Le destin du glyphosate est en suspens en Europe. Et revers inattendu, l'Anses a procédé au retrait de l’autorisation de mise sur le marché du glufosinate-ammonium, la principale molécule de substitution sur laquelle comptaient les agriculteurs en cas d'interdiction.
Les pays européens ne savent plus sur quel pied danser. D’un côté les agriculteurs militent pour la prolongation de l’homologation du glyphosate, principe actif du Roundup de Monsanto. De l’autre, leurs populations sont de plus en plus sensibles à ses risques sanitaires supposés. En cas d’interdiction, le glyphosate sera immédiatement remplacé par des produits autant, voire plus problématiques, à moins d’une révolution des pratiques agricoles conventionnelles.
Il existait bien une molécule aux qualités équivalentes: le glufosinate-ammonium. Il s’agit d’un «herbicide non sélectif» qui constitue «l’un des rares substituts du glyphosate», selon la Commission européenne. Mais nouveau coup dur pour les agriculteurs, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a retiré l’autorisation de mise sur le marché (AMM) de tous les produits en contenant. Ce n’était pas trop compliqué, le seul produit autorisé en France était le Basta F1 de l’entreprise Bayer. L’Anses a également interdit l’importation de neuf insecticides identiques au Basta F1, commercialisés par d’autres entreprises. C’était le 24 octobre, en plein débat européen sur la durée de renouvellement du glyphosate. Les agriculteurs pourront écouler leurs stocks jusqu’au 24 octobre 2018. À cet horizon, tous les pesticides contenant cette substance seront interdits sur le sol français.
Glufosinate: des risques qui ne peuvent pas être exclus
Cet herbicide classé reprotoxique présumé était utilisé sur les vignes, vergers, légumes et pommes de terre. L’Anses estime que «des risques pour la santé des utilisateurs et des travailleurs, et des personnes présentes à proximité des espaces traités, ne peuvent être exclus». C’est également le cas «des enfants habitant ou fréquentant une institution à proximité des espaces traités», ajoute-t-elle. En face, «Bayer est surpris de cette décision de retrait d’AMM», fait savoir l’industriel dans un communiqué. L’agence n’aurait pas pris en considération les dernières données disponibles, ce qui l’aurait conduit à «surestimer de 300 à 1000 fois le risque pour la santé humaine», regrette-t-il.
L’Anses est en charge de délivrer les AMM des pesticides et de leurs adjuvants depuis juillet 2015. Elle est également en charge du dispositif de phytopharmacovigilance, soit le contrôle des produits autorisés sur le terrain qui lui permet de reconsidérer l’AMM d’un produit. Depuis, l’agence a ainsi retiré 147 AMM «pour des raisons de sécurité sanitaire» contenant certaines substances actives. Soit 7 produits à base d’amitrole, 3 à base de chlorpyriphos-éthyl et 1 à base de diméthoate. Mais surtout, elle a interdit 126 produits à base de glyphosate associé au coformulant POE-tallowamine.
Par Matthieu Combe, journaliste scientifique
Réagissez à cet article
Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous et retrouvez plus tard tous vos commentaires dans votre espace personnel.
Inscrivez-vous !
Vous n'avez pas encore de compte ?
CRÉER UN COMPTE