effets à faible dose sont mis de côté : l’évaluation ne considère ainsi que les hautes doses. « Ce n’est pas une démarche scientifique », regrette-t-il . L’expert y voit aussi une question de charge de travail. Selui lui, les agences ne sont pas taillées pour pouvoir réellement vérifier et évaluer l’ensemble des études.
« Si on met systématiquement de côté les études dérangeantes, c’est problématique », assène François Veillerette. Générations Futures a donc commandé une étude similaire sur une dizaine d’autres pesticides. Son objectif : vérifier si ce dispositif de rejet systématique est généralisé et identifier les failles dans le système d’évaluation des pesticides pour proposer des améliorations.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
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